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durant plus de trente ans avec des foins, & des peines qui fe peuvent mieux penfer qu'écrire. Notable exemple & digne de férieufe confidération.

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N Particulier prit la confiance de lui emprunter douze écus, & voulut lui en faire fa promeffe par écrit, malgré le Bienheureux, qui nonfeulement ne lui en demandoit pas, mais n'en vouloit pas ; & cette promeffe ne portoit qu'un mois de terme, du choix de ce Particulier. Ce mois s'étendit jufqu'à un an, au bout duquel cet homme revint trouver le Bienheureux, & fans faire aucune mention des douze écus prêtés, lui en demanda dix.

Le Bienheureux le pria d'attendre en fa fale, & allant querir fa promeffe lui dit, vous ne m'en demandez que dix à emprunter, en voilà douze que je vous donne de bon cœur, ce qu'il fit, lui rendant fa promeffe.

emprunter,

Un autre lui demanda vingt écus à & lui en vouloit faire fa promeffe. Le Bienheureux n'avoit pas toujours de telles fommes à donner, néanmoins comme il avoit le cœur bon, & qu'il fe fût mis en piéces pour le prochain, il s'avifa d'une adreffe qui foulagea ce perfonnage, & qui proportionna la libéralité du Prélat à fes forces.

Il alla querir dix écus, & revenu, lui dit : j'ai trouvé un expédient qui nous fera aujourd'hui gagner chacun dix écus fi vous voulez me croire. Monfeigneur, dit cet homme faudroit-il

faire ?

, que

Nous n'avons vous & moi qu'à ouvrir la main, cela n'est pas bien difficile. Tenez, voilà dix écus que je vous donne en pur don, au lieu de vous en prêter vingt, vous gagnez ces dix-là, & moi je tiendrai les dix autres pour gagnés, fi vous m'exemtez de vous les prêter.

CHAPITRE IV.

Le Bienheureux arrête une plainte de M. de Belley.

E me plaignois un jour à notre Bienheureux de

J quelque

fi manifefte, que notre Bienheureux en convint. Me trouvant fi bien appuyé, je triomphois, & les expreffions me venoient en foule pour exagerer la justice de ma cause.

Le Bienheureux, pour arrêter ce flux de difcours me dit : Il eft vrai qu'ils ont tort en toutes façons de vous avoir traité de la forte, cela eft indigne de leurs perfonnes, fur-tout envers un homme de votre

condition.

Je ne trouve en toute cette affaire qu'une feule chofe à votre défavantage : Et quelle, lui dis-je ? C'eft qu'il ne tient qu'à vous d'être le plus fage, & de vous taire.

Il me déferra tellement par cette réponse, que fur le champ je me tûs, & ne trouvai point dans ma bouche de paroles pour repliquer.

Pfal. 37. 15.

CHAPITRE V.

Des Prédications fréquentes.

L revint au Bienheureux qu'on me blâmoit de

I prêcher dans mon Diocèfele Carême, l'Avent,

& les Dimanches & Fêtes; à quoi il répondit que blâmer un Laboureur ou un Vigneron de trop bien cultiver fa terre, c'étoit lui donner de véritables louanges.

Surquoi me parlant, de peur que ces blâmes ne me décourageaffent, il me dit : j'avois le meilleur pere du monde, mais qui avoit paffé une grande partie de fa vie à la Cour & à la Guerre.

Durant que j'étois Prevôt, je m'exerçois à tous propos à la prédication, tant à la Cathédrale que dans les Paroiffes, jufqu'aux moindres Confrairies; Luc. 6. 30. je ne fçavois ce que c'étoit de refufer: Donner à tous ceux qui vous demandent.

Mon bon pere entendant fonner le Sermon, demandoit, qui prêchoit ? on lui difoit, qui feroit-ce, finon votre fils? Un jour il me prit à part & me dit, Prevôt, tu prêches trop fouvent ; j'entens même en des jours ouvriers fonner le Sermon, & toujours on me dit, c'eft le Prevôt, le Prevôt. De mon tems il n'en étoit pas ainfi, les prédications étoient bien plus rares: mais auffi quelles prédications! Dieu le fçait; elles étoient doctes, bien étudiées, on difoit des merveilles, on alléguoit plus de latin & de grec en une, que tu ne fais en dix ; tout le monde en étoit ravi & édifié, on ý couroit à groffes troupes, vous euffiez dit qu'on alloit recueillir la manne: maintenant tu rends cet exercice fi commun, qu'on n'en

fait plus d'état, & on n'a plus tant d'eftime de toi. Voyez-vous, ce bon pere parloit comme il l'entendoit. Vous pouvez penfer fi c'étoit pour mal qu'il me voulût, mais c'étoit felon les maximes du monde qu'il me parloit.

Croyez-moi, on ne prêchera jamais affez: nunquam fatis dicitur, quod nunquam fatis difcitur, furtout maintenant, &, en cette contrée voifine de l'héréfie; héréfie qui ne fe maintient que par les Prêches, & qui ne fe détruira que par la fainte prédication.

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De l'obscurité d'un Ecrivain.

L vit un jour dans ma Bibliotheque quelques volumes d'un Ecrivain très-docte, mais en mêmetems fi obfcur dans fes expreffions, que les plus habiles n'y voyoient goûte.

Quelqu'un avoit mis par récréation fur la premiere feuille ces mots : fiat lux.

Le Bienheureux trouva cette imagination agréable, & s'étant arrêté quelque-tems pour voir s'il pourroit mordre dans un bifcuit fi fec & fi dur, & n'en pouvant venir à bout, il me dit fort gracieusement; cet homme a donné plufieurs Livres au Public, mais je ne m'apperçois pas qu'il en ait mis aucun en lumiere. C'eft grande pitié d'être fi fçavant & de n'avoir pas la faculté de s'exprimer, une médiocre fuffifance, avec un facile débit, eft bien plus défirable.

CHAPITRE VII.

Du Livre du Combat fpirituel.

ETTE Sentence que l'on attribue à Thomas à Kempis, qui eft tenu pour l'Auteur de l'Imitation, lui agréoit fort. J'ai cherché le repos par

رو

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» tout, & ne l'ai trouvé qu'en un petit coin, avec un petit Livre. Et il difoit que pour bien étudier,il ne falloit lire qu'un Livre, ceux qui paffent légerement fur plufieurs ne faifant jamais d'étude qui vaille.

Il confeilloit pour cela de choifir quelque bon Livre, & s'il étoit poffible qu'il fût petit & facile à porter, & de le lire fouvent, & de le pratiquer encore plus.

Le Combat fpirituel étoit fon cher Livre, fon Livre favori. Il m'a dit plufieurs fois qu'il l'avoit porté plus de dix-huit ans dans fa poche, y lifant tous les jours quelque chapitre, ou au moins quelque page.

Il confeilloit ce Livre à tous ceux qui s'adreffoient à lui, l'appellant tout aimable & tout praticable. Plus je le lis, plus j'y remarque, comme en fa semence, toute la doctrine fpirituelle de notre Bienheureux.

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Remontrance de bonne grace.

Paris, à la fortie d'un Sermon qu'il venoit

LUSIEURS Dames de qualité l'étoient allé vifiter

de faire.

Toutes avoient quelque difficulté à lui propofer,

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