3. Il n'y a point de vice qui n'ait fon fon vice oppofé. Celui qui eft oppofé à la flatterie, c'eft la rudeffe & la dureté. L'un péche par le trop & l'autre par le trop peu de complaifance: or ce dernier excès eft, fans contredit, le plus vitieux, comme Horace le déclare ici:car il eft plus facile de retrancher que d'ajoûter;& l'on corrigera toûjours plûtôt le naturel d'un flatteur que celui d'un homme dur & fauvage: outre que ce dernier eft bien plus incommode que l'autre dans la focieté. Un homme fage qui fçait vivre, & en qui la gravité fe trouve mêlée avec la douceur & la gaieté, ne tombe jamais dans l'une ni dans l'autre de ces deux extrémitez. Il a foin de garder en toutes chofes cet heureux temperament qui en fait la bonté. Ce qu'Horace appelle ici afperitas, eft proprement le vice de ceux qui s'eftimant trop eux-mêmes, contredisent à tout, & condamnent tout ce que les autres font. C'eft pourquoi Ariftote les appelle fâcheux & pointilleux : & les compare juftement à une enclume,qui, fans jamais ceder, repouffe toûjours le marteau. Platon leur attribue la rufticité & la dureté, c'est-à-dire afperitatem agreftem, comme Horace s'en explique. + Voici donc le caractere du veritable a→ mi, felon Plutarque. L'ami, dit-il, ne doit être ni defagréable ni dur: car l'amitié ne fe rend point recommandable par la feverité & par la rudeffe, mais par la grace & par la douceur ; & c'est près d'elle, comme dit un Poëte, que les Graces & l'Amour ont fixé leur demeure. Dacier. C'est une injuftice criante de fe faire un jeu de bleffer la réputation de fon prochain. Un ami qui offense fon ami, felon Petrone, eft encore plus criminel; car quiconque a l'ame assez noire pour offenfer fon ami merite d'être traitté comme un facrilege, & avec beaucoup plus de severité qu'on ne feroit une perfonne avec qui on n'auroit aucune liaison. Res eft iniqua fponte amicos lædere. Car, Lædens me amicus ab inimico haud difcrepat. Il eft rare de trouver des amis conf tans & fideles. Pauci ex multis funt amici homini qui certi fient. à ce Si la réalité ne fe trouve pas point de perfection; au moins on en verra une belle image dans la fable des deux amis. Deux vrais amis vivoient au Monomotapa, Valent bien, dit-on, ceux du nôtre. Vous m'êtes en dormant un peu trifte apparu; Qui des deux aimoit le mieux, que t'en femble lecteur Il cherche vos befoins au fond de votre cœur: De les lui découvrir vous-même: La Font. Paroles de Socrate à ceux qui trou voient fa maison trop petite. Plût au Ciel que de vrais amis Telle qu'elle eft, dit-il, elle pût être pleine? De trouver pour ceux-là trop grande fa maison. Vulgare amici nomen, fed rara eft fides. Phad.l.3.f. 9. Reproche à un ami qui refufe du fecours à fon ami dans l'adverfité. Alphene immemor atque unanimis false fodalibus; Jam me prodere, jam non dubitas fallere perfide; Inducens in amorem, quafi tuta omnia mihi forent. Idem nunc retrahis te, ac tua dicta omnia factaque Ventos irrita ferre & nebulas aërias finis. Si tu non oblitus es,at Dii meminerunt, meminit fides, Quæ te ut pœniteat poft modo facti,faciet, tui. Catul. Sur la foi des amis fiez-vous deformais! Ovide affure fon ami Atticus qu'il l'a toujours present à l'esprit, & que rien ne fera jamais capable de lui faire oublier les fervices qu'il lui a rendus. Ante meos oculos præsto est tua semper imago : Longa dies citius brumali fidere, nofque Nec Babylon æftum, nec frigora pontus habebit, Quam tibi noftrarum veniant oblivia rerum Qua licet & quantum non onerofus, ero. Le même Poëte écrivant à Ruffus lui dit qu'il ne fçauroit oublier les marques d'amitié qu'il lui a données,& que ne pouvant lui en marquer fa reconnoiffance comme il le fouhaiteroit,il prie les Dieux d'y fuppléer pour lui. Ut, quamquam longe toto fumus orbe remoti, Scire tamen, quamvis longâ regione remotus Ut adhuc locorum feci, faciam fæculo Souhaiter à fes amis ce qu'on fouhaiteroit pour foi-même, c'eft la marque d'un veritable ami, quand on ne peut faire que des fouhaits. |