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I

CINQUIE' ME PARTIE.

CHAPITRE PREMIER.

De la Modeftie.

L avoit un fi grand amour pour la pureté, qu'il ne pouvoit fouffrir la moindre action ni le moindre gefte, même inconfideré, qui en pût ternir le luftre & l'éclat : Il l'appelloit ordinairement la belle & blanche vertu de l'âme.

Il donnoit fur cela deux comparaifons fort juftes. La premiere: pour douce, claire & polie que foit la glace d'un miroir, il ne faut que la moindre haleine pour la rendre fi terne, qu'elle ne fera plus capable de former aucune représentation.

La feconde. Voyez-vous, difoit-il, ce beau lys, c'eft le fymbole de la pureté; il conferve fa blancheur & fa douceur parmi les épines mêmes, tant qu'on n'y touche point; mais auffi-tôt qu'il eft arraché, l'odeur en eft fi forte qu'elle entête.

Auffi vouloit-il que pour conferver la pureté, on Philot. part. obfervât une exacte & fcrupuleufe modeftie, ne 3.13. voulant pas qu'on fe laifsât toucher, ni au vifage, ni aux mains, pas même par jeu & divertiffement; parce que, quoique ces actions ne violent pas quelquefois l'honnêteté, elles lui caufent néanmoins toujours quelqu'efpece de flétriffure.

CHAPITRE II.

LeBienheureux perd une bague de grand prix.

'AN 1619. Madame Christine de France, sœur

Ldu Roi, épouía à Paris le Séréniffime Prince.

de Piémont, fils aîné & héritier de la Maifon de Savoye. Notre Bienheureux accompagna à cette cérémonie M. le Cardinal de Savoye : & Madame, toute jeune qu'elle fût, l'eut en telle vénération, qu'elle le defira pour grand Aumônier, ce qu'il fut contraint d'accepter, à condition toutefois que cette Charge ne préjudicieroit en rien à fon devoir d'Evêque, ni à fa réfidence, qu'il difoit être de droit Divin.

La bienséance de cette charge nouvelle l'obligea d'accompagner Madame jufqu'en Piémont, où après avoir demeuré quelques jours, il demanda. permiffion de s'en retourner dans fon Diocèfe, laiffant en fa place M. de Chalcedoine fon frere & fon Coadjuteur.

Cette permiffion lui fut accordée avec regret de toute la Cour. Madame lui fit des préfens dignes d'une fi grande Princeffe, & entr'autres lui donna une bague où il y avoit un diamant de grand prix.

En chemin, comme il étoit à cheval parmi les hautes montagnes des Alpes, en tirant fon gand cette bague s'échapa de fon doigt fans qu'il s'en apperçût.

Lorfqu'il s'en apperçut à l'hotellerie, fans s'émou voir en aucune façon, il bénit Dieu de cette perte pour deux raisons, difoit-il; la premiere, pour n'avoir aucun fujet de fe complaire, ou attacher

d'affection

d'affection à un fi précieux joyau. La feconde, parce que la Providence en feroit peut-être la fortune de quelque pauvre perfonne qui le trouveroit, qui en pourroit être à fon aife le refte de fes jours, en quoi il feroit mieux employé qu'à lui.

Néanmoins il arriva autrement qu'il ne penfoit, car ayant été ramaffée par un pauvre qui n'en fçavoit pás la valeur, & qui la montra dans un Village où cette perte étoit fçûë, elle lui fut rapportée lorsqu'il n'y penfoit pas ; & il ufa d'une grande libéralité envers celui qui la lui rapporta & celui qui l'avoit

trouvée.

On peut voir de-là combien le cœur de ce Bienheureux Prélat étoit peu lié aux chofes que les hommes prifent tant, fçachant qu'il avoit dans le Ciel des biens plus folides & plus précieux qui l'atten

doient.

U

CHAPITRE III.

Sa mortification.

Njour je lui avois fervi à table de quelque viande délicate, & voyant qu'il la mettoit tout doucement en un coin de fon affiette pour en manger une plus groffiere: Je vous furprens, , lui dis-je, & où eft le précepte Evangélique, mangez Luc. 10. 8. ce qui eft préfenté.

Il me répondit fort gracieufement, vous ne fçavez pas que j'ai un eftomac ruftique & de paysan ; fi je ne mange quelque chofe de dur & de rude, je n'en fuis pas nourri; ces délicateffes ne font que paffer & ne me fubftantent point.

Mon Pere, lui dis-je, ce font-là de vos défaites, c'eft avec de femblables voiles que vous cachez votre aufterité.

M

Certes, me repliqua-t-il, je n'y entens aucune fineffe, & je vous parle avec naïveté & fincerité. Néanmoins pour parler encore plus franchement & fans aucun repli ni duplicité,je ne vous nie pas que je ne trouve plus de goût aux viandes délicates qu'aux groffieres. Je ne voudrois pas chercher le falé, l'épicé & le haut goût, pour en trouver le vin meilleur ; nous autres Savoyards le goûtons affez fans cela: mais comme l'on eft à table pour fe nourrir, plus que pour fatisfaire à la fenfualité, je prens ce que je connois qui me nourrit mieux & qui m'eft plus convenable; car vous fçavez bien qu'il faut manger pour vivre, & non pas vivre pour manger, c'est-àdire, pour diftinguer les morceaux & avoir l'efprit attentif aux plats, & à la différence & diverfité des

mets.

Néanmoins pour faire honneur à votre bonne chere, fi vous avez patience je vous donnerai contentement; car après que j'aurai jetté les fondemens du repas par ces viandes plus materielles & nutritives, je ne laifferai pas de les couvrir de l'ardoife des morceaux plus délicats que vous prenez la peine de me fervir.

Que de vertus prennent part à cette action en apparence fi commune, la fincerité, la verité, la candeur, la fimplicité, la tempérance, la fobrieté, la condescendance, la bienveillance, la douceur, la bénignité, la prudence & l'égalité ! Les ames de grace, & qui agiffent par le mouvement de la grace, ne produifent rien de petit ; car les œuvres de Dieu font parfaites, fur-tout celles de la grace; auffi ontelles la gloire pour couronne. Soit que vous buviez, que vous mangiez, ou quelqu'autre chofe que 1. Cor. 10.31. Vous faffiez, dit l'Apôtre, faites tout pour la gloire

foit

de Dieu.

U

CHAPITRE IV.

Marques de la grace fandifiante.

NE des grandes peines que puiffe fouffrir une ame amoureufe de Dieu, eft d'ignorer fi vraiment elle l'aime & fi elle eft en fa grace; car nul ne fait, d'une certitude de foi, (fi ce n'eft par une ré- Eccle. 9. 1. vélation fpéciale,) s'il eft digne d'amour ou de haine.

Le Docteur Angélique néanmoins en donne quel-1.2.q.112.

ques marques.

La premiere, de n'avoir point de remords de quelque péché mortel, c'eft-à-dire, de n'en fçavoir aucun en fon ame, dont on ne fe foit purgé par le Sacrement de Pénitence.

a. 5.

La feconde eft, lorsqu'on fe délecte en Dieu, & que l'on prend plaifir aux chofes qui lui agréent & qui regardent fon fervice, parce que celui-là, fans doute, plaît à Dieu, à qui Dieu plaît, & plaît enforte qu'il s'efforce de lui complaire, felon ce que dit le Seigneur même, j'aime ceux qui m'aiment ; & ceux Prov. 8. 17. qui m'abandonnent feront abandonnés.

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La troifiéme eft, lorfqu'en comparaifon du Créateur, nous ne faifons aucune eftime des créatures ce que l'Evangile exprime fous le nom de haine : Celui, dit Jelus-Christ, qui ne hait pas fon pere, fa Luc. 20. 8. mere & fon ame propre, c'est-à-dire, fa vie, ne peut être mon Difciple.

Toutefois, quoique ces marques foient excellentes, elles ne contentent point inon efprit, comme font celles que notre Bienheureux avoit coutume de donner à ceux qui étoient dans cette angoiffe inte

rieure.

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