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MELIN D E.

Non, car je vous fuppofe affez raifonnable pour n'en point avoir. Et vous, Cénie, vous trouviez-vous, charmante ?

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Je croyois ma figure plus réguliere qu'a gréable, & j'aurois mieux aimé avoir celle de ma fœur.

MELIN D E.

- Fort bien, vous vous trouviez belle: en
vérité, mes enfants, vous étiez folles tou-
tes les deux... Mes chéres amies, vous
aviez l'une & l'autre une figure paffable
plutôt bien que mal; mais voilà tout.
IP HIS E.

Ce n'eft pas ce qu'on difoit.
MELIN D E.

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Quand vous connoîtrez le monde, vous faurez, mes enfants, comme on doit compter fur les louanges.

CENIE.

Ah! fi le monde eft menteur, je ne l'aimerai pas

MELIN DE.

Il faut le connoître, s'en défier; ne le point haïr, parce qu'il y faut vivre ; & s'en faire eftimer, parce qu'il nous juge,

IP H 1SE.

S'il eft trompeur, je le fuirai.

MELIND. E.

ne trompe que ceux que l'amour-propre aveugle, les fots ou les foux. Il eft injufte quelquefois, mais il revient de fes préventions. Il eft plus léger que méchant plus frivole que dangereux; enfin, il n'eft pas méprifable, car toujours il honore, il refpecte la vertu, & même, en tolérant le vice, il le démafque & le punit. Plus il y aura d'hommes raffemblés, plus om trouvera de défauts & de travers; ainfi en fouffrant de ceux du monde, on les doit éxcufer.

IP HISE.

Il faut pour cela bien de la générosité !
MELIN D E.

Il faut feulement de la juftice. Etes-vous fans défauts ? N'aurez-vous pas befoin de l'indulgence des autres? Difpofez-vous donc à vouloir bien accorder ce que vous, exigerez fürement.

IPHISE.

J'ai de grands défauts; mais je fuis un enfant, je travaillerai fur moi-même, & je me corrigerai.

MELIN D E.

L'indulgence eft au nombre des vertus, c'eft elle qui fait valoir toutes les autres; ainfi par conféquent, la perfection même ne vous en difpenferoit pas, au contraire, CENIE.

Il me femble d'ailleurs qu'il eft plus commode de fe taire que de fe fâcher; il faut détester le mal, & fermer les yeux, autant

qu'il eft poffible, fur celui qu'on ne peut empêcher.

MELINDE.

L'intolérance entraîne toujours avec elle la difpute & l'aigreur; évitons les méchants mais fachons vivre avec eux, fi la destinée nous y force, & plaignons-les. Ils font aufli dignes de compaffion que de mépris.

CENIE.

Maman, expliquez-moi ce que c'est d'être méchant, je ne le comprends pas bien. MELIN D E.

Ma fille, un méchant c'est un mauvais cœur, incapable d'aucune efpece de fenfibilité, qui n'aime rien...

CENIE.

Ah, Maman! vous avez raifon de dire qu'il faut le plaindre. Il ne peut jamais être heureux.

MELIND E.

Les méchants font rares, mais les mé chancetés font communes; elles font produites ordinairement par le défaut d'efprit, par le défœuvrement & la légéreté.

IPHISE.

Quoi ! l'on peut faire des méchancetés fans être méchant?

MELIN D E.

C'est ce qui arrive tous les jours. Avec un bon cœur, avec beaucoup de vertus, on peut fe laiffer entraîner aux égarements les plus coupables.

IP HIS B.

Mais comment? ..

MELIND E.

Par des défauts légers en apparence, mais dont les conféquences font affreufes; par un amour-propre mal raisonné, de l'étourderie....

IPHISE.

De l'étourderie! Ah! Maman, vous me faites frémir. Quoi, je pourrois un jour... Ah! ma foeur, corrigeons-nous.

MELINDE.

Rien n'eft plus facile; il ne s'agit que de réfléchir, & de le vouloir fincérement.. CENIE.

Ah, j'y vais travailler fans relâche.
MELINDE.

Cet ouvrage, mes enfants, affurera votre bonheur & le mien. Mais qui vient nous interrompre? Ah, c'eft la Fée.

SCENE III.

LA FÉE, MÉLINDE, CENIE, IPHISE.

MELINDE.

VENEZ, Madame, venez recevoir tous mes remerciments; je fuis enchantée de Cé nie & d'Iphife; elles vous doivent une raifon, une fenfibilité qui me rendent bien heureufe.

LA FÉE.

Je fuis charmée que vous en foyez contente.

MELIN D E.

Je le fuis fur-tout de leurs promeffes, & de l'efpoir qu'elles me donnent de fe corri ger de tous leurs défauts.

LA FÉE.

Eh bien, je viens leur en offrir le moyen le plus für & le plus prompt.

MELINDE.

Quel eft-il?

IPHISE ET CENIE. Ah, parlez!

LA FÉE.

Écoutez-moi avec attention. J'ai été obligée, mes enfants, pour vous ôter une ridicule vanité, de vous rendre affreufes l'une & l'autre. De tous les avantages, le moins précieux eft celui de la beauté. Mais je conviens qu'il eft cruel d'avoir une figure révoltante. Cependant, fi je pouvois vous donner toutes les vertus & toutes les graces de l'efprit en partage, je crois que vous n'auriez pas fait un mauvais marché. Mais je veux vous traiter fuivant votre goût, & voici ce que je vous offre. J'ai compofé pour chacune de vous, deux phioles qui contiennent une effence divine, dont l'une vous ôtera votre difformité, & vous rendra telles que vous étiez, ou l'autre vous donnera toutes les qualités du cœur & de l'efprit qui vous manquent. Mais il faut choifir, je ne puis vous accorder ces deux dons réunis, mon pouvoir ne va pas jufques-là. IP HIS E.

C'est bien dommage.

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