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C'eft bien dit, qu'il faut toujours s'avancer, re pondis-je, mais notre avancement ne se fait pas » comme vous pensez par la multitude des exerci» ces de pieté, mais par la perfection avec laquelle » nous les faifons, nous confiant toûjours plus en » notre Dieu, & nous défiant davantage de nous» mêmes. L'année paffée vous jeûniez trois jours » de la semaine, & vous faifiez la difcipline trois fois; fi vous voulez toûjours doubler vos exerci» ces cette année, la femaine y fera entiere: mais l'année qui vient comment ferez-vous, il faudra » que vous faffiez neuf jours en la semaine, ou » bien que vous jeûniez deux fois le jour ? Grande folie de ceux qui s'amusent à désirer d'être mar» tirifés aux Indes, & qui ne s'appliquent pas à » ce qu'ils ont à faire felon leur condition : mais grande tromperie auffi à ceux qui veulent plus » manger qu'ils ne peuvent digerer. Nous n'avons » pas affez de chaleur spirituelle pour bien digerer » tout ce que nous embraffons pour notre perfection, & cependant nous ne voulons pas nous re» trancher ces anxiétés d'efprit, que nous avons à » tant défirer de beaucoup faire.

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CHAPITRE XV.

Comment il faut fe difpofer au Cloître.

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N rapporta au Bienheureux qu'un jeune homme fort débauché, & d'une vie fcandaleuse, avoit réfolu de fe jetter dans un Cloître.

Il répondit, certes, il n'en prend pas le chemin, mais bien celui de l'Hôpital.

On lui dit, que

lui-même s'en déclaroit ouvertement, & qu'il difoit que le Cloître étoit fon pis

aller, après qu'il auroit tout mangé; que cette retraite ne lui pouvoit manquer ; qu'au refte il vouloit fe donner à cœur joye des plaifirs du monde, afin de n'y avoir plus de regret quand il en feroit fevré, ne refufant rien à fes fens non-plus que Sa lomon.

Il prend-là, dit le Bienheureux, un affez mauvais modele, puifque Salomon qu'il prend pour patron, nous laiffe en incertitude de fon falut. Poffible que le Cloître lui manquera, mais pour l'Hôpital il en prend le droit chemin. Il ne fut que trop vrai Prophete, car ce miferable n'ayant plus rien, fe jetta comme par défefpoir dans un Cloître, qui le vomit peu de jours après, comme la mer fait les charognes; & delà fut enfermé dans la prifon par les créanciers, où le pain de douleur & l'eau d'angoiffe ne lui manquerent pas.

Comme on parloit devant notre Bienheureux de la calamité de ce miférable, il dit: Je me doutois bien qu'il ne prenoit point le chemin du Cloître, il faifoit trop de careffe au monde pour lui donner un fi rude coup de pied. On ne fait pas ordinairement bonne chere à un ami avec qui on eft réfölu de rompre, fi ce n'est par trahifon : & c'étoit bien faire outrage à l'efprit de grace qui l'attiroit au Cloître, de mener une vie fi fale, & fi peu conforme à la Conventuelle qu'il vouloit embraffer. On n'a pas coûtume de faire des affronts & des torts à celui de qui on cherche la faveur & l'affiftance. Ce n'étoit pas l'efprit de Dieu qui le conduifoit au défert, audi a-t-il été comme Adam rebelle chaffé de ce Paradis terreftre.

Encore fi la véxation pouvoit lui donner de l'en tendement, il trouveroit dans la prifon la même grace qu'il eût rencontrée dans le Cloître, C'étoit

la confolation du Bienheureux Pierre Celestin dans la fienne, où il fut mis par les rigueurs du Pape Boniface VIII. fon fucceffeur. Pierre, fe difoit-il à foimême, tu as maintenant ce que tu as tant souhaité, ce après quoi tu as tant foupiré dans les accablemens d'affaires inféparables de la Chaire de S. Pierre. Tu as la folitude, le filence, la retraite, la cellule, la clôture, les ténébres ; dans cette étroite, mais bienheureufe prifon, bénis Dieu en tout tems, puifqu'il t'a donné les défirs de ton ame, quoique d'une autre façon que tu ne penfois, mais plus affurée & plus agréable à fes yeux que celle que tu projettois, Dieu veut être fervi à fa mode, non à la tienne : Que veux-tu au Ciel & en la terre, finon fa fainte volonté. O bonne Croix long-tems défi. rée, maintenant préfentée, je t'embraffe de tout mon cœur, reçois le Difciple de celui qui par toi a operé mon falut au milieu de la terre.

A la fin ce miférable prodigue fortit de prifon,& fe voyant l'opprobre du monde; la douleur, la difette, & fes précédentes diffolutions le firent tomber fous l'effort d'une maladie, non-moins ignominieufe que douloureufe, qui le forcerent de fe rendre à l'Hôpital, où il tomba par pieces rongé de vermine, & accablé d'ordures & de néceffité.

Lorsqu'on parloit au Bienheureux de quelques jeunes gens qui, avant que de fe jetter dans le Cloître, fe donnoient à cœur joye des vanités & des voluptés du monde, auquel ils vouloient, difoientils, dire le dernier adieu, il avoit ces vocations-là fort fufpectes; & de fait il arrivoit peu fouvent qu'ils perfeveraffent jufqu'à la Profeffion; car ceux la méritent de perdre la grace de cet attrait, qui en font un fi mauvais ufage. Quand on difoit qu'ils reculoient pour mieux fauter: Ils pourroient bien

tant reculer, répondoit-il, que leur fecouffe feroit fi grande qu'ils perdroient haleine quand ils viendroient à faire le faut.

Mais quand il en voioit qui fe difpofoient de fang froid & de longue main à cette retraite du fiécle, par la pénitence, l'oraison, le jeûne, la Communion & autres exercices de pieté; ceux-là, disoit-il, y vont tout à bon, ils ne fe jouent pas, ou bien s'ils fe jouent c'est à bon jeu, bon argent; ils ne feront point comme la femme de Loth, qui regarda en arriere,ni comme ces Ifraëlites qui regretterent les oignons d'Egypte.

CHAPITRE XVI.
Du Chapelet.

UNE

NE perfonne que je connois ayant appris que notre Bienheureux avoit fait vœu en fa jeuneffe de réciter tous les jours le Chapelet, défira de faire de même, mais néanmoins ne voulut le faire fans fon avis.

Il lui dit gardez-vous-en bien.

pas

L'autre lui dit, pourquoi refufez-vous aux autres le confeil que vous avez pris pour vous-même dès votre jeuneffe.

Ce mot de jeuneffe décide l'affaire, répondit-il, parce qu'en ce tems-là je le fis avec moins de confidération, mais maintenant que je fuis plus avancé en âge, je vous dis ne le faites pas: Je ne vous dis pas, ne le dites point; au contraire je vous le confeille autant que je puis, & vous exhorte de ne paffer aucun jour fans le réciter, étant une priere très-agréable à Dieu, & à la fainte Vierge; mais que ce foit par un propos ferme & arrêté, plûtôt que par vou, afin que quand il vous arrivera de

l'omettre, vous ne vous expofiez pas au danger d'offenfer Dieu; car ce n'eft pas le tout de voüer, il faut rendre, & rendre fous peine de péché, ce qui n'eft pas une petite affaire. Je vous affure que fouvent cela m'a fort embaraffé, & que fouvent j'ai été fur le point de m'en faire dispenser, ou au moins de le faire changer en quelque autre œuvre de pareille importance, mais de moindre affujetiffement.

CHAPITRE XVII.

Des fondations de Monafteres, & du choix des Superieures.

URANT les treize ans qu'il a vêcu depuis

D qu'il eut commencé à établir la Congregation

de fainte Marie, il ne reçut que douze fondations, & en refufa trois fois autant; ayant toujours ce mot à la bouche, peu & bien.

Il craignoit de commettre la conduite des Monaftéres à des Superieures qui ne fuffent pas affez capables, fçachant bien que du chef tout le bien & le mal influë au reste du corps.

Preffé de divers endroits, il avoit des expédiens tout prêts pour refufer, jufques-là que j'eus bien de la peine à obtenir une petite colonie pour notre ville de Belley. Il me difoit affez fouvent, elles ne font que naître à la pieté, il les faut un peu laiffer affermir en leur condition. Ayons patience, & nous ferons affez, fi ce peu que nous ferons, eft au gré du grand Maître. Il est meilleur qu'elles croiffent par les racines des vertus, que par les branches des maifons. En feront-elles plus parfaites pour avoir grand nombre de Monafteres.

Je vois que la plupart des Ordres fe font par-là

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