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perfections d'une perfonne aimée. Quelle pitié t Il faudra donc que je vive auprès de vous, comme en une terre d'ennemis, & que vos yeux & vos oreilles me foient auffi fufpectes que des efpions.

Neanmoins vous me faites plaifir de me parler de la forte; car un homme averti en vaut deux. C'est me dire, Fils de l'homme prends garde à toi, & fois toûjours en une bonne démarche, puisque Dieu & les hommes veillent fur toi.

Nos ennemis nous obfervent pour nous reprendre, & nous nuire en nous blâmant; nos amis devroient avoir une même attention fur nous, mais avec un deffein tout autre, à fçavoir pour nous avertir denos manquemens, & nous en corriger.

Vous le dirai-je, pourvû que vous ne m'en preniez pas à partie, vous m'êtes plus cruel que tout cela; car non-feulement vous me refufez une main favorable pour me relever de mes défauts par de falutaires & charitables avertiffemens; mais encore il femble que vous vouliez me rendre complice de vos fautes par cette injufte imitation.

Pour moi, Dieu m'a donné d'autres fentimens pour vous; car j'ai pour ce qui vous regarde une telle jaloufie de Dieu, & je defire avec tant d'ardeur vous voir marcher droit en fes voies, que le moindre défaut en vous m'eft infupportable; vos mouches me font des éléphans; & tant s'en faut que je les vouluffe imiter, que je vous protefte que je me fais une extrême violence quand je les diffimule quelque tems, attendant pour vous en avertir une occafion favorable.

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NE Sœur demandoit un jour à notre Bienheureux ce qu'il falloit faire pour bien conferver l'efprit de la Vifitation, & l'empêcher qu'il ne fe diffipât; il lui répondit : » L'unique moyen eft de le » tenir enfermé & enclos dans l'observance.

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"Mais vous dites, ajoute notre Bienheureux, qu'il y en a qui font tellement jaloufes de l'efprit » de leur Institut, qu'elles ne le voudroient point communiquer hors de la maison.

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Il y a de la fuperfluité en cette jaloufie, dit no» tre Bienheureux, laquelle il faut retrancher : car à quel propos, je vous prie, vouloir celer au prochain ce qui lui peut profiter? Je ne fuis pas de » cette opinion; car je voudrois que tout le bien qui eft en la Visitation fût reconnu & fçu d'un chacun, & pour cela j'ai toujours été de cet avis, qu'il feroit bon de faire imprimer les Regles & Conftitutions, afin que plufieurs les voyant en puiffent tirer quelqu'utilité. Plût à Dieu qu'il fe trouvât beaucoup de gens qui les vouluffent pratiquer, l'on verroit bien-tôt de grands change» mens en eux, qui réüffiroient à la gloire de Dieu » & au falut de leurs ames. Soyez grandement foigneufes de conferver l'efprit de la Vifitation, mais "non pas de maniere que ce foin empêche de le communiquer charitablement & avec fimplicité "au prochain, chacun felon leur capacité, & ne craignez pas qu'il fe diffipe par cette communi»cation; car la charité ne gâte jamais rien, au

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» contraire elle perfectionne toutes choses.

CHAPITRE XI.

De la lecture des bons Livres.

OUR lire utilement, il ne faut lire qu'un Livre

Påla fois, & encore le faut-il lire par ordre, c'est

à-dire, d'un bout à l'autre.

Ce n'est pas feulement l'utile qui nous doit porter à cette fuite & continuité de lecture,mais encore l'agréable; car de cette façon nous faisons comme les voyageurs, qui fe délaffent en marchant par la découverte de nouveaux objets & de diverses perfpectives; nous allons toujours en de nouyelles pensées, ce qui réjouit l'efprit.

Ceux qui n'ont point de lecture arrêtée, mais qui fautent d'un Livre à un autre, fe dégoûtent bien-tôt de tous, & fe rebutent de cet exercice, qui eft la plus agréable nourriture de l'efprit & l'un des plus doux charmes de la vie. Notre Bienheureux appelloit la lecture, l'huile de la lampe de l'oraison.

Les Médecins difent que pour la conservation de la fanté, il eft bon de ne manger à chaque repas que d'une viande ; cette variété de mets que l'on préfente aux feftins l'alterant beaucoup. Je crois que les Médecins fpirituels peuvent dire la même chofe de la nourriture fpirituelle qui fe tire de la lecture, & que la multiplicité des Livres eft plus nuifible que profitable.

CHAPITRE X.

De la Vertu.

'EST une erreur affez commune, même parmi les perfonnes fpirituelles, de s'imaginer avoir les vertus, dont elles ne connoiffent pas en elles les actions des vices contraires. On ne fçauroit croire combien de gens s'endorment ayant les coudes appuyés fur ce faux oreiller. Cependant il y a une grande distance entre les actions & l'habitude d'une vertu, & les actions & l'habitude du vice qui lui est pofé. Ceffer de faire mal, diminuë bien l'habitude vicieuse; mais pour acquerir ou augmenter la verne fuffit pas, il faut s'y exercer & en pro

cela

tu,
duire les actes.

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Qu'une perfonne foit douce, n'ayant perfonne qui l'irrite, qui l'offenfe, qui la contredife, ce n'est pas une grande merveille; mais plûtôt ce feroit une chofe étrange, fi elle étoit aigre & fâcheuse parmi les complaifances, les foumiffions & les déférences. Les animaux les plus cruels & les plus farouches, s'apprivoifent auprès de ceux qui leur font du bien & qui ne les agacent pas ; & auffi tient-on pour une rage que le tigre devienne plus furieux quand il entend la mufique.

Il y a des naturels qui paroiffent fort doux, tandis que tout leur rit; mais touchez ces montagnes, auffi- Pfal. 143. 5. tôt elles fumeront. Ce font des charbons ardens cachés fous la cendre. Ce n'eft pas grand'chose, disoit S. Gregoire, d'être bons avec les bons; mais de l'être parmi les méchans, de faire du bien à ceux qui nous perfécutent, & de parler doucement, modeftement,

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moderément à ceux qui déchirent notre réputation, c'eft avoir l'ame femblable au fommer du mont Olympe, qui n'eft point fujet aux orages de l'air.

Ceux qui parlent fi bien de la vertu de douceur ou de patience, & qui fautent aux nuës à la moindre parole offenfante, & qui en forment des plaintes par-tout, montrent bien qu'ils n'ont ces vertus que fur le bord des lévres, mais que la racine n'en eft pas dans le cœur.

Entret. 6. fujet

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Voici comme notre Bienheureux s'explique fur ce La vertu de force, & la force de vertu, ne s'acquiert jamais au tems de la paix, & tandis que » nous ne fommes pas exercés par la tentation de fon contraire. Ceux qui font fort doux, tandis qu'ils n'ont point de contradiction & qu'ils n'ont point acquis cette vertu l'épée à la main, font vraiment fort exemplaires & de grande édification; mais fi vous venez à la preuve, vous les ver» rez incontinent remuer, & témoigner que leur » douceur n'étoit pas une vertu forte & folide, mais imaginaire plûtôt que véritable. Il y a bien de la différence entre avoir la ceffation d'un vice, & avoir la vertu qui lui eft contraire. Plusieurs femblent être fort vertueux, qui n'ont pourtant point de vertu, parce qu'ils ne l'ont pas acquife en tra» vaillant. Bien fouvent il arrive que nos paffions » dorment & demeurent affoupies ; & fi pendant » ce tems-là nous ne faifons provifion de force pour » les combattre & leur résister quand elles vien» dront à fe réveiller, nous ferons vaincus au com» bat. Il faut toujours demeurer humbles, & ne pas croire que nous ayons les vertus, quoique nous ne faffions pas au moins que nous fçachions) des fautes qui leur foient contraires.

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