AN. 1351.

Lib. xx.c.I.

sur ce raifonement, mais il femble que ni l'un në l'autre ne diftinguoit pas affés la substance corporele de la fpirituele, qui ne peuvent jamais être changées l'une en l'autre ; & on pouvoit refuter Palamas par une voïe bien plus courte, en luy foûtenant que la lumiere du Thabor n'étoit pas moins corporele & créée que celle du foleil; & que ce qu'il y eut de furnaturel en ce miracle, fut feulement la maniere dont cette lumiere fut produite hors le cours ordinaire de la nature. Palamas ne pouvoit répondre rien de folide à cette objection.

Gregoras vint enfuite au fecond reproche de l'empereur, qui étoit de ne vouloir pas que l'on traitât les matieres théologiques. Sur quoi il dit en fubftance Les canons portent que nous devons craindre de parler des chofes de Dieu, & qu'il n'est pas permis à tout le monde d'en difcourir, & perfonne ne peut nier qu'il eft défendu d'examiner trop curieufement les loix de nos peres, & d'ébranler les bornes qu'ils ont pofées dans l'églife. Il cita fur ce sujet plufieurs paffages des peres, & vouloit continuer, quand il fut interrompu par l'empereur, qui, aprés avoir préludé quelque tems, laissa à Palamas le foin de traiter cette matiere. Celuy - ci fe trouvant embaraffé, revint au fujet qu'il traitoit le plus volontiers, & dit: Quand j'entens dire aux peres que la lumiere du Sauveur étoit incréée, & 23. n. 5. une autre divinité & une autre operation que la fubftance de Dieu je ne puis me réfoudre à dire que l'operation & la fubftance de Dieu foient la même chofe ; & je tiens pour incréés tous les effets miraculeux de cette operation, même la voix humaine

7.44

de l'aneffe de Balaam. La premiere feffion du conciAN. 1351. le aïant duré jusqu'à la nuit, fut alors terminée & la fuivante remife au troifiéme jour. Gregoras dit, c.4 n. 4. que comme chacun fe retiroit, le peuple chargeoit de maledictions Palamas & fes fectateurs, & combloit de louanges fes adverfaires, comme défenfeurs de la foi: Mais Gregoras est si passioné contre Palamas & contre Cantacuzene qu'il ne s'atire pas grande créance.

c.6.7.

c. 2.

La feconde feffion se tint au jour marqué trentiéme de May. Gregoras qui ne vouloit pas y venir, y fut entraîné par ceux de fon parti; mais quand ils furent entrés, ils l'abandonnerent intimidés par les menaces de l'empereur, & fe retirerent peu à peu. L'empereur voulut d'abord les en empêcher, mais Palamas luy confeilla de les laisser aller. Ils fortirent donc, & Gregoras luy-même; en forte que les Palamites demeurés les maîtres firent ce qu'ils voulurent. Ainfi finit la feconde ceffion. La troifiéme fe Lib. xxx. c. 7. tint le huit ou le neuviéme de Juin; & les catholiques la commencerent par leur profeffion de foi, puis ils lurent vingt articles extraits des livres de Palamas contenant les erreurs. On commença à les examiner, mais aprés qu'on en eut vû & condamné trois, la nuit furvint, & obligea de terminer la seffion.Dans la quatriéme &derniere on continua l'examen des vingt articles; Palamas fit lire quelques paffages des Peres pour autorifer la doctrine, mais la plûpart falfifiés ou détournés de leur vrai fens. Enfin la doctrine de Palamas fut aprouvée par le jugement du concile, & on impofa filence aux catholiques, dont les deux évêques d'Ephese & de Gano

соз

n. 10.

AN. 1351.

II.

C. 4.

Suites du con

cile.

noviss. p. 135.

eon.

furent dépofés & dépouillés des marques de leur dignité. Cette feffion fut longue, & ne finit qu'aux Aambeaux, quoi que ce fût vers la mi-Juin. Quelques jours aprés Gregoras eut ordre de garder fon logis qui luy fut donné pour prison.

Les Palamites compoferent un tome ou decret contenant le résultat de ce concile: mais cet écrit ne reffemble ni aux actes des anciens conciles ni à Combefand leurs définitions. C'est une longue déclamation contenant de grands lieux communs, des loüanges de Cantacuzene, de Palamas & du patriarche Callifte, & quantité d'injures contre Barlaam Acyndinus, & Gregoras, le tout d'un ftile très - paffioné, & chargé d'une infinité de paroles, mais fans faits précis, ni même fans aucune date. Palamas qui femble être l'auteur de cet écrit, s'éforce d'y juftifier fon imagination fur la lumiere du Thabor par plufieurs paffages des peres Grecs, mais détournés de leur vrai fens; & tous les raifonemens aboutiffent à confondre les effets miraculeux de la puiffance divine avec l'operation qui en eft la cause, & à diftinguer réelement cette operation d'avec la subftance de Dieu, comme les perfonnes divines font p. 146. D. distinguées entr'elles. Ce tome marque une cinquićme feffion aprés les quatre raportées par Gregoras; & celle-ci fut fans doute des feuls Palamites, qui regardoient les autres comme juridiquement condamnés, & vouloient, difoient-ils, leur ouvrir une porte de pénitence. En cette feffion on lut encore un grand nombre de paffages des peres, puis par ordre de p. 167. 4. l'empereur, le grand garde-chartres demanda les voix & la fentence de la feffion précédente fut con

p.

firmée. A la fin du tome font les foufcriptions: pre- AN.1351. mierement des deux empereurs Jean Cantacuzene & Jean Paleologue, puis de vingt-quatre évêques . 170. dont les trois premiers font Callifte patriarche de C. P. Philotée métropolitain d'Heraclée qui succeda à Calliste dans le patriarcat. Gregoire métropolitain de Theffalonique qui eft Palamas. Ils prenent tous des titres yains & ambitieux fuivant l'ufage du tems: comme l'humble Jacques métropolitain de Calcedoine hypertime & exarque de toute la Bithynie.

Greg. lib. xx1.

Environ deux mois après que le tome eut été c... p. 798; dreffé & foufcrit, les Palamites perfuaderent à Cantacuzene de le confacrer pour ainfi dire, par une céremonie nouvele & extraordinaire. Le jour de l'Affomption de Notre-Dame quinziéme d'Aoust 1351. dans l'églife de fainte Sophie à huit heures aprés l'office du matin, on fit folemnellement la lecture du tome en presence du patriarche, des évêques, des prêtres, de tout le clergé; des magiftrats & de la plus grande partie du peuple: puis l'empereur revêtu de fes ornemens, mit de fes propres mains fur l'autel les deux volumes qui contenoient les trois tomes, fçavoir; les deux contre Barlaam & Acyndinus, & ce dernier qu'ils comptoient pour le troifiéme.

Lettre du pape au catholique d'Armenie. sup. liv. xcv.n.

En 1346. le III. envoïa deux légats au cathopape lique d'Armenie, fçavoir; Antoine évêque de Gaëte, & Jean élu évêque de Coron, depuis archevêque de Pife. Antoine mourut en chemin, & Jean ra- 34 porta au pape les réponfes du catholique & de l'églife de la petite Armenie, fur lefquelles le pape

2.

Rain.1351 n

aïant déliberé avec les cardinaux, quelques évêques & quelques docteurs en théologie & en droit-canon écrivit au catholique en ces termes : Nous n'avons pû tirer de ces réponses, quant à plufieurs articles, ce que vous croïés netement, foit par la faute de l'écrivain ou de l'interprete: c'eft pourquoi nous avons crû devoir faire les questions fuivantes.

Croïez-vous que tous ceux qui au baptême ont reçu la foi catholique, & fe font enfuite féparés de communion d'avec l'églife Romaine, font fchifmatiques & heretiques, s'ils perfeverent opiniâtrement à demeurer féparés de la foi de cette églife; & que perfonne ne puiffe être fauvé hors l'obédience du pape; Croïez-vous que faint Pierre ait reçu de J. C. la pleine puiffance de jurifdiction fur tous les fideles, que toute la puiffance que les autres apôtres ont euë en certaines provinces ait été foûmise à la fiene; & les papes fucceffeurs de S. Pierre que tous les aïent la même puiffance que luy ? Croïez-vous qu'en vertu de cette puiffance le pape puiffe juger immédiatement tous les fideles, & déléguer pour cet effet tels juges ecclefiaftiques qu'il voudra? CroïezVous que le pape ne peut être jugé de perfonne que de Dieu feul; & qu'on ne peut apeler de les jugemens à aucun juge? Croïez-vous qu'il puiffe transferer les évêques, les abbés & les autres ecclesiastiques d'une dignité à l'autre, ou les dégrader & les dépofer s'ils le meritent? Croïez-vous que le pape ne doive être foumis à aucune puiffance feculiere, même roïale ou imperiale, quant à l'inftitution, la correction ou la deftitution; que le pape feul puiffe faire des canons généraux, & donner indulgence pleniere,