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AN 483

22.3.

contre eux. Un de ces Manichéens nommé Clementien & moine de profeffion, avoit en écrit fur fa cuiffe: Manés difciple de JESUS-CHRIST.

L'églife de Carthage étoit fans évêque depuis vingt-quatre ans : mais enfin à la priere de l'empereur Zenon & de la princeffe Placidie, dont Huneric avoit époufé la fœur, il permit aux Catholiques d'y ordonner un évêque. Pour affifter à l'élection Huneric envoya à l'églife, Alexandre, Ambaffadeur de l'empereur Zenon & avec lui un dé fes notaires nommé Vitarit, portant un édit qu'il fit lire publiquement en ces termes: Notre maître à la priere de l'empereur Zenon & de la trés-noble Placidie, vous accorde d'ordonner un évêque tel qu'il vous plaira: à condition que les évêques de notre Religion qui font à C. P. & dans les autres provinces d'Orient, ayent la liberté de prêcher dans leurs Eglifes, en telle langue qu'ils voudront, & d'exercer la Religion chrétienne: comme vous avez la liberté ici & dans vos autres églifes d'Afrique, de celebrer les meffes, de prêcher & d'exercer votre Religion. Car fi cela n'eft pas obfervé, l'évéque qui fera ordonné ici & les autres évêques d'Afrique avec leur clergé, feront envoyez chez les Maures. Cet édit ayant été lû dans l'églife de Carthage le dix-huitiéme de Juin 481. les évêques Catholiques qui étoient prefens en gemirent, voyant l'artifice avec lequel on préparoit la perfécution. Ils dirent au Commiffaire du roi: A des conditions fi dangereufes, cette église aime mieux n'avoir point d'évêque, JefusChrift la gouvernera comme il a fait jufqu'ici, mais le Commiffaire ne voulut point recevoir cette proteftation, quoique le peuple le deman dât, par des cris qu'on ne pouvoit appaifer.

Eugene fut donc ordonné évêque de Cartha ge avec une joie incroyable du peuple. Car il y

avoit un grand nombre de jeunes gens qui n'avoient jamais vû d'évêque affis dans laChaire AN. 483 v de cette églife. Il s'attira bien-tôt par fes vertus le refpect & l'affection, non feulement des Catholiques, mais de tout le monde; car il étoit humble, charitable,plein de compaffion, & faifoit des aumônes incroyables. Il eft vrai que les barbares poffedoient tous les biens de l'églife, mais on aportoit tous les jours de grandes fommes au faint évêque, & il diftribuoit tout fidelement, fans en rien referver que pour les be foins de chaque jour: car il ne gardoit jamais d'argent au lendemain, à moins qu'on ne lui eût apporté trop tard, pour le donner avant la nuit. Sa reputation lui attira bien-tôt l'envie des évéques Ariens, principalement de Cirila, le plus puiffant de tous. Ils reprefentent au roi qu'il étoit dangereux de fouffrir qu'Eugene conti nuât de prêcher. Ils vouloient qu'Eugene luimème empêchat que perfonne, ni homme ni femme, ne parût dans l'églife en habit de barbare; mais il repondit que la maifon de Dieu étoit ouverte à tout le monde. Ce qu'ils difoient principalement à caufe des catholiques, qui fervant dans la maifon du roi, étoient obligez à porter l'habit des Vandales.

Preliminai

res de la

Après cette reponfe de l'évêque, Huneric fit mettre à la porte de l'églife des bourreaux, qui voyant un homme, ou une femme y entrer avec perfecution l'habit de leur nation; leur jettoient fur la tête n. 3. de petits bâtons dentelez, dont ils leur entortilloient les cheveux : & les tirant avec force arrachoient la chevelure avec la peau de la téte. Quelques-uns en perdirent les ïeux, d'autres moururent de douleur: plufieurs furvecurent long tems. On menoit par la ville des femmes avec leur tête ainfi écorchée, precedées d'un crieur pour les montrer à tout le peuple; mais A ij

cette

cette cruauté ne fit quitter à perfonne la vraie reAN. 483, ligion. Alors Huneric s'avifà d'ôter les penfions aux catholiques qui étoient à la Cour, & de les envoyer travailler à la campagne. Ainfi des hommes nez libres & delicats furent conduits dans les plaines d'Utique pour couper les bleds à la plus grande ardeur du foleil. Un d'eux avoit la main feche depuis long-tems; & comme on le forçoit à travailler, nonobftant une excufe fi legitime, il fut gueri par les prieres de tous les autres. Tel fut le commencement de la perfecution d'Huneric. Il étoit cruel même envers les fiens; car pour affurer le royaume à fes enfans, il fit mourir fes autres parens les plus proches. Il fit brailer un évêque Arien nommé Jocondus, qu'ils apelloient leur patriarche, & plufieurs de leurs prêtres & de leurs diacres.

2. 6,

Environ deux ans avant la perfecution generale, plufieurs perfonnes eurent des vifions qui furent prifes pour des avertiffemens du ciel. L'un vit l'églife de Faufte, alors la principale de Carthage, ornée à l'ordinaire, tapiffée & éclairée d'un grand nombre de cierges & de lampes;mais comme il s'en rejouiffoit, tout d'un coup ceslumieres furent éteintes, & fuivies de tenebres & de puanteur; & une multitude de gens vêtus de blanc, qui étoient dans l'églife, en fut chassée par des Ethiopiens. Celui qui avoit eu cette vifion la raconta à l'évêque Eugene, en prefence de Victor évêque de Vite, qui a écrit cette hiftoire. Un autre vit un grand monceau de bled encore mêlé avec fa paille, dont un grand vent d'orage emporta toute la paille, & laiffa le grain: enfuite vint un grand homme d'un vifage & d'un habit éclatant,qui commença à nettoyer le grain, rejettant tout ce qui étoit maigre & mal nourri, enforte qu'il le reduifit à un petit menceau. L'évêque Quintien crut être fur une montagne,

d'où

d'où il voyoit un troupeau innombrable de bre-
bis, & au milieu deux chaudieres bouillantes, AN.483.
avec des bouchers qui tuoient ces brebis & les
jettoient dans ces chaudieres; enforte que tout
le troupeau fut confumé. Quelques autres eu-
rent des vifions femblables.

Huneric ordonna d'abord que perfonne ne fer- ". 7.
vît dans fon palais, ou n'exerçât de fonctions
publiques, qu'il ne fût Arien : & il y en cut un
grand nombre qui renoncerent à leurs charges
pour conferver la foi.Il les chaffa enfuite de leurs
maifons, les dépouilla de tous leurs biens, & les
relegua enSicilie & enSardaigne. Il ordonna aufh
que les biens des évêques catholiques apartien-
droient au fife après leur mort; & qu'on ne
pourroit ordonner le fucceffeur, qu'il n'eut payé
au fifc cinq cens fols d'or. Mais fes domeftiques
lui reprefenterent que l'on traiteroit de même,
ou plus rigoureufement les évêques Ariens en
Thrace & ailleurs : ce qui l'obligea à revoquer
cette ordonnance. Il fit enfuite affembler les
vierges facrées, les fit vifiter honteusement par
des matrônes de fa nation, les fit tourmenter
pour les obliger à dépofer contre les évêques.
On les fufpendoit avec de grands poids aux
pieds, on leur appliquoit des lames de fer rouge
fur le dos, fur le ventre, le fein, les côtez: les
preffant de dire que les évêques & les clercs ca-
tholiques abufoient d'elles. Plufieurs mouru-
rent de ces tourmens, d'autres en demeure-
rent courbées: mais elles ne donnerent aucun
pretexte de calomnier l'églife.

III.

Confef

2.8.

Enfuite Huneric envoya en exil dans le defert des évêques, des prêtres, des diacres & d'auttes feurs exilez catholiques au nombre de quatre mil neuf cens foixante-feize, entre lefquels il y avoit plu fieurs gouteux, plufieurs à qui leur grand âge avoit fait perdre la vûë. Felix d'Abbirite évêque

A iij

depuis

AN. 483.

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depuis quarante-quatre ans étoit paralytique,en forte qu'il avoit perdu tout fentiment & même la parole. Les évêques catholiques ne fachant comment l'emmener, firent demander au roi qu'on le laifsât à Carthage où il mourroit bientôt. Le roi repondit: S'il ne peut fe tenir à cheval, qu'on l'attache avec des cordes à des bœufs indomptez pour le mener où j'ai ordonné. Il falut le porter fur un mulet lié en travers comme 4. 9. une piéce de bois. On affembla tous ces confeffeurs dans les deux villes de Sicca & de Larée, où les Maures devoient les venir prendre pour les mener dans le defert. On les enferma premierement dans une prifon, où leurs confreres avoient permiffion d'entrer, de prêcher & celebrer les divins myfteres. Il y avoit avec eux plufieurs jeunes enfans, dont quelques-uns étoient tentez par leurs meres, qui pour les tirer de ce peril vouloient les faire rebatifer: mais aucun ne fe laiffa feduire.

#.io.

Les confeffeurs furent enfuite referrez dans une prifon plus étroite: on ne permit plus de les vifiter & les gardes furent châtiez rudement. Les prifonniers étoient entaffez l'un fur l'autre, fans avoir aucune efpace, pour s'écarter en fatisfaifant aux neceffitez naturelles, ce qui produifit bien-tôt une infection & une horreur plus infuportable que tous les tourmens. Leurs confreres, & entre autres Victor l'hiftorien, ayant trouvé moyen d'y entrer fecretement, s'enfoncerent dans l'ordure jufqu'aux genoux. Enfin les Maures leur ordonnerent à grand bruit de fe preparer à marcher. Ils fortirent donc un dimanche, n. II. fales comme ils étoient, non feulement par leurs 149.9. habits, mais par la tête & le vifage, & toutefois ils chantoient, Telle eft la gloire de tous ces Saints. Cyprien évêque d'Unizibe les confoloit, & leur donna tout ce qu'il avoit, defirant

d'être

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