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En un mot, la crainte chafte & fainte eft une crainte de réverence, d'amour & de refpect, non servile ni mercenaire, mais filiale, & qui convient aux plus faints.

Ce n'est pas que la crainte fervile empêche l'entrée de la charité dans une ame, au contraire elle lui prépare la voie, étant, felon la comparaifon de Trat. 9.in S. Auguftin, l'aiguille qui introduit l'or ou la foye; Epift. Joan. mais bien la fervilité de cette crainte, laquelle fervi7.4. lité confiste à se retirer du mal par la crainte des fupplices; mais de maniere, que s'il n'y avoit point de fupplices à craindre on le commettroit volontiers.

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C'est chofe différente de dire, je m'abstiens de pécher, parce que je crains la peine qui fuit le péché, ou je ne m'abftiens de pécher que parce que peine fuit le péché. La premiere eft bonne, la seconde ne l'eft pas; car c'eft comme fi l'on difoit, s'il n'y avoit point de châtimens à craindre, je ne me foucierois pas d'offenfer Dieu.

Il louoit hautement la crainte qui tire fon origine de l'amour, comme étant toute filiale, & c'étoit fon grand mot: Il faut craindre Dieu par amour, & non pas l'aimer par crainte.

CHAPITRE XIII.

Il efperoit toujours bien des pécheurs.

A bonté de cœur étoit fi grande, qu'il ne pouvoit Savoir de mauvais fentingens des qual va

Il faifoit ce qu'il pouvoit pour couvrir les fautes du prochain, alléguant tantôt l'infirmité humaine, tantôt la violence de la tentation, tantôt le grand nombre de ceux qui commettent femblables fautes.

Quand les fautes étoient fi publiques & fi manifeftes qu'elles ne fe pouvoient cacher, il se jettoit fur l'avenir, & difoit, que fçait-on s'il ne fé convertira point, & qui fommes-nous pour juger nos freres ? Dieu ne nous foutenoit de la grace, nous Pfal. 93. 17. ferions pis, & notre ame feroit déja habitante des

enfers.

Il y a vingt-quatre heures au jour, à chacune Matt. 6.34; fuffit fa mifere. Les plus grands pécheurs font quelquefois les plus grands pénitens, témoins David & tant d'autres, & leur pénitence édifie plus que leur fcandale n'avoit détruit. Dieu fçait avec des Matt. 3.9 pierres faire des enfans d'Abraham. Les admirables changemens de fa droite font des vaiffeaux d'honneur de ceux qui étoient des vaiffeaux d'ignominie.

Il ne vouloit jamais que l'on défefperât de la converfion des pécheurs jufqu'au dernier foupir, difant que cette vie étoit la voie de notre pélerinage, en laquelle ceux qui font debout pouvoient tomber, & ceux qui tomboient pouvoient par la grace

fe relever.

Il alloit plus loin, car même après la mort, il ne vouloit pas que l'on jugeât mal de ceux qui avoient mené une mauvaife vie, finon de ceux dent la damnation étoit manifeste par l'Ecriture. Hors de-là il ne vouloit pas que l'on entrât dans le fecret de Dieu, qu'il a réfervé à sa sagesse & à sa puiffance.

Sa raison principale étoit que comme la premiere grace ne tomboit pas fous le mérite, la derniere grace, qui eft la perfévérance finale, ne se donnoit point non plus au mérite. Or, qui eft celui qui a Rom. 11, 34 connu les Jugemens du Seigneur, & qui lui a donné confeil?

Cette raifon faifoit que, même après le dernier foupir, il vouloit que l'on efperât bien de la perfonne expirée, quelque fâcheuse mort qu'on lui eût vû faire, parce que nous ne pouvions avoir que des conjectures fondées fur l'exterieur, fur lequel les plus habiles peuvent fe tromper.

Sur quoi il me raconta ce que je vais dire: Un Prédicateur d'un naturel aifé, parlant de cet Héréfiarque qui a caufé la révolte de l'Eglife de Geneve, dit qu'il ne falloit juger de la damnation d'aucun après la mort, finon de ceux qui font déclarés réprouvés dans l'Ecriture, non pas même de celle de cet Héréfiarque, qui a caufé tant de maux par fes erreurs; car que fçait-on, disoit-il, si Dieu ne l'aura point touché à l'instant de fa mort, & s'il ne se fera point converti. Il eft vrai, continua-t-il, que hors de l'Eglife & fans la vraie foi il n'y a point de falut; mais qui fçait s'il n'a point defiré efficacement fa réunion à l'Eglife Catholique, de laquelle il s'étoit féparé, & s'il n'a point reconnu en fon cœur la verité de la créance qu'il avoit combattuë, & s'il n'eft pas mort en vraie repentance.

Et après avoir tenu tout fon auditoire en fufpens, à la fin il conclut en difant : Il eft vrai que nous devons avoir de grands fentimens de la bonté de Dieu. Jefus-Chrift même offrit fa paix, fon amour, & le falut au traître qui le trahit en le baifant; pourquoi n'aura-t-il pas pû offrir la même grace à ce miférable Héréfiarque ? Le bras de Dieu est-il racourci ? Eft-il moins bon & moins miféricordieux, lui qui eft toute miféricorde, & miféricorde fans nombre, fans mefure & fans fin?

Mais, ajouta-t-il, croyez moi, & je vous puis affurer que je ne mens point, s'il n'eft damné, il l'a échapé auffi belle que fit jamais homme, &

s'il

s'il eft fauvé de ce naufrage éternel, il en doit une auffi belle chandelle à Dieu, que jamais perfonne de fa taille. Cette fin fi peu attendue & fi gaie ne tira pas beaucoup de larmes des yeux des affiftans.

CHAPITRE XIV.

Combien ilencourageoit les pécheurs pénitens.

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N jour une perfonne s'étant présentée à lui au Tribunal de la Pénitence, & lui ayant déployé une vie fort indigne de fa condition, étant fur la fin, lui dit, hé bien! mon Pere, en quelle eftime m'aurez-vous déformais ?

D'une Sainte, lui dit-il.

Ce fera donc, reprit-elle, contre votre science & votre confcience."

Ce fera, reprit-il, felon, & non contre l'une & l'autre.

Comment cela, reprit cette perfonne? Je ne fuis point, répondit le Bienheureux, fi ignorant de ce qui fe paffe dans le monde que je ne fçuffe un peu de vos nouvelles par les bruits qui y courent, & cela me donnoit beaucoup de déplaifir, tant pour l'offenfe de Dieu que pour votre réputation, laquelle je

fçavois comment parer; mais maintenant que je vois votre ame réconciliée avec Dieu par une bonne pénitence, j'ai en main de quoi vous défendre, & devant les démons, & devant les hommes, & de quoi nier fortement tout le mal qu'on pourroit dire de

vous.

Mais, mon Pere, on dira la verité pour le paffé. Nullement, dit le Saint, envers les bonnes ames. Quant aux murmures des Pharifiens qui vous juge

H

Luc. 7. ront, comme le Pharifien fit Madelaine convertie, vous aurez Jefus-Christ pour défenfeur.

Mais, vous-même, que penferez-vous du passé ? Rien, dit le Saint, car outre que cela ne nous eft pas permis, comment voulez-vous que ma pensée s'arrête fur ce qui eft aboli, effacé, anéanti, en un mot qui n'eft plus rien devant Dieu, comment faudroit-il faire pour penfer à rien, finon de ne point penfer du-tout? Otez de votre efprit cette pensée de ma pensée; car ma pensée pour vous & fur vous loüera Dieu, & les reftes de ma pensée lui feront une fête; oui, car je la veux célébrer cette chere Luc. 15. 10. fête avec les Anges, qui la font là-haut au Ciel fur la converfion de votre cœur.

Cette perfonne a récité ceci depuis à une perfonne de confiance qui n'ignoroit pas fa vie, & ajouta que ce Bienheureux ayant le vifage tout baigné de larmes, comme cette perfonne lui dit qu'il pleuroit fur l'horreur de ses fautes, non, dit-il, c'est de joie fur votre résurrection à la vie de la grace.

J'ai oui fouvent notre Bienheureux loüer cette inclination qu'avoit fainte Therese à lire la vie des Saints qui avoient été grands pécheurs, parce qu'elle y voyoit reluire la magnificence de la miféricorde divine fur leur grande mifere.

CHAPITRE XV.

Il n'eft point de vraie défiance de foi-même,
Jans une véritable confiance en Dieu.

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OMME je lui demandois un jour ce qu'il falloit faire pour arriver à une parfaite défiance de foi-même ; il me répondit, fe confier parfaitement

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