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CHAPITRE XI.

De l'odeur de piété.

E ne fçaurois exprimer combien grande étoit l'eftime que faifoit notre Bienheureux de l'odeur de la piété, & combien il eftimoit heureux ceux ou celles, qui par leur bon exemple la répandoient dans le monde, non pour leur propre gloire, mais pour celle du Pere célefte, de qui procede tout bien Jac. 1. 17. excellent & tout don parfait.

Il n'y a point de doute que ceux qui parfument le monde de l'odeur de leur bon exemple, & qui par là montrent le chemin de la juftice aux autres, ne reluifent un jour comme de brillantes étoiles dans Dan. 12. 3. le Firmament.

Certes, fi le malheur eft prononcé par celui qui Matt. 18. 7. ne peut mentir, contre ceux qui portent du scandale au monde : quelle bénédiction fur ceux qui y donnent de l'édification par leur vie exemplaire, & qui attirent les ames à leur imitation par l'odeur de leurs vertus. Saint Paul difoit de ces perfonnes, qu'elles 2. Cor. 2. 15. étoient la bonne odeur de Jefus-Chrift, odeur de vie à la vie, & que les scandaleux étoient une odeur de mort à la mort.

Quelqu'un n'approuvant pas fon Inftitut de la Vifitation, & le traitant de nouveauté en la présence de notre Bienheureux, lui dit, mais enfin dequoi fervira cet Institut à l'Eglife?

Le Bienheureux répondit fort gracieusement, à faire le métier de la Reine de Saba.

Et quel eft ce métier, reprit cet homme ? De rendre honneur à celui qui eft plus que Salomon, & à

remplir de parfums & de bonne odeur toute la Jérufalem militante.

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E Bienheureux avoit coutume de dire que quand nous voulions nous juftifier devant les hommes, cela fe faifoit baffement, lâchement, obfcurement; mais que quand nous nous en remettions à Dieu, cela fe faifoit hautement, fortement & évidemment. Si nous fommes innocens, il fait paroître tôt ou tard notre innocence avec éclat, ne permettant jamais que ceux-là foient confondus, qui mettent en lui Pfal. 50. 14. toute leur efperance. Parce que le jufte a efperé en moi, dit-il par la bouche du Prophete Roi, je le délivrerai, je le protegerai, parce qu'il a connu mon nom & lui a rendu gloire.

Il rapportoit pour confirmation de cette vérité l'illuftre exemple de la fainte Vierge, laquelle n'ignorant pas la perplexité de S. Jofeph au sujet de fa groffeffe, & fa modeftie ne lui permettant pas de lui découvrir la grace incomparable dont Dieu l'avoit honorée, la rendant Mere du Verbe Incarné : elle fe remit entierement au foin de la Providence, qui ôta ce nuage de l'efprit de fon Epoux par l'ambaffade d'un Ange.

Rom. 14. 19. S. Paul nous confeillant de ne nous défendre pas quand on nous outrage, ou quand nous fommes injuftement accufés, mais de faire place à la colere nous donne une excellente leçon de remise en Dieu pour tout ce qui nous regarde:

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E ne vois rien que notre Bienheureux inculquât plus foigneufement que la fainte égalité d'efprit. Il avoit coutume de dire, que puifque cette vie étoit une navigation vers le port du falut, nous devions être femblables aux bons pilotes, qui tiennent toujours leur timon jufte parmi l'inégalité des flots.

Pour cela il faut imiter les mêmes pilotes, qui fe conduifent en la mer par le regard continuel du pole. Et quel eft ce pole, finon la très-fainte volonté de Dieu, que nous devons regarder continuellement pour nous y fixer. Car les inégalités d'efprit ne procedent que du regard des créatures non rapporté à Dieu, & ainfi felon la variété des accidens qui arrivent en cette vie, nous changeons d'humeur & d'inclinations.

Mais quand nous regardons toute cette diverfité dans l'uniformité toujours égale de la très-fainte volonté de Dieu, qui diftribue felon qu'il lui plaît les profperités & les adverfités, la fantè & la maladie, les richeffes & la pauvreté, la vie & la mort, & quand nous venons à penfer que de tout cela nous pouvons tirer des fujets de glorifier Dieu, nous entrons dans cette aimable indifférence chrétienne, qui produit la fainte égalité d'efprit.

CHAPITRE XIV.

De l'empressement.

OTRE Bienheureux faifoit grand état de cette

Ndevite d'un Empereur ancien : Hatez-vous len

tement ; & de cette autre, affez-tôt, fi aßez bien. Il ne vouloit pas que l'on entreprît beaucoup de chofes, mais que l'on fit bien le peu que l'on entreprenoit. C'étoit un de fes mots ordinaires & chéris; peu & bon. Il difoit qu'il fe falloit bien garder de mettre la perfection en la multitude des exercices de vertu, foit interieurs foit exterieurs. Et quand on lui difoit, que deviendra donc cet amour infatiable dont parlent les Maîtres de la vie fpirituelle, qui ne dit jamais c'eft affez, qui ne penfe jamais être arrivé au but, mais qui avance toujours à grands pas: Il répondoit, c'est par les racines qu'il faut croître en cet amour-là, plûtôt que par les branches, & s'expliquoit ainfi C'eft croître par les branches, que de vouloir faire une grande multitude d'actions de vertus, defquelles plufieurs fe trouvent non-feulement défectueufes, mais bien fouvent fuperfluës & femblables à ces pampres inutiles de la vigne qu'il faut retrancher pour faire groffir le raifin; & c'est croître par les racines que de faire peu d'œuvres mais avec beaucoup de perfection; c'est-à-dire, avec un grand amour de Dieu, dans lequel confifte toute la perfection du Chrétien. C'est à quoi nous hef. 3. 17. exhorte l'Apôtre, quand il nous dit d'être enracinés &fondés en la charité, fi nous voulons comprendre la furéminente charité de la fcience de Jefus-Chrift.

4. 12.

Mais, dira-t-on, peut-on trop faire pour Dieu, & ne faut-il fe hâter de marcher avant que la

pas

nuit de la mort vienne, après quoi on ne pourra plus travailler? Ne faut-il pas faire le plus de bien que l'on peut tandis que l'on a le tems.

Toutes ces vérités font adorables, & dignes d'être foigneufement remarquées, mais elles ne font point contraires à cette fage maxime, de faire plûtôt peu d'actions bonnes & parfaites, que plusieurs, mais imparfaites.

Et qu'est-ce que faire une bonne œuvre parfaitement? (En état de grace s'entend, car fans cela elle ne feroit pas imparfaite seulement, mais ne ferviroit de rien pour l'Eternité;) c'eft la faire 1. avec beaucoup d'ardeur, 2. avec beaucoup de fermeté, 3. avec beaucoup de pureté d'intention. Une action faite ainfi, vaut mieux qu'un grand nombre d'autres faites., 1. froidement, 2. lâchement, 3. & moins purement de la part de l'intention.

Pour faire donc un férieux progrès en la perfection il n'eft pas tant queftion de multiplier les exercices, comme d'agrandir la ferveur, la force & la pureté du divin amour dans nos actions ordinaires, une petite vertu avec une ardente, forte & pure charité étant incomparablement plus agréable à Dieu, & lui apportant plus de gloire qu'une plus illuftre pratiquée avec une charité lente, foible, & moins épurée.

Voici ce que raconta un jour notre Bienheureux à ce fujet. Il y a quelque tems, dit-il, qu'il y eut de faintes Religieufes qui me dirent; Monfieur," Entret. 7. que ferons-nous cette année ? L'année paffée nous « jeûnâmes trois jours de la semaine, & nous faifions". la difcipline autant. Que ferons-nous maintenant ? « Il faut bien faire quelque chofe de plus cette an-« née, tant pour rendre graces à Dieu de l'année « paffée, que pour aller toujours croiffant en la voye « de Dieu ?

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