part des Teinturiers, mais nous arrivons infenfiblement à cette perfection néceffaire pour le bien public & pour l'avantage de la fociété.

Sous le beau fiécle de Louis XIV, l'on vit tant de Charlatans en Médecine, tant de mauvais Chimiftes & tant d'Aftrologues, qu'il femble que l'ignorance avoit raffemblé toutes fes forces pour anéantir les Arts & les Sciences. La raifon cependant fut victorieufe, & les monumens littéraires qui furent érigés à fa gloire ont fait une impreffion qui fe tranfmettra jufqu'à nos derniers neveux.

Il ne fera point étranger dans cet Ouvrage de parler de ceux qui ont contribué au progrès de l'Art & à la deftruction des préjugés. Lorfque toutes les Provinces méridionales de la France envoyoient à Paris des Chimiâtres plus occupés à débiter à grand prix des recettes médicales, qu'à mériter d'être connus de nous, Nicolas Guibert, né à Saint-Nicolas de Port en Lorraine, voyageoit pour s'inftruire dans la Chymie; après avoir étudié & reçu le bonnet de Docteur à Peroufe, il exerça la Médecine vers l'an 1569, à Caftel Durante, qui eft dit-on l'ancienne Typhernum-Tyberinum. Il fréquenta dans cette Ville un Gentilhomme appellé Jacques Pagano établi à Monton, il formoit avec la Nobleffe du Pays une fociété d'Alchimiftes. Étant à Rome l'année fuivante un domeftique Flamand qu'il avoit à fon fervice nommé Claude Ripett, lui racontoit les miracles étonnans des tranfmutations qu'il difoit avoir vu faire par le Prêtre Espagnol Salinas qui eut une malheureuse fin.

En 1571, Guibert fut préfenté comme un adepte au Duc Gonfalve de Sueffano, & fucceflivement

chez les Princes de Farneze, chez le Cardinal d'Eft, chez le Prince Altoviti, Archevêque de Florence, chez le Cardinal d'Augsbourg, Othon Truchies, enfin chez le Cardinal de Granvelle, dans le laboratoire duquel il travailla à Rome & à Naples où ce Prélat étoit Viceroi des deux Siciles ; ces grands noms étoient bien faits pour acréditer une recherche auffi abfurde.

Il traduifit en Latin, pour le Cardinal d'Augsbourg, les Livres Allemands de Paracelfe: à Naples, Jérome Fagioli qui avoit raffemblé tous les Livres d'Alchimie imprimés & qui avoit prefque tous les mff. qui en traitoient, lui communiquoit les uns & lui faifoit copier les autres. Licinius qui a écrit: Pretiofa Margarita de lapide PhiloSophorum; Jean-Baptifte Porta, Vincent Porta freres, leur Pédagogue, Dominique Pizzimento; homme très-favant, qu'il avoit connu à Rome en 1574, étoient les amis à Naples. On conçoit bien qu'avec tant de facilité & de connoiffances de cette nature, Guibert devint un foufleur déterminé. Pizzimento le véritable Auteur de la Magie naturelle, avoit, comme il le difoit, converti du mercure en argent, en faifant calciner un crapaud avec du vif argent dans un creufet. Cette merveilleufe opération fut décrite en ftyle énigmatique, fous les noms de Phabus & de Pyhon dans le Liv. III. Ch. 13 des premieres éditions de la magie naturelle de Porta, quia depuis été corrigée de plufieurs inepties. Angelo Siculo, autre ami commun & Alchimiste mourut de mifere à Naples dans ce tems; & fi quelque chofe pouvoit dédommager Guibert de ces impertinentes fottifes, c'eft qu'il logeoit alors

chez le célèbre Ferrante Imperato, grand Naturalifte & qu'au moins il travailloit pour fes pro

tecteurs.

En 1578 & 1579, Nicolas Guibert fut élu, fous le Pontificat de Grégoire XIII, par le College de Médecine de Rome & confirmé par la Chambre Apoftolique , pour être Préfident de l'état Eccléfiaftique & pour vifiter les Pharmacies. Il fut auffi premier Médecin des Galeres du Pape fous François Grimaldi, & fous Emile Puccio.

Cet homme de mérite avoit eu pour Maître un plus grand homme, Sebaftien Manzoni de Azola, Breffan, qui ayant étudié la Chimie à l'âge de 20 ans, cultiva cette fcience avec de grands fuccès pendant foixante & dix ans. Il avoit été le chef des laboratoires de Pie IV. de Pie V. & depuis attaché en qualité de Directeur au Laboratoire de Cafino à Florence & Juge des expériences curieufes propolées aux grands Ducs de Tofcane, Côme de de Médicis & François de Médicis. Manzoni confondoit ordinairement les Alchimiftes & les copiftes des anciennes recettes pour les Arts; il avoit détourné Guibert de ces abfurdités, mais les efpérances pompeufes des Alchimiftes le firent fuccomber.

Ce favant Médecin termina enfin fes illufions par (on retour auprès de Manzoni inftruit par les avis d'un Maître fupérieur aux impoftures Chimiques, par le témoignage de fes yeux & de fes expériences, il revint dans fa Patrie & alla habiter la Ville de Toul où il s'occupa à publier les ouvrages fuivans:

I.

murrhino Affertio de murrhinis, fivè de iis quæ nomine exprimuntur adverfus quofdam de iis minus rede differentes. Nic. Guiberto D. M. Auctore in-8. Francofurti, (André Wechel) 1597.

Ce Livre contenant 91 pages, fans la Préface, eft dédié à Jean Porcellet de Maillane Seigneur de Walhey, Haraucourt, Guisenville, Buifey, &c. Bailli de Metz. On lit des vers Latins de Pierre Milot, Médecin de Paris & de Jean Papigni. Le but de l'Auteur eft de réfuter les erreurs du Cardinal Baronius; dans le Chapitre IX, il attaque les idées de Pierre Belon. Dans fes Obfervations Liv. II. Chap. VII. on trouve une lettre de Guibert au P. Fronton le Duc, & fa réponse du 22 Déc. 1596.

Cet Ouvrage doit fervir à l'Hiftoire de la porcelaine. L'argille blanche me paroit être indiquée dans Pline: Catini fiunt ex Tafconio, hoc eft ierra alba fimilis argilla. Neque enim alia aflatum, ignemque & ardentem materiam tolerat. Une argille blanche dont on compofoit des creufets appellés Tafconium; le même Auteur parle d'un peuple dans la France qu'il nomme Tafconi: ce font les habitans des bords de la petite riviere du Tefcon qui fépare le Quercy du Languedoc & s'unit à la riviere du Tarn, une lieue audeffus de Montauban: comparez les paffages de Pline Lib. XXXIII. Cap. 21 Lib. III. Cap. 5. & l'Auteur de la vie de Saint Théodard, Evêque de Narbonne, Cap. 5. Cette argille blanche portée en Espagne pour l'ufage des Fonderies, confervoit le nom du pays.

d'où elle étoit exportée. Dans l'Effay des Merveilles de la Nature, par René François, on lit ce paffage, Chap. XXIX des Metaux » quant aux

,

ou

couches, creufets, ou culots, on les fait d'une » terre blanche & graffe comme argille, qui est » dite des Latins Tafconium, au Lyonnois; on » l'appelle terre de l'arnage du Dauphiné » terre de Saint-Pourçain en Auvergne. Jean Kentmann, en 1565, nomme l'argille blanche, argilla candida feburgica- candida- annebergia candida iflebiana, cui internitent mica argentea Le célébre Bernard Paliffy eft le premier en France qui ait fait mention dans fon Traité de la marne, de l'argille blanche qui eft bonne à faire des vales: c'est fur l'indication de Paliffy que M. Hocquart de Coubron chercha fort loin cette fubftance & qu'il effaya la porcelaine de Vaux auprès de Triel. Ces argilles, dit M. Baumé, n'étoient plus connues en France avant M. Pott. Il faut donc croire que les Naturalistes François & étrangers n'avoient point fçu profiter des lumieres de Paliffy. Depuis Pott, on a fait des recherches fur les argilles, & on en a découvert en France de parfaitement blanches & avec lesquelles on fabrique les plus belles porcelaines qui ayent jamais exifté, fans en excepter les anciennes porcelaines du Japon. Telle eft la belle terre à Porcelaine de Limoges, que l'on pourroit regarder comme le Kaolin des Chinois, & qui eft même meilleure pour l'emploi, parce qu'elle n'eft pas remplie de mica. Cette terre que Becher nomme terra immutabilis & fen idiaphana, étoit connue de Jean Cecile Frey, Médecin de Paris : eft locus in Lemovicenfium regione dictus Alba terra