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vous tinffent pour patient en vous entendant plaindre, comme fi le grand effet de la patience étoit de ne se vanger pas, & non de ne fe plaindre point.

Au refte, vous avez ce me femble grand tort, d'invoquer un fi grand génie que celui de la patience, fur l'outrage dont vous vous plaignez : c'eft un trop grand fecond pour un fi petit duel, ce feroit bien affez qu'un peu de modeftie & de filence vînt à

votre aide.

Il me renvoya comme cela avec ma courte hon- a. 30. išr te, mais fi fortifié de mon terraffement, qu'il me fembloit au fortir de là que tous les affronts du monde ne m'euffent pas arraché une parole de la bouche.

Il répete la même chofe dans une de fes Lettres. Rien, dit-il, ne nous peut donner une plus gran- « de tranquillité en ce monde que la fréquente confidération des afflictions, néceffités, mépris, ca- « lomnies, injures & abjections qui furvinrent à No-« tre-Seigneur, depuis fa naiffance jufqu'à fa dou- « loureufe mort. Au regard de tant d'amertumes, «< n'avons-nous pas tort d'appeller adverfités, pei- « nes & offenfes, les menus accidens qui nous arri-«< vent; n'avons-nous pas, dis-je, honte de lui de-a mander de fa patience pour fi peu de chofe que ce-a la? Vû qu'une feule petite goute de modestie fuffit « pour paisiblement fupporter les affronts que nous«< prétendons nous être faits «.

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CHAPITRE II.

Des bonnes inclinations.

I vous ayez, dit notre Bienheureux, de bonnes inclinations naturelles, fouvenez-vous que " ce font des biens, du maniement defquels il vous » faudra rendre compte. Ayez donc bien foin de les bien employer au fervice de celui qui vous les a donnés. Plantez fur ces fauvageons les greffes de l'éternelle dilection, que Dieu est prêt de vous donner, fi par une parfaite abnégation de vous❤ même vous vous difpofez à les recevoir.

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Il y a des perfonnes, qui naturellement font enclines & portées à certaines vertus, comme à la fobriété, modeftie, charité, humilité, patience, taciturnité, & semblables, dans lesquelles, pour peu qu'elles les cultivent, elles font un fignalé progrès.

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Les Philofophes payens fe font rendus illuftres en la pratique de plufieurs vertus morales, l'acquifition defquelles étant dans l'étenduë de nos forces naturelles, il eft en notre pouvoir de nous avancer dans ces habitudes, felon que nous les exerçons par des actes fréquemment réïterés.

Et comme à l'apprentiffage de certains arts fert de beaucoup la difpofition du corps, auffi pour faire progrès dans les vertus acquifes & morales, donne un grand avantage la difpofition de l'efprit; mais Matt. 16. 16. de quoi ferviroit à un Chrétien l'acquifition de toutes les vertus morales s'il vient à perdre fon ame, c'est-à-dire, fi toutes ces vertus ne font animées & vivifiées par la grace & la charité; tout cela, dit l'Apôtre, ne fert de rien pour le Ciel,

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CHAPITRE III.

peut être dévot & fort méchant.

E vous y trompez pas, me difoit-il une fois, on peut être fort dévot & fort méchant. Ceux-là, lui dis-je, ne font pas dévots, mais hypocrites.

Non, non, reprit-il, je parle de la vraie dévotion. Comme je ne pouvois développer cette énigme, je le fuppliai de me l'expliquer.

La dévotion de foi & de fa nature, me dit-il, n'est qu'une vertu morale & acquife, non divine & infufe; autrement elle feroit theologale, ce qui n'est

pas.

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C'est donc une vertu fubordonnée à celle qu'on S. Thom. i. ài appelle Religion; & comme difent quelques-uns, 9.81. ce n'eft qu'un de fes actes, comme la Religion eft une vertu fubordonnée à celle des quatre vertus Cardinales, qu'on appelle Juftice.

Or, vous fçavez que toutes les vertus morales, & même la foi & l'efperance, qui font des vertus Théologales, font compatibles avec le péché mortel, & alors elles font toutes informes & mortes, lorfqu'elles font privées de la charité, qui eft leur forme, leur ame & leur vie.

Que fi on peut avoir la foi jufqu'au point de tranfporter les montagnes fans avoir la charité ; fi on peut être vrai Prophete & méchant homme, com- i. Cor. 136 me ont êté Saúl, Balaam & Caïphe; fi l'on peut faire des miracles, comme l'on tient que Judas en a fait, & être méchant comme lui; fi l'on peut donner rous fes biens aux pauvres & fouffrir le martyre du

feu, fans avoir la charité, beaucoup plus aisément pourra-t-on être dévot & fort dévot, & méchant & fort méchant, puifque la dévotion est une vertu de fa nature moins eftimée que celles

de marquer.

que nous venons

Vous ne devez donc point trouver étrange, fi je vous ai dit que l'on peut être fort dévot & fort méchant, puifque l'on peut avoir la foi, la miféricorde, la patience & la constance jusqu'aux degrés que j'ai marqués, & être avec cela attaqué & gâté de plufieurs vices capitaux, comme de l'orgueil, de l'envie, de la haine, de l'intempérance & autres

femblables.

Quel eft donc le vrai dévot, lui dis-je ?

Il reprit: Je vous dis qu'avec ces vices on peut être vrai dévot & avoir la vraie dévotion, quoique

morte.

Je repartis: la dévotion morte eft-elle une vraie dévotion ?

Oui, vraie, comme un corps mort eft vrai corps, quoiqu'il foit privé de son ame.

Mais, lui dis-je, ce vrai corps n'est pas un vrai

homme.

le

Ce n'eft pas, répondit-il, un vrai homme entier & parfait, mais c'eft le vrai corps d'un homme & corps d'un vrai homme, mais mort; ainfi la dévotion fans la charité, eft une vraie dévotion, mais morte. Elle est vraie dévotion morte & informe, mais non pas vraie dévotion vivante & formée.

Par la charité l'homme eft bon, & par la dévotion dévot. Perdant la charité, il perd la premiere qualité, pour prendre celle de mauvais, & non pas la feconde; c'eft pourquoi je vous ai dit que l'on pouvoit être dévot & méchant, d'autant que par le péché mortel on ne perd pas toutes les habitudes

acquises, ni même la foi & l'efperance, fi ce n'eft par les actes formés d'infidelité & de désespoir. Notre Bienheureux enfeigne la même chose dans le premier Chapitre de l'introduction.

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CHAPITRE IV.

De la dévotion & de la vacation.

'UNE des grandes maximes de notre Bienheureux étoit que la dévotion, qui non-feulement contrevenoit, mais qui n'étoit pas conforme à la légitime vacation d'un chacun, étoit fans doute une fauffe dévotion. Il alloit plus loin, & prétendoit qu'elle étoit convenable à toute vacation, & qu'elle étoit comme la liqueur qui prend la forme du vase où elle est mise.

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Mais qu'eft ce qu'être dévot en fa vacation? C'eft faire tous les devoirs & offices aufquels nous fommes obligés par notre condition avec ferveur, activité & allégreffe, pour l'honneur & l'amour de Dieu & avec rapport à fa gloire. Ce culte regarde l'acte de Religion; cette vivacité & promptitude, & cer amour de la dévotion, la charité. Àgir ainfi, c'est être parfaitement dévot en fa vacation, & fervir Dieu par amour en la maniere qu'il defire. C'eft être felon fon cœur, & marcher felon fes volontés.

S. Thomas, après S. Auguftin, marque trois 2. 2. q. 24. claffes de ceux qui font en la dévotion qui eft animée art. 9.. de la charité, les commençans, les profitans & les parfaits.

Les premiers font ceux qui s'abftiennent du péché, repouffent les tentations & pratiquent les mortifications interieures & exterieures, & les

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