CHAPITRE IV, pas des De la fidelité dans les petites occasions. à quelque & de récréation devant notre Bienheureux, & trompoit celui contre lequel il s'exerçoit. Le Bienheureux ne pouvant fouffrir cette supercherie, lui remontra fa faute. Ho ! dic l'autre , nous ne joüons qu'aux liards. : Et que seroit-ce, reprit le bienheureux François , Inc. 16, 10, fr-vous jouïez des pistoles ? Celui qui eft fidele aux pe tites choses, le sera dans les grandes ; & celui qui Je le vifitai un jour , & le soleil étant fort ardent, j'arrivai chez lui tour abbattu de la chaleur ; & comme je me plaignois de ce chaud exceflif, il me demanda en riant si je voulois qu'on m'allumât du feu. Comment , dis-je , me voulez-vous achever de rôtir ? Il me répondit que le feu réchauffoir ceux qui avoient froid , & rafraîchisfoit ceux qui avoient trop chaud. Et puis ayant un peu pensé, il me dit tout naïvement ; Voyez-vous, je viens de faire une duplicité ; car me souvenant de vous avoir oüi dire que vous craigniez fort le froid & que vous n'aviez jamais trop chaud, je voulois rire de l'excès de la chaleur que vous avez souffert, & vous faire souve. nir par là de ce que vous dire quelquefois, qu'il vaut mieux suer que trembler , 8c que le feu est bon en tout tems. Jugez combien ma pensée étoit différente de la réponse que je vous ai faite. Je joindrai à ceci une autre Sentence de notre Bienheureux , que j'ai souvent oüi de la bouche. La grande fidelité envers Dieu consiste à s'abstenir des moindres fautes ; les grandes font assez d'horreur d'elles-mêmes, c'est pourquoi il est plus aisé de les éviter. I nei au CH A P I T R E V. Sçavoir se borner. L disoit que la convoitise des yeux avoit cela de mais toujours au - deflus ; & qu’ainsi ceux qui en étoient atteints n'avoient jamais de repos ni de solide contentement. Aussitôt qu'un homme desire être plus grand ou plus riche qu'il n'est , la dignité, ou le bien qu'il possede ne lui semble rien ; & quand il est parvenu où il desiroit, l'appétit lui vient en mangeant, & son hydropisie d'esprit fait qu'il s'altere en buvant, de maniere qu'il marche toujours sans jamais arriver au but, la mort arrivant plûtôt que la fin de ses prétentions & de les esperances. Le Bienheureux n'avoit pas seulement mis des bornes à ses desirs ; mais, ou il n'avoit point de de. firs d'élévation, ou il consideroit sa condition comme beaucoup au-dessus de ses desirs. Il s'étonnoir souvent , ( telle étoit son humilité) que Dieu eût permis qu'il fût élevé à la dignité qu'il possedoit ; l'estimant d'un si haut point , qu'il frisfonnoit quand il faisoit réflexion sur le fardeau qui lui avoir été imposé. Ayant une grande estime pour le prochain, il s'étonnoit de se voir Superieur de beaucoup de perfonnes , qu'il croyoit plus capables & plus dignes . Piiij que lui, 8. Et quand on le plaignoit du peu de revenu qui lui restoit pour soutenir la dignité : Hé ! qu'avoient les Apôtres pour soutenir la leur , qui étoit encore plus grande i Combien y a-t-il d'honnêtes gens qui 1. Tim. 6. 6. n'ont pas tant de bien. La piété avec la suffisance est un grand revenu. Ayant dequoi soutenir notre vie & nous !: Tim. 3. z. vêtir , n'est-ce pas dequoi être content? Il est vrai que l'Evêque doit exercer l'hospitalité & faire l'aumône, supposé qu'il ait dequoi fournir à l’un & à l'autre; mais quand il est à l'étroit & n'a justement que ce qu'il lui faut pour vivre , il n'a que la bonne volon té; mais pourvu que cette bonne volonté soit fincere Eph, 7. 4.& véritable, Dieu , sans doute , qui est riche en misé ricorde , & qui regarde le caur plus que les préfens, le prendra pour eftet. I celui qui CHAPITRE V I, : De la justice. L difoit que pour bien exercer la juftice, il fal. loit se rendre acheteur lorsque l'on vendoit, & vendeur lorsque l'on achetoit: car l'injustice la plus universelle & qui regne davantage dans le monde, est que vend veut avoir de fa marchandise tout le plus qu'il en peut tirer , & celui qui achete en donne tout le moins qu'il peut ; d'où procede une infinité de fraudes & de tromperies, qui deshonorent le commerce... i Il disoit encore ; il y a long-temś que la Justice est manchotte & qu'elle a perdu l'un de ses brasi Sa raison étoit que dans la distribution des récompenses & des peines , elle semble percluse de son bras droit. Car il n'y a plus de récompense pour la ver tu, quoique le gauche par lequel les vices sont punis paroille en exercice, encore est-il comme paralytique, & à moitié estropié ; les fupplices publics, selon le proverbe , n'étant pas tant pour les coupa que pour les malheureux ; la faveur ou la corruption ayant allez de fubtilités pour excuser, ou pallier les plus grands crimes , quoique la sainte parole nous crie, que celui qui condamne l'irinocent, do Prov. 17. 15. qui justifie le coupable , eft abominable devant Dieu. CHAPITRE VII, Des Hôtelliers. I L avoir une particuliere affection pour ceux qui tenoient hôtellerie , & qui y reçoivent l'es pal{ans ; & pour peu qu'ils fullent civils & affables, il les renoit pour des Saints. Il disoit qu'il ne voyoit point de condition, où on eût plus de moyen de servir Dieu dans le prochain, & de s'avancer vers le Ciel; parce qu'on y exerce continuellement la miséricorde quoiqu'en recevant, comme les Médecins, le salaire de con · travail. Une fois après le repas', comme il nous entretenoit, par récréation , de propos agréables, les hôtelliers ayant été mis sur le tapis, & chacun disant librement son avis sur ce sujet, il y en eut un qui s'avança à dire que les hôtelleries étoient de vrais brigandages. Ce discours ne plut pas au Bienheureux, mais parce que ce n'étoit ni le lieu , ni le tems de faire la correction, & que la personne n'étoit pas disposée à la recevoir , il la reserva peut-être à une autre occasion plus favorable, & il détourna le discours, en nous racontant l'histoire suivante. Un Pelerin Espagnol , dit-il, allez peu chargé de monnoye, arriva dans une hôtellerie, où après avoir été traité assez mal, on lui vendit si cherement ce peu qu'il avoit eu , qu'il appelloit le Ciel & la terre à témoins du tort qui lui étoit fait. Il fallut néanmoins passer pår là, & encore filer doux , parce qu'il étoit le plus foible. Il fort de l'hôtellerie tout en colere, & comme un homme dévalisé. Cette hôtellerie étoit située en un carrefour à l'opposite d'une autre, & au milieu il y avoit une croix plantée; il s'avisa de cette adresse, pour soulager la douleur. Vraiment , dit-il, cette place est un Calvaire, où l'on a mis la croix de Notre-Seigneur entre deux larrons, entendant les maîtres des deux hôtelleries. L'hôtellier de la maison où il n'avoit pas logé se rencontrant sur la porte, pardonnant à sa douleur, lui demanda froidement, quel tort il avoit reçû de lui pour le qualifier de la forte. Le Pélerin qui sçavoit mieux que manier son bourdon, lui répondit brusquement , taisez-vous , taisez-vous mon frere, vous serez le bon ? comme lui disant, il y avoit deux larrons aux côtés de la Croix de Notre-Seigneur , un bon & un mauvais; vous m'êtes le bon : car vous ne m'avez point fait de mal, mais comment voulez-vous que j'appelle votre compagnon qui m'a écorché tout vif? Après cela il prit doucement occasion de dire que ce pauvre Pelerin termina son courroux par cette gentillesse; mais pourtant qu'il falloir éviter en général le blâme des nations, & de vacations ; comme de dire, ils sont larrons, arrogans, traîtres, parce qu'encore que l'on n'eût en vůë aucun particulier, les particuliers de ces nations ou vacations s'intéresfoient à ce blâme, & ne prenoient pas plaisir d'être traité de la sorte. |