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République, il ne s'arrête point qu'il ne les ait détruites & anéanties.

Ce n'eft pas ici le lieu de pouffer plus loin ces réflexions, fur les défordres où peut précipiter l'efprit d'innovation. Je paffe à l'examen des différens caractères de ftyle qu'employe l'Eloquence, fuivant les matiéres qu'elle fe propofe de traiter.

CHAPITRE XIV.

Des différents caractères de l'Elocution.

ON en compte trois principaux, le Style fimple, le Style fublime, & le Style moyen qui participe des deux autres, & qu'on appelle auffi le Style tempéré.

ARTICLE PREMIER.

Du Style fimple.

LE Style fimple tire fon principal mérite de la pureté du langage, de la clarté & de la netteté. Il évite de paroître nombreux, & n'employe

qu'avec beaucoup de circonfpection, ces circuits de paroles qu'on appelle Périodes. S'il fait ufage de quelques ornemens, ils font toujours modeftes, & n'ont rien de faftueux ni d'éclatant. Il a un air de négligence qui lui fied, mais qui eft le fruit d'une grande attention à cacher tout ce qui peut fentir l'art & le travail. On ne s'imagine pas qu'il demande beaucoup de génie & d'habileté, & les moins éloquents fe croient capables de l'imiter; mais s'ils en font l'effai, ils s'apperçoivent après bien des efforts, qu'ils ont travaillé inutilement pour y parvenir. C'est l'éloge que Cicéron fait des Commentaires de Céfar. Ils font écrits dans ce Style fimple, & ils lui firent autant d'honneur que fes harangues dans le Sénat de Rome, où il avoit employé la plus haute Eloquence. Le Style fimple n'admet que des mots communs, & pris dans l'ufage ordinaire, & il ne connoît, ni la pompe, ni l'oftentation; mais il rejette les mots bas, & ne s'accommode, ni de la platitude Bourgeoife, ni du langage burlefque, & qui vise

au bouffon & au bas comique. En un mot, on peut le comparer à ces tables frugales, où l'oeil n'eft ébloui par aucune forte de magnificence, mais où régnent l'élégance & la propreté. Ce Style eft propre aux Récits hiftoriques,, aux Mémoires, aux Dialogues, aux Ouvrages faits pour inftruire, & aux converfations polies.

Il eft bon de remarquer que ce ftyle fimple demande, felon les fujets & les perfonnes, de la nobleffe & de la dignité. Alors, il devient le Style des Rois dans leurs dépêches, dans les lettres qu'ils écrivent aux Souverains, & dans les difcours où ils expliquent publiquement leurs volontés.

On peut affocier au genre fimple ce qu'on appelle le Style naïf, tel que celui des Fables de la Fontaine, de quelques Chanfons qui roulent fur un élégant badinage, & de notre ancien langage qu'on appelle Gaulois comme dans cette Epigramme:

Amour trouva celle qui m'eft amère,
Et j'y étois, j'en fçais bien mieux le compte:
Bon jour, dit-il, bon jour, Venus ma mere,
Puis auffi-tôt il yoit qu'il le mécompte,

Dont la rougeur au visage lui monte, D'avoir failli, honteux, Dieu fçait combien. Non, non, Amour, lui dis-je, n'ayez honte, Plus clairvoyans que vous s'y trompent bien.

Voici encore une Epigramme du même tems dans le genre naïf

Di-moi, ami, que vaut-il mieux avoir, Beaucoup de biens, ou beaucoup de fçavoir? Je n'en fçais rien, mais les fçavans je voi Faire la cour à ceux qui ont de quoi.

pour

ARTICLE II.

Du Style Sublime.

LE Style Sublime a un air de grandeur & de majesté qui impose, & l'ordinaire fes mouvemens animés d'une noble ardeur, tendent à foumettre les efprits & les coeurs. Il faut que tout céde à fa fécondité, à fa force, à fon adreffe, à fa promptitude & à fa véhémence. Il est propre à élever l'ame & à la remplir d'admiration. Il faut obferver qu'on diftingue le Style Sublime, de ce qu'on appelle proprement le Sublime ou le Merveilleux dans le discours, & qui ne confifte pas toujours dans la ma

gnificence des expreffions, mais qui peut fe trouver dans une feule penfée, dans une feule figure, dans un tour de paroles fimples & communes; comme, Dieu dit que la lumiére Se faffe,& la lumiére fe fit. Ce Sublime fuppofe une maniére de penfer noble, grande, magnifique, & marque par conféquent dans celui qui parle ou qui écrit, un efprit qui n'ait rien de bas ni de rampant, mais qui foit rempli de fentimens généreux, & de je ne fçais quelle noble fierté qui fe faffe fentir en tout. Cette élévation d'efprit doit être l'image & l'effet de la grandeur d'ame. Darius offroit à Aléxandre, pour avoir la paix, la moitié de l'Afie, & fa fille en mariage: Si j'étois Aléxandre, lui difoit Parménion, j'accepterois ces offres: Et moi auffi, repliqua ce Prince, ft j'étois Parménion.

Il faut obferver encore que le Style Sublime n'eft pas toujours impétueux & véhément. Il peut être élevé fans être rapide, & fans faire de bruit, comme une grande riviére qui roule majeftueusement fes eaux, & qui porte partout où elle paffe, l'abondance & la fertilité.

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