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INSTITUTION Mathématique de feu MONSEIGneur le Duc DE BOURGOGNE.

LES

Es grandes qualités qu'on admiroit dans MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE, s'étoient manifeftées dès fa plus tendre enfance. Ce Prince étoit né avec un goût de curiofité qui le portoit à vouloir être inftruit de tout. Il n'avoit pas encore quatre ans, qu'il fut aifé de juger qu'il lui falloit des occupations ou des amusemens d'une autre efpece que ceux de l'enfance.

Madame la Comteffe de Marfan, trèsattentive à tout ce qui pouvoit contribuer à l'inftruction du jeune Prince, & qui avoit vu des preuves de fon intelligence dans la maniere dont il poffédoit déja l’Histoire-sainte, jugea qu'il falloit essayer fi par des conversations libres & aifées fur l'Hiftoire, la Géographie, & même fur les premiers principes de la Géométrie, on ne pourroit pas parvenir à l'amufer utilement. Il paroiffoit d'ailleurs néceffaire, vu la vivacité de l'efprit du Prina ij

ce, de remplir le vuide du tems de fes recréations, par des occupations qui puffent lui en rendre les momens plus inté reffans ou moins faftidieux.

Son intention étoit qu'on tâchât de l'amufer en l'inftruifant, mais fans le fatiguer, & de maniere que les converfations qu'on auroit avec lui puffent être regardées comme la récompenfe des progrès qu'il feroit dans la lecture & dans L'étude de la religion.

On commença par lui montrer les planches ou les images de plufieurs livres ; on les lui expliquoit, en lui faifant remarquer tout ce qui pouvoit intéresser sa curiofité, & lui donner des idées de différentes chofes dont il n'avoit point encore entendu parler. Il écoutoit ces explications avec plaifir; il faifoit même plufieurs queftions, toutes au-deffus de fon âge. Il donnoit beaucoup d'attention aux réponses, & il étoit bien-aise de faire voir qu'il les comprenoit.

Après quelques entretiens de cette espece, on lui fit voir des figures de Géométrie; il en apprit bientôt les noms & les définitions; les principaux termes de cette fcience lui devinrent en peu de tems fi familiers qu'il les employoit de luimême avec la plus grande jufteffe, fans

jamais les confondre les uns avec les

autres.

Les figures de Géométrie lui étant dèvenues familieres, il eut envie d'en tracer lui-même. Il commença donc à fe fervir du compas avec la avec la grace & l'aifance qui lui étoient particulieres. Ayant décrit un cercle, il voulut en tirer le diametre; mais comme la ligne qu'il avoit décrite ne paffoit pas par le centre, il dit auffi-tôt : Ah! je voulois tirer un diametre, & j'ai tiré une corde, car ma ligne ne paffe pas par

le centre.

On peut juger, par cet exemple, de la maniere dont le jeune Prince poffédoit fes définitions.

Il ne fut pas besoin de lui enfeigner la façon dont il faut s'y prendre pour trouver un point également diftant de deux autres; elle fe préfenta tout naturellement à fon efprit. Il décrivoit un cercle, & la pointe. du compas, qui étoit au centre, ayant gliffée fur le papier fans y laiffer la marque de fon impreffion, il la mit fucceffivement fur deux points de l'arc déja tracé, puis de ces points pris pour centre, il décrivit deux arcs dont le point d'interfection étoir au centre du cercle commencé, attendu, difoit-il, que je n'ai point changé l'ouverLure de mon compas, & que le point où les

arcs fe coupent eft également éloigné des points de la circonférence. Il n'y avoit alors gueres qu'un mois qu'on avoit commencé de travailler, ou plutôt, fuivant fon expreffion ordinaire, de jouer avec lui.

Les perpendiculaires & les angles vinrent enfuite; on lui montroit des lignes inclinées l'une fur l'autre, & pour l'éprouver on lui disoit qu'elles étoient perpendiculaires; d'abord la feule infpection de la figure lui faifoit affurer qu'on fe trompoit; fi on lui en demandoit la preuve, il la donnoit avec l'équerre ou le rappor teur, ou bien il élevoit une perpendiculaire fur l'une des lignes, du point où elles fe rencontroient; enfuite il faifoit remar quer que la ligne, fuppofée perpendiculaire, penchoit plus d'un côté que de l'autre, qu'elle faifoit des angles inégaux, d'où il concluoit qu'elle n'étoit pas perpendiculaire.

C'est par des exemples & des raifonnemens de cette efpece, que fon jugement fe formoit infenfiblement; qu'il mettoit de la précision, de l'ordre & de la juftesse dans fes idées. Et c'est un des fruits que l'on doit attendre des premiers principes de la Géométrie enfeignés avec toute la réserve & les attentions que le premier âge exige, Comme les figures fixent l'ac

tention, l'efprit fe trouve, pour ainsi dire, conduit par les yeux, & l'impreffion qu'il en reçoit eft plus durable que celle qui réfulte des raifonnemens les plus clairs & les plus évidens.

Un jour qu'on lui propofoit d'abaisser une perpendiculaire fur une ligne tracée au bas du papier, on lui dit qu'on ne croyoit pas qu'il pût exécuter ce problême, parce qu'il n'y avoit point de place au-deffous de la ligne pour décrire les arcs néceffaires à cette opération, comme on le lui avoit enseigné. Cette petite difficulté ne l'arrêta qu'un moment. Il trouva bientôt que c'étoit la même chofe de décrire les arcs au-deffous ou au-deffus de la ligne donnée, & bien content de fa découverte il acheva la réfolution de fon problême.

Il trouva à-peu-près de la même maniere le moyen d'élever une perpendiculaire à l'extrêmité d'une ligne qui fe terminoit au bord du papier. Il favoit à la vérité les différentes manieres d'élever une perpendiculaire à l'extrêmité d'une ligne; mais on n'eut pas befoin de lui dire quelle étoit celle dont il falloit qu'il fe fervît, cu égard à la circonftance donnée. Il conftruifit un triangle équilatéral fur la partie de la ligne qui fe terminoit

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