페이지 이미지
PDF
ePub

Divine prudence, vous donnez aux vertus la médiocrité, la bienséance, l'union qui les diftingue des fauffes vertus, Nous ne devons pas moins leur utilité à yos lumières.

C

SECONDE PARTIE.

E n'eft

que par la vertu que tous les Hommes peuvent être heureux. Elle rapproche les conditions les plus éloignées; elle répare l'injuftice de la fortune dans l'inégale distribution des biens: elle accorde deux ennemis irréconciliables, notre amour propre, & celui des autres Hommes. Unis par la vertu, nous nous regardons tous comme les membres d'un même corps: nous ne féparons pas notre interêt particulier d'avec le bien pa blic. Examinons fi nous pouvons attendre l'un & l'autre de la pratique des vertus, fans le fecours de la prudence,

Chacun doit chercher le principe de fon bonheur au dedans de foi-même; voir le paffé fans remords & fans repentir ; attendre l'avenir fans le défirer & fans le craindre voila la fource de notre félicité, Celui qui poffède un fi grand bien, a con,

nu fes devoirs ; il a fçu les remplir dans toute leur étenduë. Jufte appréciateur des biens & des maux, il a été également tranquille dans la faveur & dans la difgrace, dans l'opulence & dans la pauvreté. Quelle prudence a été néceffaire pour conserver cette uniformité de conduite dans les divers évènemens; pour avoir le droit de jetter un oeil fatisfait fur toutes ses actions; & pour dire avec vérité & avec juftice: Ce que j'ai fait eft bon ? Ce n'eft pas affez d'avoir été vertueux : fi les fuccès n'ont pas répondu à nos espérances, on a toûjours quelque faute à fe reprocher. Il ne fuffit pas même que des évènemens heureux ayent couronné nos vertus: s'ils ne font pas le fruit de notre prudence, ils ne nous appartiennent pas. Le hazard a favorifé l'entreprife impru dente de ce Capitaine : qu'il ne fe glorifie pas d'un fuccès qu'il n'a pas mérité. Le Juge incorruptible qui veille au fond de fon cœur, oppofe fon imprudence aux éloges publics. La multitude eft trompée ; mais il n'eft pas trompé lui-même.

Si le vertueux imprudent eft privé de cette joye fi fenfible que donne une con duite irréprochable, en eft-il dédommagé

pár la confiance dans l'avenir? Non : il n'apperçoit dans les évènemens de l'Univers, qu'une fuite de hazards aveugles. S'il a été heureux, il craint que la Fortu ne ne fe laffe de le favorifer: s'il a éprouvé fes difgraces, il craint qu'elle continuëra de le perfecuter. L'expérience fatale ou favorable, tout eft perdu pour lui. Il n'a pas appris de fes malheurs à les vaincre : il ne doit pas les fuccès heureux à des maximes, à des principes certains. Les lauriers raffemblez fur fa tête, ne le raffûrent pas dans l'occafion. Le péril s'offre à ses yeux, plûtôt pour l'épouvanter, que pour lui infpirer les juftes précautions pour l'éloigner. Mais quand une exacte raison a éclairé toutes les démarches de l'Homme, vertueux, quelle eft fa confiance! Crain droit-il les maux? il a déja éprouvé les forces: il fçait qu'il trouvera toûjours dans les vertus accompagnées de la prudence les fecours néceffaires pour détourner les maux, pour les diminuer, ou pour les fur

monter.

On dira peut-être que fa confiance est téméraire que le fort bizarre fe plaît à déranger les mefures les mieux concertées, à renverser les projets les plus fages.

Jufqu'à quand, injuftes Mortels, accuserez-vous la Fortune de vos fautes ? Il est vrai, vous recevez fouvent de fes mains des bienfaits que vous n'avez pas méritez ; ils font le fruit de l'imprudence de ceux qui les difpenfent: mais rarement eft- elle coupable de vos malheurs. Ce Général qui joint au plus ardent amour de la Patrie, une valeur intrépide, n'a pas prévû que les prémiers rayons du Soleil ébloüiroient fes Soldats, & rendroient leur ardeur inutile. Un Fleuve qui paroiffoit à fes yeux une barrière fûre, a donné paffage à l'Ennemi. Cette Forêt, ce Marais,_qu'il avoit crû impraticable, enfante des Com battans qui viennent fondre fur lui, lorf qu'il fe croit le plus en fûreté. Engagé dans un pofte défavantageux, il faut fe rendre à la merci du Vainqueur : il n'a pas même le trifte avantage de fe dévoüer, avec tous fes Compagnons, à. une mort certaine, mais glorieuse. Eft - ce la Fortune, ou fon imprudence, qu'il doit accufer de fa défaite ?

[ocr errors]

L'Homme prudent amène les évènemens favorables: il prévoit & détourne

a Bataille de Cannes.

Bataille gagnée par Annibal, proche le Lac Trafimène. c Les Fourches Caudines.

[ocr errors]

ceux qui font contraires: il fçait même les tourner à fon avantage. Que ce Romain foit abandonné par un Allié qu'il croyoit fidéle, ne craignons pas que cette lâche trahifon le trouble ou le décourage: il la cachera à son Armée; il dira que c'est par fon ordre qu'on va envelopper l'Ennemi: cette rufe prudente augmentant la confiance de fes Soldats, hâtera fa victoire.

C'est ainfi qué le Sage maîtrise la forẻ tune: il lit, pour ainfi dire, dans l'avenir é fes conjectures font des jugemens certains: il voit dans les objets ordinaires un autre Univers, & des liaisons inconnues aux autres Hommes. Quel rapport du mou vement des Corps céleftes, avec le combat queSulpitius va livrer! Il y trouve la victoire: il prévoit que le Soldat fuperftitieux,se voyant inopinément privé de la foible lueur de l'Aftre qui préfide à la nuit, craindra de combattre contre les Immortels: il lui dévoile les fecrets des Cieux : l'évènement qu'il a prévû n'est funeste qu'à l'Ennemi.

Qu'on foit courageux, intrépide, fameux par plufieurs victoires, ce n'eft pas encore affez: il faut, par une fage condui 17213

V

« 이전계속 »