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redoubloit ma frayeur, & je farfois à tous les inftans des vœux au Ciel, pour que nous puiffions reprendre notre route ; il exauça enfin mes prieres; mais ce fut pour me réduire bientôt dans l'état le plus déplorable que l'on puiffe s'imaginer. Nous fumes accueillis d'une feconde tempête plus violente que la premiere, & le vent ayant malgré tous nos efforts, féparé nos quatre vaiffeaux, celui que je montois fujetté fur la côte d'Ayan, où après avoir beaucoup fouffert fumes furcroît de malheur, attaqués par trois bâtimens Corfaires. Vous pouvez juger que la partie étant entierement inégale, & les gens de mon vaisseau tout-àfait hors d'état de combattre, nous fumes contraints de nous foumettre à nos vainqueurs, qui prirent auffi-tôt la route de Brava. (a)

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[a] Brava, Capitale d'un Royaume, fituce

LVII. SOIREE.

Suite des Avantures de Katifé & de Margeon.

J

E ne puis, Mefdames, vous bien exprimer quel fut mon défespoir; je fus tenté en ce moment de me précipiter dans la mer, pour finir tout d'un coup mes malheurs; mais foutenu en core par quelques lueurs d'efpérance, que je pouvois être rejoint par nos trois vaiffeaux, avant que d'arriver à Brava, & qu'ils nous délivreroient peut-être de l'efclavage où nous venions de tomber, je differai de me donner la mort, dans la réfolution de ne pas furvivre long-tems à la perte de ma

fur la côte d'Ayan, dont les peuples ne vivent encore aujourd'hui que de leurs brigandages,

liberté. Lorsque j'avois vû que nous allions devenir efclaves de ces Corfaires, j'avois eu la précaution de recommander à tout l'Equipage, de ne leur point faire connoître ma qualité ni celle du Vifir de la mer; ils me tinrent exactement parole, & j'eus du moins la confolation, fr je changeois de réfolution, de voir que ma dignité ne feroit pas un obftacle à ma rançon. Nos vaiffeaux n'ayant pas paru, nous fumes conduits à Brava, & dans le tage que l'on fit de nos perfonnes, j'échûs avec le Vifir au Gouverneur de cette Ville, à qui l'on donnoit la dixième partie de tou tes les prifes que l'on faifoit fur mer: jugez de ma douleur, quand je me vis au pouvoir d'un homme de ce rang; je m'y abandonnois fans réferve, & j'avois pris pour ce coup une forte résolution de m'ôter la vie, lorfque Mefry

par

s'appercevant à mon air fombre que je méditois quelque chofe de funefte, me représenta vivement le tort que j'avois de me laiffer abattre ainfi Seigneur, me dit-il, loin de vous livrer comme vous faites, au plus noir chagrin, vous devez dans cette occafion rappeller tout votre courage & votre fermeté, & vous conferver du moins pour l'illuftre Margeon, qui peut encore avoir befoin de votre fecours; je puis vous affurer que nous ne refterons pas long-tems dans la trifte fituation où nous fommes; comme il arrive dans ce Port des vaiffeaux de toutes les nations, je trouverai occafion, avant qu'il foit peu, de faire fçavoir notre captivité au Sultan d'Aden; il vous aime trop pour ne pas employer tous les moyens poffibles pour nous procurer la liberté, & je ne défefpere pas enfuite que nous ne

puiffions retrouver votre belle veuve. Ces difcours flatteurs cal-merent un peu la violence de mes maux, & réfolu de m'abandonner aux decrets de la Providence, j'attendis qu'elle exécutât ce qu'elle avoit décidé fur mon.compte.

Il y avoit environ trois femai-nes que j'étois chez mon nouveau maître, dont j'entendois tous fes efclaves fe louer, lorfqu'il me fit. appeller dans l'intérieur de fon Palais Mani, me dit-il, (c'étoit le nom que j'avois autrefois porté chez ma belle veuve, & que je m'étois alors donné) mon fils fe marie dans quinze jours, je veux célébrer fes nôces par une fêteque j'ai promife aux femmes de mon Sérail, & à celle qui lui eft deftinée pour épouse, aurois-tu du goût pour ces fortes de divertiffemens? Seigneur, répondis-jeau Gouverneur, qui s'appelloit

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