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Q

CHAPITRE PREMIER.

Repartie agréable.

UELQU'UN lui difoit un jour affez brufquement que l'on ne voyoit que des femmes autour de lui. Sans comparaifon, répondit-il, il en étoit ainfi de Notre-Seigneur, & plufieurs en murmuroient. Mais, reprit celui qui avoit avancé ce propos affez légerement, je ne fçai pourquoi elles s'amufent ainfi autour de vous; car je ne m'apperçois pas que vous leur teniez pied à caufer, ni que vous leur difiez grand'chofe.

Et n'appellez vous rien, repartit le Bienheureux, de leur laiffer tout dire? Certes, elles ont plus de befoin d'oreilles pour les entendre, que de langues qui leur repliquent. Elles en difent affez pour elles & pour moi ; c'eft poffible cette facilité à les écouter qui les empreffe autour de moi; car à grand parleur rien n'agrée tant qu'un auditeur patient & paisible. L'autre en continuant fa liberté, lui dit qu'il avoit pris garde à fon confeffionnal, que pour un homme il y avoit un grand nombre de femmes qui l'affiégeoient.

Que voulez-vous? ajouta-t-il, ce fexe eft plus enclin à la piété ; & c'eft pour cela que l'Eglife l'appelle dévot. Plût à Dieu que les hommes qui font bien d'autres péchés, euffent autant d'inclination pour la pénitence.

L'autre croiffant toujours en hardiesse, lui de

manda s'il y avoit plus de femmes fauvées que d'hommes.

part,

Raillerie à dit le Bienheureux, ce n'est pas à nous d'entrer dans le fecret de Dieu, ni d'être les confeillers; & par cette réponse arrêta & finit ce difcours.

CHAPITRE II.

Sa réponse à un Evêque qui vouloit quitter fa charge.

U

N Evêque lui demandoit fon avis fur le deffein qu'il avoit de quitter la charge pour vivre dans une vie privée, & lui alléguoit l'exemple de S. Gregoire de Nazianze, furnommé le Théologien, lequel quitta trois Evêchés, Sazime, Nazianze & Conftantinople, pour aller finir fes jours dans fa mérairie, appellée Arianze.

pas

Nous devons préfumer, lui répondit-il, que ces grands Saints n'ont rien fait fans un particulier mouvement de l'efprit de Dieu; & il ne faut juger de leurs actions par l'écorce exterieure, vù même que ce Saint avoit été contraint de ceder à la violence quand il quitta fon dernier Siége.

L'Evêque répliquant que la grandeur de la charge l'épouvantoit, ayant à répondre à tant d'ames.

Hélas! dit le Bienheureux, que diriez-vous, que feriez-vous, fi vous aviez un tel fardeau que le mien fur vos épaules? & cependant il ne faut pas que j'en efpere moins en la miféricorde de Dieu.

L'Evêque fe plaignant d'être comme le flambeau, qui fe confume en éclairant les autres, & d'avoir tant d'occupation pour le fervice du prochain, qu'il

n'avoit prefque pas le loifir de penser à lui & à fon falut.

Et celui du prochain, reprit le Bienheureux, faifant une partie du vôtre, & une partie fi grande, qu'elle fait presque le tout, ne faites-vous pas le vôtre en procurant celui d'autrui ; mais pouvez-vous operer le vôtre, finon en avançant celui des autres, puifque vous êtes appellé à cela.

L'Evêque répondant qu'en tâchant de porter les autres à la fainteté, il s'expofoit au hazard de la perdre.

Lifez, lui dit-il, l'Histoire Eccléfiaftique & la vie des Saints, & tenez pour conftant que vous ne trouverez point tant de Saints en aucun Ordre ni en aucune vocation qu'en celle des Evêques, n'y ayant aucun état dans l'Eglife de Dieu qui fourniffe tant de moyens de fanctification & de perfection: le meilleur moyen de faire progrès en la perfection étant de l'enseigner aux autres, & par parole, & par exemple, à quoi les Evêques font obligés par leur

état.

Toute la vie du Chrétien fur la terre eft une milice continuelle & une courfe vers le but de la perfection: or, entre tous les états & vocations qui font dans l'Eglife, n'y en ayant aucune de plus grande perfection que celle des Evêques, tant pour la fin que pour les moyens, c'eft en quelque façon regarder en arriere que de quitter cette vocation. Demeurez dans le vaiffeau où Dieu vous a mis pour faire le trajet de cette vie; ce paffage eft fi court, qu'il ne vaut pas la peine de changer de barque. Que fi la tête vous fait mal dans un grand navire, combien plus vous tournera-t-elle dans une nacelle plus fujette au mouvement des vagues, je veux dire dans une moindre condition, laquelle quoique

moins occupée, & en apparence plus tranquille, ne fera pas moins fujette aux tentations.

Ces raifons perfuaderent cet Evêque de demeuEphef. 4. 21. rer, fuivant le confeil de l'Apôtre, en la vocation où Dieu l'avoit appellé.

C

CHAPITRE III.

Du foin principal des Evêques.

OMME Evêque, me difoit-il, vous êtes furintendant & furveillant en la maison de Dieu c'eft ce que fignifie le nom d'Evêque. C'est donc à vous de veiller & de prendre garde à tout votre Diocèfe, fçachant que vous avez à rendre compte au Prince des Pasteurs de toutes les ames qui vous font confiées.

Mais vous devez principalement veiller fur deux fortes de perfonnes, qui font les chefs : les Curés & les Peres de famille; car d'eux procedent tout le bien ou tout le mal qui se trouvent dans les Paroiffes ou dans les maifons.

Quand un enfant à la mamelle fe trouve mal vous fçavez que le Médecin ordonne une médecine à la nourrice, afin que la vertu en paffe dans le lait, & par le lait dans l'enfant. De l'instruction & de la bonne vie des Curés, qui font les Pasteurs immédiats des peuples, procede leur bonne éducation en la doctrine & en la vertu : ce font ces baguettes de Genef. 30. 37. Jacob qui donnent aux agneaux telle couleur de toifon que l'on defire. L'inftruction fait beaucoup, l'exemple incomparablement davantage, peu de Matt. 23. 3. gens étant capables de cette leçon de l'Evangile, faites ce qu'ils difent, & non pas ce qu'ils font.

Il en eft de même des peres & meres de famille,

de

de leurs remontrances, & plus encore de leurs actions; delà dépend tout le bonheur de leurs maifons.

Comme votre charge Epifcopale eft de furintendance, c'eft à vous de veiller fur les principaux entre les particuliers, & fur ceux qui, comme Saül, furpaffent les autres de toute la tête ; c'est-à-dire, qui font les chefs de maison ou de Paroiffe, parce

que

delà découle le bien dans les inférieurs, comme le parfum d'Aaron defcendoit de fa tête jufqu'aux Pfal. 132.21,

extremités de fa robe; car vous êtes le Curé des Curés & le Pere des Peres de famille.

CHAPITRE IV.

De l'amour de Dieu.

ANs cet amour tout l'amas des vertus ne lui
étoit qu'un monceau de pierres. C'est

pour cela que fur toutes chofes il recommandoit que l'on eût

la charité, après le S. Apôtre: mais il ne vouloit,. Cor. 14. t. pas que l'on fe contentât de la feule habitude, il

ajoutoit avec le même Apôtre: Que toutes vos actions 2.Cor. 16, 14 foient faites en charité.

Il inculquoit fans ceffe, & fans fe laffer, ce que

dit le grand Apôtre, que fans la charité rien ne fert, 1. Cor. 13. ni la foi, ni les aumônes, ni la fcience, ni la connoiffance des myfteres, ni le Martyre, pas même celui de feu; & il me difoit quelquefois que cela ne pouvoit être affez répété, pour le graver profondement dans l'efprit des fidéles. Car enfin, difoit-il, de quoi fert de courir, fi l'on ne parvient au but? O combien de bonnes œuvres demeurent inutiles pour le falut, faute d'être animées de ce motif! cepen

O

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