il fera plus facile d'exécuter une opération que l'on pourroit trouver trop longue & trop embarraffante à pratiquer, s'il en falloit une auffi grande quantité que pour l'ancienne culture.

J'ai fait battre, fans fléau, du grain pour les femences; pour cet effet, felon le nombre des batteurs, il faut placer une ou deux folives dans la largeur de la grange, à deux pieds & demi, ou à trois pieds de hauteur du plancher; les batteurs fe placeront de chaque côté de la folive, ils auront chacun derriere eux une gerbe de bled déliée, ils prendront le bled à poignées, & l'élevant en haut, ils feront frapper les épis fur la folive deux ou trois fois de fuite; cela fera égrainer le bled des épis, & ce bled fera celui qu'on prendra pour les femences à mefure : que les poignées auront été

ainfi battues, on les raffemblera en gerbes, & on achevera enfuite de les battre avec le fléau.*

Cette méthode n'eft point auffi longue qu'elle peut le paroître on eft affuré qu'aucun grain n'eft écrasé ; l'égrainement fe fait très-promptement, fi l'on emploie le bled qu'ont produit les planches; la groffeur confidérable de ce grain fait entr'ouvrir les balles elles relâchent le grain au plus petit effort & ce font les grains les plus parfaits qui fortent des épis. Je puis comparer cette manoeuvre à celle qui eft en ufage pour faire le vin: le premier qu'on foutire d'une cuvée, eft plus exquis, d'un goût plus fin, & de meilleure qualité que le refte de la

* Nous fommes dans l'ufage en Gâtinois, de battre les feigles qu'on deftine pour les liens, fur des futailles, poignées par poignées. On pourroit encore fuivre cette pratique pour le grain des femences.

même cuvée. Imitons ce procédé pour les femences; elles rendront avec ufure les frais de leur égrainement.

Lorfque le temps propre pour enfemencer les terres eft arrivé on ne doit pas le faire, fi la température de la faison n'eft pas favorable; on doit au contraire fulpendre cette opération dans l'efpérance de quelque changement favorable; mais fi la chaleur eft grande, fi les terres font extrêmement feches, il faut néceffairement attendre à femer, qu'il ait tombé de la pluie : fans cette précaution les femences leveroient très-imparfaitement. J'en fuis affuré par plufieurs expériences que j'ai faites, & qui contredifent un dicton de nos Laboureurs, qui eft : Qu'il n'y a point de meilleur grenier pour conServer le bled, que la terre. Fondés fur cette autorité, la faifon

des femailles étant venue ils fement indistinctement en terre feche ou en terre humide; la chaleur même ne les en détourne point; ils croyent qu'à la premiere pluie leurs femences leveront très bien ; cependant j'ai toujours éprouvé qu'en telle circonftance, la levée des femences avoit été très-claire. *

Je fus excité à faire une expérience pour m'affurer fi l'on peut femer avec fuccès, lorfque le temps eft très-chaud & les terres très-feches. Après avoir lû l'excellent Traité de la confervation des Grains, que M. Duhamel du Monceau a donné au Public, je vis qu'il avoit reconnu par fes expériences, que les bleds qui avoient paffé à l'étuve par une chaleur de 60 degrés du Ther

*Comme on ne peut favoir fi la féchereffe durera long-temps, un Fermier qui a une grande exploitation, eft bien forcé de femer quand la faifon en eft

venue.

mometre

mometre de M. de Reaumur, avoient perdu la faculté de germer. De ce point connu, je conjecturai que des bleds qui éprouveroient une chaleur, par exemple, de 30 degrés, pendant un temps plus long, parviendroient au même degré de defféchement & ne feroient plus capables de germer. Je me représentai encore la terre chaude & feche, comme une efpece d'étuve, dans laquelle fi les bleds reftent trop long-temps, fans recevoir aucune humidité ils peuvent se dessfécher à tel point, que la plus grande partie ne pourroit plus germer. D'après ce raifonnement fondé en principes, il falloit paffer à l'expérience: c'eft elle qui devient notre guide de confiance.

Le 18 Juillet 1754 à 4 heu res après midi, je plaçai le Thermométre de M. de Reaumur Tome IV. Mm