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fain, ni vous auprès de lui quand il est malade. Si vous ne vous aimiez qu'en Dieu, vous ne feriez pas fujets à ces viciffitudes, votre amitié feroit toujours égale en abfence & en préfence, en maladie & en fanté. Demandez à Dieu cette grace avec inftance, autrement j'ai peu d'efperance de votre repos.

CHAPITRE XVII.

La résignation, pour être parfaite, doit embraffer la volonté de Dieu avec toutes fes circonftances.

E Bienheureux étant à Paris en l'année 1619. un

Seigneur de marque qui avoit accompagné les Princes de Savoye en leur voyage en cette ville, y tomba malade, & fi griévement, que les Médecins ne jugerent pas qu'il en dût réchapper.

Ce Seigneur defira en cet état d'être affifté de notre Bienheureux; il fupportoit la douleur de fa maladie avec affez de fermeté, & fe troubloit fur des choses qui n'en valloient pas la peine. Sur quoi le Bienheureux me dit: ô que la foibleffe humaine eft déplorable, cet homme eft tenu pour grand homme de guerre & d'Etat, & pour être fort judicieux ; cependant vous voyez à quelles bagatelles fon efprit s'amufe.

Il ne fe plaignoit pas tant d'être malade ni de mourir, que d'être malade & de mourir hors de fon pays & de fa maifon. Il regrettoit les regrets de fa femme, fon affiftance, la préfence de fes enfans, pour leur donner fa bénédiction. Tantôt il foupiroit après fon Médecin ordinaire, qui connoiffoit fa complexion depuis tant d'années. Il recommandoir foigneufement & avec de grandes inftances, qu'on

ne l'enterrât pas à Paris, que l'on reportât fon corps en fon pays pour être mis au nombre de fes Ancêtres, qu'on lui fit une épitaphe, qu'on le conduisît en tel appareil, qu'on fît les funérailles de telle façon.

Il fe plaignoit de l'air de Paris, de l'eau, des médicamens, des Médecins, des Chirurgiens, des Apoticaires, de fes valets, de fon logement, de fa chambre, de fon lit, de tout. Enfin il ne pouvoit mourir en paix, parce qu'il ne mouroit pas au lieu où il eût defiré de mourir.

Quand on lui difoit qu'il avoit toutes les affistances defirables, tant pour le corps que pour l'ame, que ceux dont il regrettoit l'abfence n'euffent fait par leur préfence qu'augmenter fon déplaifir, il avoit contre toutes les confolations qu'on lui pouvoit propofer, des reparties admirables, pour augmenter fon mal & aigrir fa peine, tant il étoit ingénieux à Le tourmenter.

Il mourut enfin parmi toutes ces perplexités, muni des Sacremens, & affez bien résigné à la volonté de Dieu. Là-deffus le Bienheureux me dit : ce n'eft pas affez de vouloir ce que Dieu veut, il faut le vouloir en la maniere qu'il le veut & felon toutes fes circonstances. Par exemple, en l'état de maladie il faut vouloir être malade, puifqu'ainfi il plaît à Dieu, & de telle maladie, non d'une autre, & en el lieu & en tel tems, parmi telles perfonnes que Dieu veut. Bref, il faut prendre loi en toutes chofes de la très-fainte volonté de Dieu.

O, que bienheureux eft celui qui peut dire à r. 10. 21. Dieu du fond du cœur : Oui, Seigneur, tout ce qui Pf. 125. 16. vous plaira, & comme il yous plaira ! Je fuis votre P. 118. 94. ferviteur & le fils de votre fervante, je fuis à vous, Pf. 25.9. fauvez-moiɔ ne perdez pas mon ame avec les méchans, »

& ne rejettez point l'ouvrage de vos mains. Voilà la le- P/al. 137. & çon que j'appris en cette occafion.

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De l'abondance des confolations du
Bienheureux.

I vous fçaviez, difoit-il un jour à une perfonne de confiance, comme Dieu traite mon cœur, vous en remercieriez fa bonté, & le fupplieriez qu'il me donnât l'efprit de confeil & de force, pour exécuter les infpirations de fageffe & d'intelligence qu'il me donne.

Il m'a dit affez fouvent la même chofe, quoiqu'en d'autres termes. Hélas! me difoit-il quelquefois : Que le Dieu d'Ifraël eft bon à ceux qui font droits de Pfal. 72. E cœur, puifqu'il l'eft à ceux qui en ont un fi mifé

rable, comme eft le mien, fi peu attentif à ses gra

ces,

& fi courbé vers la terre! O que fon efprit eft Thren. 3. 29i doux aux ames qui l'aiment, & qui le recherchent de

tout leur pouvoir ! Certes, fon nom est un baume épan Cant. 1. Le ché ! Il ne faut pas s'étonner fi tant de bons courages le fuivent avec tant de dévotion, c'est-à-dire, courent avec tant de promptitude & de joye en v. 3. l'odeur de fes parfums. O que l'onction de Dieu 1.Joan. 2.27. nous apprend de grandes chofes, & avec des clartés fi douces, que l'on a de la peine à difcerner, fi la douceur eft plus agréable que la clarté, ou la clarté plus aimable que la douceur.

Mon Dieu ! Mais je tremble quelquefois de la peur que j'ai que Dieu ne me donne mon Paradis dès ce monde: Je ne fçai proprement ce que c'eft que l'adverfité. Je ne vis jamais le vifage de la pauvreté. Les douleurs que j'ai reffenties ne font que des

égratigneures, qui n'ont fait qu'effleurer la peau. Les calomnies font des croix de vent, dont la mémoire périt avec le fon. C'eft peu que la privation des maux ; mais de biens, & temporels, & fpirituels j'en regorge, & j'en ai deffus les yeux, & au milieu de tout cela je demeure infenfible dans mes ingratitudes. Hé! de grace, aidez-moi quelquefois à remercier Dieu, & à le prier que je ne mange pas mon pain blanc le premier.

par

Il connoît bien ma peine & ma foibleffe, de me traiter ainfi en enfant, & de me donner avec la dragée du lait, fans viande plus folide. Quand me ferat-il la grace, après avoir tant refpiré fes faveurs de foupirer un peu fous la croix, puifque pour régner .Tim. 2.2. avec lui, il faut fouffrir avec lui.

Certes il faut, ou l'aimer, ou mourir, ou plûtôt il faut mourir pour l'aimer, c'est-à-dire, mourir à tout autre amour, pour ne vivre que du fien, & ne vivre que pour celui qui eft mort, pour nous faire vivre éternellement entre les bras de fa bonté. >>Q, que c'eft une bonne chofe de ne vivre qu'en »Dieu, ne travailler qu'en Dieu, në fe réjoüit » qu'en Dieu !

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»Déformais moyennant la grace de Dieu je ne "veux plus être à perfonne, ni que perfonne me » foit rien, finon en Dieu & pour Dieu feul. J'efpe»re d'accomplir cela après que je me ferai brave»ment humilié devant lui. Vive Dieu, il me fem»ble que tout ne m'eft plus rien qu'en Dieu, auquel » maintenant, & pour lequel j'aime plus tendre

ment les ames.

"Hé! quand fera-ce que cet amour naturel du fang, » des contenances, des bienféances, des correfpondances, des fympaties, & des graces fera purifié, & réduit à la parfaite obéiffance de l'amour tout

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c

pur, du bon plaifir de Dieu? Quand fera-ce que cet « amour propre ne défirera plus les préfences, les « témoignages, & les fignifications extérieures ; mais « demeurera pleinement affouvi de l'invariable & « immuable affurance que Dieu lui donne de fa per-« petuité! Que peut ajouter la préfence à un amour « que Dieu a fait, qu'il foutient, & maintient? Quel-« les marques peut-on exiger de perfevérance en une « unité que Dieu a créée ? La préfence & la distance « n'apporteront jamais rien à la folidité d'un amour « Dieu a lui-même formé.

que

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Je vous avoue que mon cœur en entendant toutes ces paroles de la bouche de notre Bienheureux en étoit tout embrafé à l'imitation des Difciples d'Emmaüs ; car n'étoit-ce pas me jetter des charbons ardens au vifage. O, quand fera-ce que nous aimerons dans le Ciel invariablement, & fans intermiffion, celui qui nous a aimés d'une charité éternelle, & qui nous a attirés à fon amour ayant pitié de nous.

I

CHAPITRE XIX.

Du calme dans l'orage.

pas

L eft aifé de conduire un vaiffeau quand la mer eft tranquille & le vent favorable : mais fi aifé parmi les tourbillons & les tempêtes. C'eft ici où paroît l'habileté du Pilote. Les efprits vulgaires vivent bien quand tour fuccede à leur gré, mais parmi les contradictions c'eft où le montre la vraie

vertu.

Plus notre Bienheureux étoit traversé plus il étoit tranquille, & comme la palme plu il étoit battu des vents, plus profondes jettoit-il fes racines.

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