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l'une lui demandoit une résolution, & l'autre une autre, prefqu'en même-tems.

Le Bienheureux ne fçachant à laquelle entendre, leur dit: Je répondrai à toutes vos questions, pourvû qu'il vous plaife répondre à cette demande. En une compagnie où tout le monde parle & nul n'écoute, à votre avis, qu'eft-ce que l'on y dit?

Toutes fe trouverent fort embarraffées, & demeurerent muettes, à peu près comme des milliers de grenouilles fe taisent en un inftant, lorsqu'on jette quelque pierre dans l'eau.

CHAPITRE IX.

D'un Prédicateur qui parloit contre les abfens.

U coutoient beaucoup, mais qui

N Prédicateur fort docte auquel fes Sermons

fuivi,

étoit peu paffa une bonne partie de fon heure à fe plaindre de la négligence de ceux qui ne venoient pas entendre la parole de Dieu, & vint jufqu'aux menaces de tout quitter & d'abandonner la chaire.

Le Bienheureux qui avoit affifté à ce Sermon, dit à un de fes confidens en fortant de l'Eglife: A qui en veut ce bon perfonnage ? Il nous a tancés d'une faute que nous n'avions pas commife; car nous étions préfens. Eût-il voulu que nous nous fuffions mis en pieces pour remplir les autres fiéges qui étoient vuides ? C'eft aux abfens qu'il en vouloit, lefquels n'en feront pas plus diligens, puifqu'ils ne l'ont pas oui. S'il eût voulu leur parler, il falloit aller par les rues ou par les places de la Ville, pour preffer ceux qui les rempliffent d'entrer à fon banquet. Il a crié après les innocens & a laiffé là les coupables.

CHAPITRE X.

Des petites vertus.

UOIQUE notre Bienheureux eût les vertus les

Qplus éminentes, il avoit néanmoins un amour

tendre pour les plus petites; c'eft-à-dire, qui paroiffent telles aux yeux des hommes; car il n'y en a aucune, fur-tout les infufes, qui ne foit grande devant Dieu.

Chacun, difoit-il, veut avoir des vertus éclatantes & de montre, attachées au haut de la Croix, afin qu'on les voye de loin, & qu'on les admire. Très-peu fe preffent à cueillir celles qui, comme le ferpolet & le thin, croiffent au pied & à l'ombre de cet Arbre de vie. Cependant ce font les plus odoriférantes & les plus arrofées du fang du Sauveur,

qui a donné pour premiere leçon aux Chrétiens,

Matt. 11.29. apprenez de moi que je fuis doux & humble de cœur. Il n'appartient pas à tout le monde d'exercer ces grandes vertus de force, de magnanimité, de magnificence, de martyre, de patience, de conftance, de valeur. Les occafions de les pratiquer font rares, cependant tout le monde y afpire, parce qu'elles font éclatantes & de grand nom; & il arrive fouvent que l'on fe figure de les pouvoir pratiquer, on enfle fon courage de cette vaine opinion de foi-même, & dans les occafions on donne du nez en terre.

Les occafions de gagner de groffes fommes ne fe rencontrent pas tous les jours, mais tous les jours on peut gagner des liards & des fols, & en ménageant bien ces petits profits, il y en a qui fe font riches avec le tems. Nous amafferions de grandes richeffes

fpirituelles, & nous thefauriferions beaucoup de Matt. 6.207 tréfors pour le Ciel, fi nous employions au fervice du faint amour de Dieu toutes les menues occafions qui fe rencontrent à chaque moment.

Il ne fuffit pas de faire des actions de grandes vertus, fi on ne les fait avec une grande charité; car c'eft cette vertu qui donne le fondement, le poids, le prix & la valeur aux bonnes œuvres devant Dieu; & une action de petite vertu, ( car toutes les vertus ne font pas égales de leur nature,) faite avec un grand amour de Dieu, eft beaucoup plus excellente que celle d'une vertu plus exquife, faite avec moins d'amour de Dieu.

Un verre d'eau froide donné avec ce grand amour Matt. 10. 427 mérite la vie éternelle. Deux pieces de monnoie de Luc. 21. 3. très-petite valeur, données avec ce même amour. par une pauvre veuve, font préferées par JefusChrift même, aux préfens confiderables que les riches mettoient dans le tréfor.

On ne fait prefque point d'état de ces petites. condefcendances aux fâcheufes humeurs du pro chain, au doux fupport de fes imperfections, à la fouffrance modefte d'un mauvais vifage, à l'amour du mépris & de la propre abjection, d'une petite injuftice, d'une préférence des autres à nous, d'une algarade, d'une importunité, de faire des actions baffes au-deffous de notre condition, de répondre agréablement à qui nous reprend à tort & avec aigreur, de tomber & être mocqué, de recevoir le refus d'une grace avec douceur, de recevoir une faveur avec action de grace, de s'abaiffer devant ses égaux & inferieurs, de traiter fes domeftiques avec humanité & bonté; tout cela paroît petit devant ceux qui ont le cœur haut & les yeux élevés. Nous ne voulons que des vertus braves & bien vêtuës,

qui donnent de la réputation, fans confiderer que ceux qui plaifent aux hommes ne font pas ferviteurs Galat. 1. 10. de Dieu, & que l'amitié du monde nous rend ennemis de Dieu.

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Jac. 4. 4.

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Puiffance de la douceur.

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E difois un jour à un grand & faint Prélat, que j'admirois en notre Bienheureux cette douceur incomparable, avec laquelle fans aucune violence il rangeoit tout à fa volonté. Il fait ce qu'il veut, difois-je, & d'une maniere fi fuave, & néanmoins fi forte, que rien ne peut lui réfifter. Mille tombent à fa gauche, & dix mille à fa droite. Tout cede à fes perfuafions, il atteint au but où il vise doucement & fortement; vous ne diriez pas qu'il y touche, & c'est fait.

Il me répondit avec beaucoup de jugement ( auffi étoit-il éclairé dans les voies de Dieu & dans la fcience des Saints) c'eft cette douceur même qui le rend fi puiffant; ne fçavez-vous pas que l'acier, qui eft beaucoup plus fort que le fer, a une trempe bien Matt. 5.4. plus douce. Bienheureux font ceux qui font doux, car ils poffederont la terre: toutes les volontés feront en leurs mains, ils feront les Rois des cœurs, & tous courront après eux à l'odeur de leurs parfums.

C'étoit une des grandes & folemnelles maximes de notre bienheureux Pere: Bienheureux font les cœurs pliables, car ils ne rompront jamais ; non certes ils ne rompront jamais, car tout va fe rompre à leurs pieds.

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De la crainte de la chafteté, & de la chafteté de la crainte.

une bonne marque pour la chafteté quand

C'elle eft craintive. Son rempart & fa fortereffe

eft la peur. Vous avez rempli de frayeur fes forte- Pfal. 88. 39. reffes. C'est en ce fujet autant qu'en tout autre, que l'on peut appeller: Bienheureux celui qui est toujours Prov. 18. 14. en appréhenfion.

Entre les combats des Chrétiens, dit S. Jerôme, les plus âpres font ceux de la chafteté; ce font les plus communs, & néanmoins ceux où la victoire est plus rare. Celui qui fe fie fur fa chafteté paffée, eft en grand danger de tomber.

Ne in præterita caftitate confidas. S. Hieron. Epift. 34. ad. Nepo

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Ör, fi la crainte eft fi néceffaire à la chafteté, nous n'avons pas moins befoin de la chafteté de la crainte, pour faire notre falut avec frayeur & tremblement. Comme je lui demandois ce qu'il entendoit par la chafteté de la crainte, il me répondit, la crainte chafte qui eft appellée fainte par le Prophete, & qui Pfal. 18. 10, demeure dans l'Eternité, eft celle qui procede de l'amour de Dieu, & qui eft animée de la charité; charité qui nous fait regarder l'interêt de Dieu plus que le nôtre, & par conféquent plus craindre l'offenfe, que la peine qui la fuit.

Quand nous craignons d'offenfer Dieu, parce qu'il eft bon en lui-même, non parce qu'il eft le Dieu des vengeances, alors notre crainte eft chafte & pure, & femblable à celle d'une épouse fidelle, laquelle ne redoute rien tant que de déplaire à fon époux, › parce qu'elle l'aime, & qu'elle tient à un grand contentement d'en être aimée.

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