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N'y auroit-il pas moyen de tirer des choses plus de bien que de mal, & de difpofer fon imagination, de forte qu'elle féparât les plaisirs d'avec les chagrins, & ne laissât paffer que les plaisirs? Cette proposition ne le cede guere en difficulté à la pierre philofophale; & fi on la peut exécuter, ce ne peut être qu'avec le plus heureux naturel du monde & tout l'art de la philofophie. Songeons que la plupart des chofes font d'une nature très-douteufe, & que quoiqu'elles nous frappent bien vîte comme biens ou comme maux, nous ne fçavons pas trop au vrai

ce

ce qu'elles font. Tel événement vous a paru d'abord un grand mal.

heur , que vous auriez été bien fâché dans la fuite qui ne fût pas arrivé, & fi vous aviés connu ce qu'il amenoit après lui, il vous auroit transporté de joye. Et fur ce pied-là quel regret ne devés-vous pas avoir à: votre chagrin? Il ne faut donc pas fe preffer de s'affliger ; attendons que ce qui nous paroît fi. mauvais, fe dévelope. Mais d'un autre côté ce qui nous paroît agréable peut amener auffi, peut cacher quelque chofe de mauvais, & il ne faut pas fe preffer de fe réjouir. Ce n'eft pas une conféquence; on ne doit pas tenir la même rigueur à la joye qu'au chagrin.

L

T. 3. p. 254.

Un grand obftacle au bonheur, c'eft de s'attendre à un trop grand bonheur. Figuronsnous qu'avant que de nous faire naître, on nous montre le féjour qui nous eft préparé, & ce nombre infini de maux qui doivent fe diftribuer entre fes habitans. De quelle frayeur ne ferions - nous pas faifis à la vûe de ce terrible partage où nous devrions entrer, & ne conterions - nous pas pour un bonheur prodigieux d'en être quittes à auffi bon marché qu'on l'eft dans ces conditions médiocres qui nous paroiffent présentement

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infupportables? Les efclaves ceux qui n'ont pas de quoi vivre, ceux qui ne vivent qu'à la fueur de leur front ceux qui languiffent dans des maladies habituelles, voilà une grande partie du genre humain ; à quoi a-t-il tenu que nous n'en fufsions? Apprenons combien il est dangereux d'être hommes, & contons tous les malheurs dont nous sommes exemts pour autant de périls dont nous fommes échappés.

T. 3. p. 255.

Une infinité de chofes que nous avons & que nous ne fentons pas, feroient chacune le

suprême bonheur de quelqu'un. Il y a tel homme dont tous les défirs fe termineroient à avoir deux bras.

T. 3. p. 256.

Nous regardons ordinairement lés biens que nous font la Nature ou la Fortune comme des dettes qu'elles nous payent, & par conféquent nous les recevons avec une espece d'indifférence; les maux au contraire nous paroiffent des injuftices & nous les recevons avec impatience & avec aigreur. Il faudroit rectifier des idées fi fauffes, Les maux font très communs,

& c'est ce qui doit naturellement

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