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Homme, Père de tout le Genre-humain, a communiqué à fes prémiers Enfans la connoiffance de la Vérité, il faut convenir que fi la Vérité a regné parmi les Hommes, fans mêlange d'erreur, fon règne a été de peu de durée. Il est difficile de marquer le nombre & le tems des différentes opinions, qui fe font répandues dans le monde. Mais, quoiqu'il en foit à cet égard, ni l'antiquité d'une opinion, ni fa nouveauté, ne fauroient la rendre vraie, fi elle ne l'eft pas. On peut raporter toutes les caufes de la diverfité des opinions à ces troisci: 1. A l'amour de la Vérité, & à la curiofité à laquelle elle porte l'Homme; 2. A l'amour de la Réputation, & à l'envie qu'elle excite contre celle des autres; 3. A l'amour de la Domination & de l'Intérêt, qui porte à féduire les autres Hommes, par ce qu'on appelle Politique dans les Princes, & Imposture dans ceux qui s'érigent en Docteurs.

Tout cela bien prouvé, bien éclairci, notre Auteur conclut qu'il faut s'appliquer foi-même à la recherche de la Vérité, en remontant jufqu'aux prémiers Principes de nos connoiffances, & en fuivant le fil de l'évidence, qui nous mène du labyrinte obfcur des vraifemblances à la lumière de la Vérité. Il n'y a donc que l'Evidence qui doive être la règle de la certitude de nos jugemens; & c'est ce qu'il pose pour base de tout fon Syftême. La Foi mê

dans l'Extrait que nous avons donné de la Tradition des Principes de la Loi Naturelie, par Ansaldus. Biblioth.. Raif. Tom. XXIX. Part. I. p. 177, & fuiv.

même, qui n'eft que la croyance indubitable des chofes auxquelles la raifon ne peut atteindre, doit être fondée fur l'Evidence, en ce fens que l'Evidence doit nous forcer à les admettre, quoique nous ne concevions pas comment elles font.

Reste à favoir s'il eft poffible de s'affurer du caractère de l'Evidence, de façon qu'il foit impoffible de la méconnoitre & de prendre l'erreur pour elle. Avant que d'entrer tout-à-fait en matière, il examine les principaux fentimens des Philofophes, & fur-tout ce qu'ils ont penfé de la Divinité. Je me contenterai de raporter ici une partie de ce qu'il dit du Systême de Spinofa, dont il a pris la peine de lire trois fois les Oeuvres Pofthumes, & deux fois les autres Ouvrages, afin d'entrer mieux dans la penfée de ce fameux Juif.

DIEU, felon Spinofa, eft une Substance éternelle, infinie, la feule qui puiffe exifter, & qu'on puiffe concevoir. C'eft une Subftance qui eft tout, c'eft un feul Etre univerfel, dont les propriétés font infinies, & font actuellement toutes les propriétés poffibles, foit femblables, foit contradictoires. Cette Subftance eft l'Univers, ou, pour mieux dire, l'Univers n'eft que cette Subftance unique, différemment modifiée en ce que nous appellons Etres, mais qui ne font proprement que des manières d'être du feul Etre, de cette feule Substance qui eft Dieu; qui eft un, toujours le même, fimple, & indivifible, quoique diftin&t en une intinité de parties, dont l'une n'eft pas l'autre. Ces parties, ces modifications, ces Etres, ou ces

ma

manières d'être, de quelque nom qu'on veuille les nommer, font différentes, deforte que l'une ne fuppofe pas l'autre. Ces parties font en elles-mêmes indifférentes au mouvement & au repos; cependant, les unes font en repos & les autres en mouvement, fans que rien les y ait mifes. Cette Subftance & fes parties confidérées en elles-mêmes, font privées de volonté, de puiffance & de liberté; cependant, cette Subftance agit fur elle-même, & chacune de fes parties réciproquement les unes fur les autres; elles ne s'arrangent jamais, mais cependant agiffantes elles font toujours arrangées les unes par les autres, fans que quelque autre chofe qu'elles foit la caufe de leurs arrangemens, tout cela fe faifant par la néceffité de la Subftance unique, dont toutes les modifications font auffi involontaires que la propre existance.

De l'une de ces modifications, qu'on appelle l'Homme, réfulte la fenfibilité, l'intelligence, la comparaifon des idées, les idées mêmes, & même les idées de ce qui eft poffible, le jugement, la mémoire, la volonté, le pouvoir de mettre en mouvement des chofes extérieures d'une modification toute différente de celle dont réfulte la fenfibilité & l'intelligence. On dit pouvoir & volonté; car les Spinoliftes fe fervent de ces mots, quoique pouvoir & volonté ne fignifient chez eux que des facultés néceffitées & non libres, de vouloir ou de faire ce qu'on fait. Ainfi ce qui penfe, dans l'Homme, non feulement n'eft pas diftinct de ce qu'on nomme fon Corps, mais fon Corps même n'eft rien de réellement diftinct en foi, ni qui fub

fifte par foi-même. Les Spinofiftes, par la néceffité des modifications de leur Subftance Divine, font forcés de foutenir, que l'Homme n'eft point un Agent libre, mais que, toujours néceffité à agir, à raifon de quelque effet qui ne dépend pas de lui, il n'eft point en fon pouvoir de pratiquer, par une détermination proprement active & volontaire, ce qu'on appelle Vertu, ou ce qu'on nomme Vice.

L'Homme, felon Spinoza, fait tout ce qu'il fait comme un Horloge, qui marque les heures & les minutes, les jours du Mois, de la Lune, ou feulement quelques-unes de ces chofes, felon qu'elle a été faite, ainfi qu'elle les marque plus ou moins régulierement, felon la bonté & la jufteffe de ses refforts. Ou, l'Homme est semblable à un Vaiffeau fans Pilote au milieu de la Mer, il a, par fa conftruction, le pouvoir de voguer, mais déterminé par les vents & par les courans à aller plutôt d'un côté que d'un autre, ce font toujours les uns qui le pouffent, ou les autres qui l'entrainent, incapable de fe déterminer lui-même, deforte que ceux qu'on appelle Vertueux, parce qu'ils font portés à faire des actions dont il résulte du bien, & que ceux qu'on appelle Scélérats, parce qu'ils font portés à des actions, dont il réfulte du mal, ne font pas plus louables ni moins eftimables les uns que les autres, puifque les prémiers font vertueux fans mérite, & les feconds criminels fans être coupables. Ainfi l'Homme ne méritant point d'être heureux ou malheureux, fon bonheur ni fon malheur ne dépendent non plus de lui, que fes Vertus ou Tom. XXXII. Part. I. B

Les

fes Vices, d'où il fuit que, quoiqu'il puiffe être heureux & qu'il lui convienne de l'être, il n'a que le pouvoir de l'être, & non de fe le rendre, puifqu'il ne peut rien faire par lui-même pour devenir ou fe conferver heureux.

Voila une idée abrégée du Systême de Spi nofa. Notre Auteur en tire des conféquences qui paroiffent abfurdes & tout-à-fait ridicules. En voici quelques-unes. Si toutes les chofes ne font que des modifications de la Substance Divine, cette Subftance a néceffairement des modifications qui doivent être pendues, comme d'autres qui doivent les pendre, ou les juger; ici ce Dieu s'empale, là il fe brule; ici il renferme une de fes modifications dans une autre qui paroit ne pas fouffrir, tandis que l'autre fe defefpère; là plufieurs de fes modifications fe fuftigent pour l'amour d'un autre Dieu que lui; là d'autres modifications, qui le croient le feul vrai Dieu, empoisonnent, pour fe divertir leurs parens ou leurs amis, tant leur foi eft vive, & la néceffité, qui les fait agir, puiffante.

Notre Auteur, après avoir expofé les opinions de diverfes Sectes de Philofophes, & furtout leurs différentes Hypothèses touchant la Divinité, paffe à ce qu'il nomme proprement la Recherche de la Vérité de l'Evidence, & fait en même tems des Remarques fort curieufes & importantes fur les Signes de nos Penfées. Au-lieu de fuivre l'exemple d'un grand nombre de Philofophes, qui fe font d'abord propofés d'établir des Hypothèses, il commence, conformément à fon plan qu'il ne perd jamais

-de

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