DEBUT DE Mlle, PICCINELLI. Le 6 May 1761, la Demoiselle Piccinelli, qui depuis époufa le fieur Vefian, débuta dans la Cantatrice Italienne, Comédie en deux actes. Elle joint à une figure agréable, une voix également étendue & flexible, & le fon en eft en même-tems argentin & gracieux, fans déroger au goût nationnal de la Mufique Italienne, elle fut plaire aux oreilles Françaifes. Elle réunit à ce talent celui de jouer la Comédie avec beaucoup de nobleffe; avec tant de qualités, on fut moins étonné de fon fuccès, qu'on ne l'a été de fa retraite, qu'elle a faite l'année derniere à la clôture du théâtre, & qui a été fuivie des regrets de tous les partifans de la Scène Italienne. ANNETTE ET LUBIN. Comédie en un acte, mêlée d'Ariettes & de Vaudevilles, IS Février 1762. LE Bailli, qui voit avec concupifcence, les charmes de la jeune Annette, & avec envie l'amitié qu'elle a pour Lubin, fon coufin, les accufe tous deux d'un commerce criminel, devant le Seigneur du Village, qu'il rencontre égaré de la chaffe. L'un parle du Cerf qu'il pourfuivait, l'autre de Lubin qu'il veut poursuivre. Ils ne s'entendent ni l'un ni l'autre; mais lorsque le qui proquo eft éclairci, le Bailli fait le portrait d'Annette, dans ces couplets charmans que je ne puis m'empêcher de transcrire, quoiqu'ils foient dans la bouche de tout le monde. (1) Le théâtre repréfente une Campagne; on voit un bois d'un côté, & de l'autre un côteau. Sur le devant du théâ.re il y a une Cabane de verdure à moitié faite. AIR: Quand la Bergere revient des champs. Annette à l'âge de quinze ans, Eft un image du Printems; Qui ne veut naître, Et ne paraître, Son teint bruni pár le Soleil, Et ne s'entrouve, Que pour Lubin. Sa bouche appelle le bailer, Mais tout autre oferait en vain ; Le Bailli met en pendant de ce portrait, celui de Lubin, qui ne convient pas moins à l'Acteur qu'au perfonnage, & qui n'a pas l'air d'être tracé par la main d'un Rival; le Seigneur convient que ce ferait dommage qu'Annette fût le prix d'un amour villageois. Il ordonne au Bailli de le remettre dans fon chemin. Ils fortent tous deux, & Lubin arrive avec un fagot de feuillages, dont il couvre en chantant la cabane qu'il a élevée pour fon Annette. Il s'inquiéte de ce qu'elle ne vient pas, & mefure le tems à fon impatience, plus qu'à la hauteur du Soleil; enfin il l'entend chanter; il vole au devant d'elle; elle est hors d'haleine; il la gronde, la plaint, & la paye par un baifer, qu'elle le menace de lui rendre; ils fe félicitent mutuellement des biens que la nature leur a prodigués, & les préfere à toutes les magnificences qu'ils ont pu voir à la Ville. ANNETTE. Toutes ces Maifons magnifiques, Ne valent pas nos toits ruftiques ; Ces feuillages nouveaux font bien plus de mon goût, Que ces planchers pleins de dorure, Où l'on ne voit le bonheur qu'en peinture. LUBIN. Les Grands ne font heureux qu'en nous contrefaifant ; Chez eux la plus riche tenture Ne leur paraît un Spectacle amufant, Qu'autant qu'elle rend bien nos champs, notre verdure, Nos danfes fous l'ormeau, nos travaux, nos loifirs, Ils appellent cela, je crois, un Paysage.. ΑΝΝΕΤΤΕ. Ah! Lubin! nous devons bien aimer nos plai firs, Puifqu'il faut tant d'argent pour en avoir l'i mage. Cette réflexion eft très-jufte & trèsphilofophique, & c'eft le feul reproche qu'on ait pu faire à cette Piece charmante. Lubin offre à fon Annette une branche de rofes, qu'il accompagne de ce couplet galant. Chere Annette reçois l'hommage, Pour donner encor plus de grace |