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tems, elle eft de toutes les profeffions & celles-là même n'en font pas exemtes, qui femblent n'avoir dans leur travail que des vûës intéreffées. Si le défir de l'immortalité porta le grand Alexandre aux extrémitez du Monde, ce même défir anima les fameux Ouvriers de ce fuperbe Maufolée, l'ornement & l'admiration de la Grèce. Après avoir perdu tout espoir de récompenfe, par la mort de l'illuftre Princeffe qui les avoit appellez, ils ne laiffèrent pas d'achever, pour leur gloire, un travail, qu'ils n'avoient d'abord commencé que pour leur fortune.

Il eft donc vrai que tous les hommes recherchent l'eftime publique, & travaillent pour la renommée. Quand la Cérémonie de ce jour m'oblige à réveiller, à fortifier cet amour de la gloire dans le cœur de ceux qui m'écoutent; quand je viens applaudir à un goût fi gènéral, & flater un penchant fi doux, ne puis je pas efpérer d'être écoûté favora blement? Tous les autres fujets de confince me font interdits; permettez-moi d'en tirer un du moins de la Matiere que je vais traiter,

Mais ne donnerai-je à ce penchane

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qu'une approbation ftérile, fans fecours & fans inftruction? Non, MESSIEURS, c'est peu de réveiller dans vos cœurs cette ardeur pour la Renommée ; il faut encore la guider: il faut examiner quel est le mérite, quels font les talens, quelles font les excellentes qualitez qu'il eft plus avantageux à l'homme de pofféder, & qui conduisent le plus fûrement à la gloire.

Parmi tous les moyens qui peuvent nous l'acquerir, le plus für fans doute le plus digne de la grandeur de l'homme, eft l'amour de la vertu; mais le Sage n'eftime la vertu que pour elle-même. La gloire eft la récompenfe de fes travaux, fans en être le terme, &, bien, loin d'exiger de doux tribut de loüange & d'honneur, l'homme vertueux a de la peine même à l'accepter lorfqu'on le lui préfente.

Admirons en lui cette indifférence pour la renommée; mais ne laiffons pas d'applaudir à ceux qui, moins courageux ou moins forts, fuivent un penchant que la nature donne, que la raifon autorise, que la vertu elle-mêine ne condamne pas, quoiqu'elle s'en défende. C'est à ces ama

teurs de la gloire que je parle aujourd'hui: je vais leur montrer que, parmi les divers avantages qui peuvent les y conduile fçavoir & les belles Lettres font le moyen le plus aifé & le plus für, & que leur mérite eft préférable à l'éclat des Profeffions les plus brillantes.

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rans,

Hommes puiffans, qui êtes prépofez au gouvernement des Peuples, vous attirez fur vous, & jufques fur vos moindres démarches, les yeux, l'attention & le refpect des autres hommes; vous décidez de leur destinée; vous ne voyez autour de vous que de l'encens & des hommages; quoy de plus flateur! Fameux Conquéla Terre fe taît en votre préfence; vous fubjuguez des Nations entières ; vous portez votre nom aux extrémitez du Monde; quoy de plus brillant! cependant ne penfez pas que toutes les voix de la renommée s'employent pour vous. Homère eft dans le Temple de mémoire à côté d'Alexandre ; la Grèce ne s'eft pas moins applaudie de ses Orateurs & de fes Poëtes, que de fes grands hommes d'Etat & de fes Guerriers; les Ecrits de Vir gile & d'Horace n'ont pas moins contribué à la gloire du Règne d'Augufte, que

les

les foins de Mécénas & les Exploits d'A grippa.

Oui, MESSIEURS, j'ofe ici combattre le préjugé fi favorable à l'autorité & à la valeur. Les Belles Lettres ont par elles-mêmes un mérite moins équivoque & moins fufpect difons plus, elles contribuent, elles ajoûtent encore au mérite & à l'éclat de ces Profeffions brillantes. Non - feulement il eft plus avantageux & plus fûr d'aller à la gloire par l'étude & les Belles Lettres; mais il eft prefque impoffible de l'acquérir fans leur fecours, & c'eft à elles que l'autorité & la valeur doivent leurs plus grands avantages.

C

PREMIERE PARTIE.

E n'eft pas le préjugé feul, c'eft la raifon & l'équité qui attachent aux places éminentes l'eftime & la vénération publiques. Soit que nous regardions ceux qui les rempliffent comme des Miniftres établis fur nous par la Providence, foit que nous les confidérions fimplement comme des hommes qui fe dévouënt aux besoins de l'Etat & aux foins de la Répu blique, il eft fagement établi que l'on 1721

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rende honneur à leur caractère, & qu'on regarde cette obligation comme un des devoirs les plus indifpenfables.

Mais à quelles conditions les hommes, naturellement ennemis de la dépendance, ont ils confenti à fubir le joug de l'autorité, & fe font-ils impofé ce tribut d'hom mages qu'ils lui rendent? Ne le diffimulons points l'interêt de notre orguëil n'a cédé qu'à des intérêts plus preffans. Nous avons reconnu que dans l'égalité des conditions & du pouvoir, le caprice & l'entêtement de la multitude ne pouvoient que nuire à la fociété; nous avons crû devoir élever au-deffus de nous des perfonnes fages & éclairées, qui fe chargeroient de veiller au bien public; & convaincus de la néceffité de la fubordination, nous avons préféré une dépendance utile à une liberté pernicieuse & funefte.

C'est donc entre les mains de ces perfonnes choifies que le refte des hommes dépose, pour ainfi dire, le foin de leur répos, de leurs fortunes, & de leurs vies. Quels honneurs ne doit-on pas rendre à un emploi fi illuftre Mais auffi quelle application, quelle vigilance, quel travail

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