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force, la chafteté, la mortification exterieure, l'obéiffance, la contemplation, la conftance, le mépris des richeffes & des honneurs, & autres femblables, defquelles chacun veut goûter, parce qu'elles font plus excellentes, plus eftimées, & fouvent parce qu'elles nous rendent plus illuftres & plus confidérables, quoique nous ne duffions aimer leur excellence que parce que Dieu les aime davantage, & qu'elles nous donnent le moyen de lui témoigner notre amour plus excellemment.

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Le Bienheureux fe réfout à voir tomber fon Inftitut dans fon commencement.

L

A très- vertueufe Dame que le Bienheureux choifit pour faire la premiere pierre de fon Inftitut, tomba malade fi griévement, que les Médecins défefpererent de fa vie.

Le Bienheureux reçut cette nouvelle avec fa tranquillité ordinaire, fe réfignant auffi-tôt au bon plaifir de Dieu; & prévoyant bien que cette perfonne manquant, le refte fe diffiperoit, & que malaifément trouveroit-il une ame de cette trempe, fur laquelle il pût fonder l'édifice de la Vifitation. Il ne dit autre chofe, finon, Dieu fe contentera de notre volonté ; il connoît affez notre foibleffe, & que nous n'étions pas affez forts pour faire le voyage entier.

Il ne fe fut pas fi-tôt abbattu fous la Providence, que la fanté fut renduë à cette perfonne, de qui la vie étoit défefperée, mais rendue avec tant de vigueur,qu'elle a furvêcu à cette maladie depuis vingthuit ans qu'elle en eft relevée, pour avancer l'œuvre

de Dieu dans l'Inftitut de la Vifitation & l'étendre au point où il eft aujourd'hui. Certes, les œuvres de Dieu ne font pas moins merveilleufes que parfaites.

Il y a de certaines entreprises, difoit notre Bienheureux, que Dieu veut que nous commencions, & que d'autres achevent. Ainfi David amaffa des matériaux pour le Temple qu'édifia fon fils Salomon. S. François, S. Dominique, S. Ignace de Loyola foupirerent après le Martyre & le rechercherent par toute forte de moyens; Dieu pourtant ne les en voulut pas couronner, fe contentant de leur volonté. Se remettre fimplement & doucement à la volonté de Dieu lorfqu'échoüent les entreprises qui regardent fa gloire, n'eft pas un acte inédiocre de réfignation.

CHAPITRE

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De la fincerité.

X I I.

ETTE maxime lui étoit en horreur; qu'il faut aimer comme ayant un jour à haïr, & haïr comme ayant un jour à aimer.

Il eft vrai, difoit-il, que la feconde partie de cette maxime du monde eft plus fupportable que la premiere; car il eft meilleur de ne hair que médiocrement & comme penfant à renouer l'amitié, que de nourrir de ces haines implacables & irréconciliables, qui tiennent plûtôt du démon que de l'homme; car c'est une chofe humaine de fe couroucer, mais c'est une chofe exécrable de ne pouvoir s'appaifer ni pardonner. Haïr donc, comme ayant un jour à aimer, eft une efpece de difpofition à la récon

ciliation.

Un jour quelqu'un lui demandoit ce qu'il enten

!

doit par la fincerité: Cela même, répondit-il, que le mot fonne, c'est-à-dire, fans cire.

Me voilà, dit l'autre, auffi fçavant qu'auparavant. Il pourfuivit. Sçavez-vous ce que c'eft que du miel fans cire ? c'est celui qui eft exprimé du rayon, & qui eft fort purifié. Il en eft de même d'un efprit, quand il eft purgé de toute duplicité, alors on l'appelle fincere, franc, cordial, ouvert & fans porte de derriere. Les perfonnes finceres font extrêmement propres à l'amitié, qui eft l'affaifonnement de toute bonne fociété. Au contraire, l'homme double d'efprit eft inconftant & flottant en toutes fes voies ; il fe défie Genef. 16.12. de chacun, & chacun fe défie de lui: vrai Ismaël, de qui les mains font contre tous, & les mains de tous contre lui. Sa langue eft un rafoir qui tranche des deux côtés ; & lorfqu'il parle de paix, c'eft alors qu'il couve quelque malignité.

CHAPITRE XIII.

De la raifon & du raisonnement.

'ETOIT un de fes mots, que la raifon n'étoit pas

Ctrompeufe, mais bien le raifonnement.

Quand on propofoit à notre Bienheureux quelqu'affaire, quelque plainte, ou quelque difficulté, écoutoit fort patiemment & fort attentivement toutes les raifons qu'on lui alléguoit sur ce fait-là ; & comme il abondoit en jugement & en prudence, après les avoir balancées, il fçavoit fort bien diftinguer entre celles qui étoient de poids & celles qui ne L'étoient pas.

Et quand on s'opiniâtroit à foutenir des avis par des raifons qui fembloient plausibles, mais qui n'a

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voient pas affez de force pour appuyer la juftice, il difoit quelquefois de fort bonne grace: ce font-là vos raifons, je le vois bien; mais fçavez-vous bien auffi que toutes les raifons ne font pas raifonnables. Et quand on lui difoit que c'étoit accufer la chaleur de n'être pas chaude.

Il répondoit que la raifon & le raisonnement étoient chofes différentes ; le raifonnement n'étant que le chemin pour arriver à la raison.

Après cela, perit à petit il tâchoit de ramener celui qui s'étoit égaré, à la verité qui n'eft jamais féparée de la raison, puifque c'est une même chose.

On ne fe conduit pas toujours felon le niveau de la droite raison. Les opiniâtres aheurtés à leur propre jugement, ne connoiffent pas ceci; mais les efprits dociles & traitables, quis fapiens & intelliget hac. Il faut quelque force d'efprit pour bien connoître fa propre foibleffe, & c'eft un trait de prudence non commune de fe rendre à un meilleur avis que le fien. ie

I

CHAPITRE XIV.

De la Juftice, & de la Judicature.

L mettoit une grande différence entre la Justice

& la Judicature ; & un homme de Justice& un homme de Judicature. Un homme de Juftice, c'est un homme jufte & équitable, lequel de quelque condition qu'il foit, rend à un chacun ce qui lui appartient. L'homme de Judicature, eft un Officier ou Magiftrat, qui fait profeffion de rendre le droit à un chacun, felon les formes de la Jurifprudence : & c'eft grand pitié que l'on puiffe dire de ces formalités, ce que S. Bernard difoit de ces mauvaises filles

la

qui avoient fuffoqué leur mere; car ayant été inventées à bon deffein pour rendre à chacun ce qui lui appartient, felon les regles de la droiture & de l'équité, il eft arrivé par la fuite des tems & par mauvaise fubtilité des hommes, qu'au lieu de rendre par là ce qui appartient à chacun, ce font autant de moyens pour prendre à chacun ce qui eft à lui, & faire tomber entre les mains de ceux qui manient les affaires, les biens de ceux qui les débattent, d'où eft venu le proverbe, entre deux contendans un troifiéme joüit.

Comme cet ancien Empereur difoit que la quantité des médecines le faifoit mourir ; on peut dire que la multitude des Loix & des formalités fuffoque la Juftice; & que ceux qui s'y engagent font comme le ver à foie, qui fe file un tombeau.

Quand on en parloit devant notre Bienheureux, Pjal. 93. 15.il avoit coutume de dire ce mot de David: Juftitia converfa eft in Judicium, la Juftice eft changée en Judicature; de ces longues formalités, il disoit que c'étoient des fauxbourgs beaucoup plus longs que la ville, & des ardens qui conduifent pendant la nuit en des précipices; en un mot, que le territoire de la Judicature étoit une vraie terre de Canaan qui dévoroit fes habitans, & où les renards de Samfon mettoient le feu dans toutes les moiffons.

HUITIEME

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