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CHAPITRE VII.

De la Congrégation des Filles de la
Vifitation.

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UELQU'UN lui parlant un jour de la Congrégation des Filles de la Vifitation, lui difoit: mais que voulez-vous faire de cette Congrégation de femmes & de filles? de quoi ferviront-elles à l'Eglife de Dieu? n'y en a-t-il pas déja affez d'autres, aufquelles fe pourroient ranger celles qui fe préfenteront à celle-ci? Ne feriez-vous pas mieux d'en inftituer une d'Eccléfiaftiques? le tems que vous donnez à l'Institution de ces filles, aufquelles il faut répeter cent fois une chofe avant qu'elles la retiennent, feroit plus utilement employé à inftruire des Eccléfiaftiques. De plus, c'eft un tréfor enfoui, une lampe fous le boiffeau : n'eft-ce pas peindre fur les eaux, & femer fur le fable?

A cela notre Bienheureux fouriant gracieusement répondit avec une férénité & une fuavité nompareille: Il ne m'appartient pas de travailler en des matieres fi relevées. C'eft aux Orfévres à manier l'or & l'argent, & aux Potiers la terre. Croyez-moi, Dieu eft un grand Ouvrier, avec de pauvres outils il fçait. faire de grands ouvrages. Il choifit ordinairement ce 1. Cor. 1. 17qu'il y a de foible pour confondre ce qui eft fort; l'ignorance pour confondre la fcience, & ce qui n'eft rien pour détruire ce qui femble être quelque chofe.

Que n'a-t-il pas fait avec une verge en la main de Moïfe, avec une machoire en celle de Samfon ? Par qui a-t-il vaincu Holoferne, que par la main d'une femme ? Quand il a créé tout le monde, où en a-t-il pris la matiere que dans le néant : Convenez avec

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I Mach. 1.

Jacob. 3. 5. moi que de grands embrafemens peuvent naître d'u ne petite étincelle. Où fut trouvé le feu facré au retour de la captivité, finon dans un peu de boüë?

22.

que

Ce fexe infirme eft digne d'une grande compaffion; c'eft pourquoi il en faut avoir plus de foin. de celui qui eft fort. La charge des ames n'eft pas tant des fortes que des foibles, dit S. Bernard. Notre-Seigneur ne lui a pas dénié fon affiftance, il étoit ordinairement fuivi de plufieurs, & elles ne le quitterent point à la Croix, où il fut abandonné de tous fes Difciples, excepté de fon Bien-aimé. L'Eglife qui donne à ce fexe le nom de dévot, ne l'a pas en fbaffe eftime.

Au refte, pour combien comptez-vous le bon exemple qu'elles peuvent répandre partout où Dieu les appellera ? N'eft-ce rien, à votre avis, d'être une bonne odeur en Jesus-Christ, & odeur de vie à la vie? Des deux qualités defirées aux Pasteurs, la parole & l'exemple, laquelle penfez-vous être la plus eftimable ? Pour moi j'eftime plus une once de celleci, que cent livres de l'autre. Sans la bonne vie, la fcience se tourne en fcandale: c'eft une cloche qui fonne, mais qui ne va jamais à l'Office; de-là le reZ. 4. 23. proche: Médecin, guéris-toi toi-même.

Il est vrai qu'il y a quantité d'autres Congrégations en l'Eglifeaufquelles fe, pourroient ranger quelques-unes de celles qui s'enrollent en celle-ci, mais auffi plufieurs fe rangent en celle-ci, qui ne pourroient pas s'enroller en celles-là, à caufe de leur âge ou de leurs infirmités & débilités, qui les rendent incapables de foutenir les aufterités corporelles des autres Ordres. Que fi l'on en reçoit en celle-ci de fortes & de robuftes, c'est pour fervir les infirmes & les malades, pour lefquelles principalement cette Congrégation cft inftituée, & pour mettre en prati

que cette parole facrée : Portez les fardeaux les uns Gal. 6. D. des autres, & ainfi vous accomplirez la Loi de J.C.

Pour l'exhortation que vous me faites de penser à quelque Congrégation d'Eccléfiaftiques, ne voyezvous pas que la voilà toute dreffée par ce grand & fidele ferviteur de Dieu M. de Berrulle, qui a bien plus de capacité pour cela, & beaucoup plus de loifir que moi, qui fuis chargé d'un Diocèle fi pefant, & qui eft comme le centre des erreurs qui troublent l'Eglife. Au refte, nous laiffons aux grands ouvriers les grands deffeins, Dieu fera ce qu'il lui plaira de cette petite fource de mon travail.

CHAPITRE VIII.
Mépris de l'eftime.

Cchiens dans la dépenfe, ni les chevres dans les
E n'eft pas qu'il prît plaifir que l'on mît les
vignes, en faifant litiere de réputation.

Il vouloit que l'on en eût foin, mais plus pour le fervice de Dieu que pour fon propre honneur ; & plus pour éviter le fcandale que pour en augmenter fa propre gloire.

Il comparoit la réputation au tabac, qui peut fervir étant pris rarement & modérément; mais qui nuit & noircit le cerveau quand on en ufe trop fouvent & avec intempérance. Il pratiquoit le premier ce qu'il enfeignoit fur ce fujet. Des efprits intereffés ayant pris d'un mauvais biais un confeil fort faint qu'il avoit donné à Paris à quelques perfonnes d'une rare vertu, en prirent fujet de le timpanifer. Il m'écrivit fur cela, & me difoit ces mots : On me man- « de de Paris que l'on m'y rafe la barbe à bon ef- «

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cient, mais j'efpere que Dieu la fera recroître plus peuplée que jamais, fi cela eft néceffaire pour fon fervice. Certes, je ne veux de réputation qu'autant qu'il en faut pour cela ; car pourvû que » Dieu foit fervi, qu'importe que ce foit par bonne » ou mauvaise renommée; par l'éclat ou le décri de notre réputation.

Mon Dieu, me difoit-il un jour; mais qu'est-ce que réputation, que tant de gens fe facrifient à cette idole?

Après tout, c'eft un fonge, une ombre, une opinion, une fumée, une loüange, dont la mémoire périt avec le fon; une eftime qui eft fouvent fi fauffe, que plufieurs admirent de fe voir loüés des vertus dont ils fçavent bien qu'ils ont les vices contraires, & blâmés de défauts qui ne font nullement en eux,

Ceux qui fe plaignent des médifances font bien délicats. C'est une petite croix de paroles, que l'air emporte. Ce mot, il m'a piqué, pour dire il m'a dit une injure, me déplaît ; car il y a bien de la différence entre le bourdonnement d'une abeille & fa piqueure. Il faut avoir l'oreille & la peau bien tendres, fi celle-là ne peut fouffrir le bruit d'une mouche, & fi celle-ci eft piquée de ce fifflement

Ceux-là confultoient la prudence de la chair, qui ont fabriqué ce proverbe: bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée, préferant la réputation aux richeffes. O que cela eft éloigné de l'esprit de la foi ! Y eut-il jamais réputation déchirée comme celle de Jefus-Chrift? De quelles injures n'a-t-il point été attaqué? De quelle calomnie n'a-t-il Philip 2.9. été chargé: Cependant le Pere lui a donné un nom pardeffus tout nom, & l'a élevé à proportion qu'il a été ab4. 5.41. baiffé. Et les Apôtres ne fortoient-ils pas joyeux des affemblées où ils avoient reçu des affronts pour le nom de Jefus.

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O! mais c'est une gloire de fouffrir pour un digne fujet. Je l'entens bien, nous ne voulons que des perfecutions illuftres, afin que notre lumiere éclate au milieu des ténebres, & que notre vanité brille parmi nos fouffrances; nous voudrions être crucifiés glorieufement. A votre avis, quand les Martyrs ont fouffert tant de cruels fupplices étoientils loués des fpectateurs : au contraire, n'en étoientils pas maudits & tenus en exécration ? & qu'il y a peu de gens qui veuillent facrifier leur réputation, pour avancer par ce facrifice la gloire de celui qui eft mort fi ignominieufement fur la Croix, pour nous mériter une gloire qui n'aura point de fin !

CHAPITRE IX.

De la pureté du divin Amour.

OUTES les actions, intentions & prétentions Tdece faint Prélat, n'avoient d'autre but

que la pureté du divin amour: auffi eft-ce le comble de toute la perfection du Chrétien, & en cette vie & en l'autre ; & quiconque la cherche autre part fe

trompe.

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En voici deux traits qui en font la preuve. Plaife,« difoit-il un jour dans une de fes lettres, à l'immen- « fe bonté de Dieu, que fon amour foit notre grand amour. Hélas! mais quand fera-ce qu'il nous con- « fumera, & quand confumera-t-il notre vie, pour " nous faire entierement mourir à nous-mêmes, &« entierement vivre à lui ? ô qu'à lui-feul foit à ja- « mais honneur, gloire & bénédiction.

Le second trait eft celui-ci, qu'il dit un jour en l'excès de fon efprit à une perfonne de confiance, de

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