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qu'il n'étoit pas permis d'y inhumer perfonne, qui ne fût de la famille de Miltiade, on en peut conclure, qu'Hétodote avoit été adopté par quelqu'un de cette famille. Ce qui vraisemblablement arriva, quand on forma la Colonie d'Athéniens, qui alla habiter Thurium. C'eft auffi la penfée de Dodwel, (1) lequel foupçonne feulement, fans trop de fondement, que ce Monument n'étoit qu'un Cenotaphe.

C'est de quoi nous ferions plus fûrs, s'il avoit plû à ceux, (2) qui en ont confervé l'Infcription, de nous dire en quel endroit elle s'étoit trouvée. Car par le premier des quatre vers, qu'elle renferme, on voit qu'Hérodote avoit été véritablement inhumé fous ce tombeau. Mais dans le doute, il me paroit qu'il y a lieu de préfumer, qu'elle fe lifoit dans le lieu, dont parle Marcellin. D'au tres cependant, fuivant Suidas, ont prétendu qu'Hérodote étoit mort à Pella, Ville de Macédoine.

On trouve auffi dans Prolémée Hépheftion (3) des chofes finguliéres fur fon teftament, & fur un certain Pléfirrhous, Theffalien, qu'il avoit tendrement aimé. Mais il faut les voir dans l'original.

Voilà tout ce que nous fçavons de la vie, & des Ouvrages de cet excellent Historien. J'aurois beaucoup de choses à dire, fur les divers Jugemens qu'on en a portez; fur-tout, par raport au reproche, que quelques Critiques lui ont fait, d'avoir débité beaucoup de fables, & duquel d'autres ont taché de le juftifier. Mais il y a peu de choses à ajouter à ce qu'a recueilli fur cela le Sçavant & laborieux M. Fabricius. (4)

Pour moi, je n'ai jamais approuvé la témérité, qu'on a euë de le traiter de menteur. Car outre que la plupart des chofes extraordinaires, ou peu vraisemblables, qu'il raporte des Pays éloignez de la Grèce, ont été vérifiées depuis par nos Voyageurs il ne les débite d'ordinaire, qu'avec la plus grande précaution. Car il a coutume d'ajouter, (5) ou qu'il en doute, ou même qu'il ne les croit pas, & qu'il ne les raporte, que fur la foi d'autrui. Que peut-on défirer de plus dans un Hiftorien exact & fidelle ? Je ne parle pas des contrariétez, qui fe trouvent fur certains

(1) Dodwel, Apparat. in Annal.Thucydid. Sect. 20.

(2) V. Etienne de Byzance, v. Opio, & ibi Berkel.

(3) Prolémée Hépheftion, Lib, 3. & S. apud Phosium, cap. 190. p. 478. 483,

(4) Jean-Albert Fabricius. Biblioth. Gr. Lib. 2. Cap. 20. §. 3.

(5) V. Hérodote, I, 140. 182. 183.193. II, 28.78.121. §. 5. 123. 13 1. III, 923.115, 116. IV, s. 25. 42. &c. B

points entre lui, & Créfias. J'en ai déja dit ailleurs (1) mon fentiment, & j'en parlerai encore au Chapitre suivant, où l'on verra le peu de fonds, qu'on peut faire fur l'Hiftoire de ce dernier.

Mais la fincérité d'Hérodote éclate fur-tout dans la bonne foi, avec laquelle il a raporté des chofes peu honorables, foit pour Halicarnaffe fa patrie, foit même pour les Athéniens, qui avoient bien voulu le recevoir au nombre de leurs Citoyens, & devant qui il avoit lû publiquement fon Hiftoire. Les exemples n'en sont pas rares dans cet Ouvrage. (2)

Je ne dois pas oublier ici une chofe, qui peut fervir à la justification d'Hérodote fur le fait de fes prétendus mensonges. C'est que les Anciens même lui en ont quelques fois imputez, faute d'avoir bien compris fa pensée, ou pour l'avoir lû avec trop de négligence. Donnons-en quelques exemples.

Pline, (3) parlant du Po, regarde comme une chose, qui n'est pas croyable, ce qu'a dit Hérodote, (4) que quelques recherches qu'il eût faites, il n'avoit pû trouver perfonne, qui eût vû cette riviére quoiqu'elle ne fût pas éloignée de Thurium, où cet Hiftorien avoit paffe une partie de fa vie. Mais je m'étonne à mon tour, que Pline n'ait pas vû, que l'Héridan, dont Hérodote parle en cet endroit, n'eft pas le Po; mais une autre riviére, qui porte encore le nom de Raddanno, ou Redduno, laquelle va se jetter dans la Viftule, & de-là dans la Mer Baltique. Méprise, qui n'a pas été relevée par le P. Hardouin, quoique Cluvier (5) en eût déja fait la remarque.

Le même Commentateur de Pline ne paroit pas avoir fait attention à un autre endroit (6) de fon Auteur, où il parle ainfi d'Hérodote : Cinnamomum, & Cafias fabulofa narravit Antiquitas, princepfve Herodotus, avium nidis, & privatim Phanicis, in quo fitu Liber Pater educatus effet, ex inviis rupibus, arboribusque decuti, carnis, quam ipfa inferrent pondere, aut plumbatis fagittis. Item cafiam circa paludes, &c.

Or outre que Pline en cet endroit ajoute de fon cru beaucoup de circonftances faufles au paffage d'Hérodote, (7) qu'il a en vue, il y tombe dans une erreur inexcufable, en ce qu'il lui fait dire, que le Cinnamome fe trouve dans des nids de Phénix, au licu

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qu'il dit feulement, que les Grecs avoient appris des Phéniciens ce nom de cinnamome. Car il faut traduire ainfi cet endroit de l'Historien, qu'a paffe l'Interprête Latin, fans que Gronovius ait fuppléé fa traduction : Dicuntque à magnis avibus ramulos illos, quos à Phenicibus edocti cinnamomum vocamus, afferri ad nidos.

Une chose fingulière, c'est que l'autorité de Pline en a impofe, non-feulement aux Poëtes Stace, (1) & Aviénus ; mais même à un Sçavant Commentateur de Théophrafte. (2) Et ce qui eft encore de plus furprenant, c'eft que notre docte Saumaise (3) traite bien de ridicule, ce qu'on a dit des nids de Phénix ; mais il ne paroit pas avoir fenti, qu'on imputoit fauffement ce conte à Hérodote, quoique fon texte foit affez clair, & que d'ailleurs il eût pû voir aisément dans les Grammairiens Grecs, (4) qui l'ont cité, comment il devoit être entendu.

Mais

Je pourrois fortifier cet exemple de plufieurs autres. il feroit trop long de les raporter. En voilà affez, pour faire voir qu'Hérodote ne méritoit pas d'être traité d'Hiftorien fabuleux, & que rien n'eft plus fenfé, que ce Jugement, qu'en a porté le grand Scaliger (5) Herodotus, vetuftiffimus omnium foluta orationis Scriptorum qui hodie extant, fcrinium originum Græcarum, Barbararum, Auclor eft à doctis nunquam deponendus, à femidoctis, & padagogis, & fimiolis nunquam tractandus.

CHAPITRE II.

De la Chronologie de l'Empire des Affyriens, fuivant Hérodote, de la préférence, que cet Historien mérite

A

à cet égard fur Ctéfias.

Près ce que j'ai dit fur cette matiére, dans ma Dissertation, fur Sardanapale, dont j'ai parlé au Chapitre précédent, je ne croyois pas être jamais obligé d'y revenir. Mais dans le tems à peu près qu'on imprimoit à Paris cet Ecrit, M. Des Vignoles faifoit imprimer à Berlin fa Chronologie de l'Hiftoire Saiute; Ou

(1) V. leurs paffages citez pat Saumaise, in (3) Saumaife, Loc. cit.

Solin, p. 555.

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(4) Suidas, & le Grand Etymologique, V.

(2) Bodrus à Stapel, in Theophraft. Hift. | Kiváμwμov. Plant. p. 984.

(s)'Scaliger, Ad Eufeb. Chronic. ann. 1572,

vrage, qu'il annonçoit depuis bien des années, & que j'attendois avec impatience.

Auffi-tôt que je pûs le recouvrer, je le parcourus avec beaucoup de fatisfaction; mais non fans quelque furprise, de lui voir prendre hautement le parti, de Ctélias contre Hérodote. Cependant comme ce Sçavant homme n'en prend d'ordinaire aucun, fans en dire les raifons, je voulus examiner celles, qu'il allégue contre Hérodote, & il me parut qu'en cette occafion la jufteffe de fa critique ne répondoit pas à celle, qui regne dans prefque tout le refte de cet Ouvrage. C'est ce que je vais tâcher de montrer, en le fuivant en tout ce qu'il oppose à notre Historien.

Aucun Grec, dit-il, (1) n'ayant précédé Herodote pour l'hiftoire de la Haute Afie, comme il n'avoit point de guide pour l'y conduire, à peine a-t-il pû connoitre les trois ou quatre derniers fiécles de fon hiftoire.

Mais fur quel fondement affure-t-il, qu'Hérodote n'avoit sur cela aucun guide? Outre que cet Hiftorien, lequel avoit demeuré quel que tems en Egypte, pour en feuilleter les Annales, voulut encore aller à Babylone, fans doute dans le même dessein, comme je l'ai fait voir au Chapitre précédent, il nous apprend lui-même, (2) qu'il avoit confulté fur cela les gens éclairez du Pays. Voilà fes guides; & curieux, comme il étoit, de s'inftruire de tout ce qui regardoit l'hiftoire des Nations, où il voyageoit, on ne fçauroit douter, qu'il n'ait pris le même foin, pour ce qui regardoit les Souverains de la Haute Afie.

Hérodote, à en croire M. Des Vignoles, ne connoiffoit prefque point l'hiftoire ancienne d'Affyrie. Il n'en dit que três peu de chofes. Il n'entre fur cela dans aucun détail exact. Il n'a pas même fçû, qui étoit le fondateur de cet Empire. Il ne marque pas non plus, en quel tems, & fous quel Roi cet Empire fut détruit, ni combien de tems fe paffa entre la révolte des Médes, & l'élévation de Déjocès à la Royauté. Il ne mérite donc aucune créance fur cet article.

Il est d'autant plus furprenant d'entendre M. Des Vignoles parler ainfi, qu'il n'ignoroit pas qu'Hérodote (3) avoit promis de donner dans un autre ouvrage l'hiftoire des Rois d'Affyrie, & de Babylone, & d'y raconter entr'autres événemens celui de la prise de Ninive. Il n'eft donc pas extraordinaire, que dans l'ou

cb. 4. |

(1) Des Vignoles, Chronol. Liv. 4.cb.4. §. 5, 6, 7. Ch. 5. §. 2. El ch. 10. §. 2.

(2) Hérodote, 1, 95.
(3) Hérodote, I, 106, 184.

fu

vrage, qui nous eft refté de lui, il ne nous ait parlé, que perficiellement d'un Empire, qu'il fe réservoit de nous faire connoitre plus en détail dans une Histoire particuliére.

Je fçais bien que quelques Sçavans ont prétendu que cette Hiftoire n'avoit jamais été publiée. Mais il n'en alléguent, que de foibles raisons, & que je crois avoir folidement réfutées au Chapitre précédent.

D'ailleurs, quand il feroit vrai qu'Hérodote n'auroit jamais publié cette Hiftoire, n'eft-il pas toujours conftant qu'il l'avoit annoncée ? Et peut-on douter que pour remplir fa promeffe il n'eût ramaffe foigneufement de toutes parts tout ce qui pouvoit contribuer à la rendre parfaite ? C'eft donc un peu trop légèrement, qu'on a avancé, qu'il n'avoit presque aucune connoiffance de cet Empire.

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M. Des Vignoles ne nie pas tout à fait, que cette Hiftoire des Affyriens ait vu le jour. Mais il foupçonne, qu'on la négligea comme inutile, après que la même Hiftoire eut été écrite par des Auteurs beaucoup mieux inftruits; voulant fans doute défigner Crélias.

Mais ce foupçon purement gratuit n'a aucun fondement folide. M. Des Vignoles eft convenu lui-même, (1) que Ctéfias avoit été regardé des Anciens, comme un Auteur fabuleux, & fufpect. D'ailleurs il étoit fort inférieur pour l'agrément du style à Hérodote. Quelle apparence y a-t-il donc, que l'Hiftoire de ce dernier ait été totalement éclipfée par celle du premier? Je ne crois pas que perfonne fe le perfuade.

Notre Sçavant Chronologifte, qui fent l'induction, qu'on peut tirer contre fon fentiment, du voyage qu'Hérodote fit à Babylone, paroit le révoquer en doute. Mais je crois avoir suffisamment montré au Chapitre précédent, qu'il n'y avoit pas lieu d'en douter. Ainfi l'on doit écarter, ce me femble, ce que dit à ce sujet M. des Vignoles.

Après avoir détruit les préjugez généraux, que cet habile hom me a voulu répandre contre Hérodote, voyons s'il a mieux réussi dans les contredits, qu'il a propofez contre fa Chronologie des Asfyriens, qui eft le principal objet du Sçavant Cenfeur.

La grande pierre d'achopement, c'eft que notre Hiftorien (2)

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(1) M. Des Vignoles, Chronol. Liv. 4.6b. (2) Hérodote. 7, 924

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