페이지 이미지
PDF
ePub

:

étoit de regarder le Sauveur mourant comme un
infâme fur la croix au milieu de deux voleurs. C'eft-
là, difoit-il, le ferpent d'airain & fans venin, & Num. 21. 9.
dont les regards nous guériffent de la morfure & des
atteintes de la calomnie. Devant ce grand exemple
de fouffrance nous aurons honte de nous plaindre,
& beaucoup plus d'avoir du reffentiment contre les
calomniateurs. Mais fi en ne fe difant rien & en
fouffrant patiemment, quelqu'un fe fcandalife?

L'on répond à cela qu'après avoir oppofé paifiblement la verité à la calomnie, on peut demeurer en repos, & fçavoir qu'il y a bien de la différence entre le fcandale actif & paffif. C'eft le propre des. méchans de donner celui-là, & des foibles de prendre celui-ci. Les méchans donnent le premier par une conduite scandaleufe, & les plus gens de bien peuvent donner le fecond fans qu'il y ait de leur faute, par des crimes qui leur font fauffement impu-' tés. Ainfi Notre-Seigneur eft appellé pierre de fcandale, & lui-même difoit à fes Difciples, qu'ils fe- 1. Petr. 2. 82 roient fcandalifés en lui la nuit de fa paffion.

Matt, 26.31.

Notre-Seigneur a dit auffi à fes Apôtres, vous fe- Matt. §. 11. rez bien heureux quand les hommes médiront de vous & vous chargeront fauffement de toute forte de crimes, & que vous fouffrirez tout cela pour l'amour de moi. Réjouiffez-vous & treffaillez de joie, parce que votre récompenfe fera grande dans le Ciel.

Ce n'eft pas dire que nous ne puiffions avoir recours à la priere, pour demander à Dieu qu'il détourne ce fléau de nous. Ainfi David le prioit qu'il Pfal. 119. 2. délivrât fon ame des lévrés injuftes, des langues trompeufes & de la calomnie des hommes; & qu'il

ôtât de lui l'opprobre & le mépris, afin qu'il gardât al, 118, 21. fes préceptes avec plus de facilité.

[ocr errors]

Quiconque peut garder la paix du cœur dans

Philot, part. 3.ch.26.

l'orage des calomnies, a fait un grand progrès dans le chemin de la perfection.

CHAPITRE V.

Comment il faut parler de Dieu.

E Bienheureux difoit à ce fujet : Il ne faut jamais parler de Dieu ni des chofes qui regardent fon culte, c'est-à-dire, la religion, tellement quellement, & par maniere de devis & d'entretien, mais toujours avec un grand refpect, une grande eftime, & un grand fentiment.

Il difoit encore: Parlez toujours de Dieu comme de Dieu, c'est-à-dire, avec révérence & piété, non pas faifant la fuffifante & la prêcheufe, mais avec efprit de douceur, de charité & d'humilité.

Le premier avis regarde ceux qui parlent des chofes de la religion comme de tout autre fujet d'entretien & de converfation, fans avoir égard au tems, au lieu & aux perfonnes, & fans aucun autre deffein que de devifer & de paffer le tems: mifere dont se plaignoit S. Jerôme de fon tems, difant que tous les arts & toutes les fciences avoient leurs experts, à qui feuls il appartenoit d'en parler en maîtres; qu'il n'y avoit que l'Ecriture-Sainte & la Théologie qui eft la racine des sciences, qui étoit fi indignement traitée, que l'on en décidoit à table, non-feulement dans les maifons particulieres, mais même dans les cabarets, le jeune éventé, l'artifan ignorant, let vieillard fans raifon, toute forte de perfonnes du vulgaire fe voulant mêler de dire leur avis fur les myfteres les plus relevés de la foi.

Le fecond avis eft pour ceux & celles qui dans les

converfations veulent faire les doctes & paffer pour perfonnes fort entendues en la piété & en la parole myftique, foutenant leurs opinions avec chaleur, dépit, aigreur, chagrin, opiniâtreté, orgueil, faifant plus de bruit que ceux qui ont meilleure raifon qu'eux, mais non pas fi forte tête ni fi forte voix ; comme fi de crier bien haut ajoutoit quelque chofe à la folidité d'un raifonnement.

C'est pourquoi le Bienheureux concluoit en difant: ne parlez donc jamais de Dieu, ni de la dévotion par maniere d'acquit & d'entretien, mais toujours avec attention & dévotion, ce que je dis pour vous ôter une remarquable vanité qui fe trouve en plufieurs qui font profeffion de dévotion, lefquels à tout propos difent des paroles faintes & ferventes par maniere de devis & fans y penfer nullement ; & après les avoir dites, il leur femble être tels paroles témoignent, ce qui n'eft pas.

[blocks in formation]

que les

UAND en compagnie il entendoit que l'on fe

Qmocquoit de quelqu'un, il témoignoit par fa

contenance que le difcours lui déplaifoit, il en mettoit un autre fur le tapis pour le détourner ; & quand il ne pouvoit réüffir par ce moyen, il fe levoit & difoit, c'eft trop fouler le bon-homme, ce n'eft plus vivre à difcretion, mais c'eft en paffer les bornes. Qui nous donne droit de nous entretenir ainfi aux dépens d'autrui. Voudrions-nous bien qu'on nous traitât de la forte, & que l'on fît l'anatomie de nos miferes avec le rafoir de la langue ; fupporter le pro

Philot. pars. 3.4.47.

chain & fes imperfections, c'eft une grande imperfection, & une grande imperfection que dè les découper ainfi par la mocquerie.

دو

Il dit à ce fujet que c'eft une des plus mauvaises "conditions qu'un efprit peut avoir que d'être mocqueur, que Dieu hait extrêmement ce vice »& en fait d'étranges punitions.

Un jour une Demoifelle fe divertiffoit en fa préfence d'une autre qui n'étoit pas belle, & fe mocquoit de quelques défauts naturels, avec lefquels elle étoit venue au monde; & après lui avoir dit modeftement que c'étoit Dieu qui nous avoit faits, Penter, 32.4.& non pas nous mêmes, & que les œuvres de Dieu

Pfal. 99. 3.

étoient parfaites. L'autre fe mocquant encore davantage de ce qu'il avoit dit que les œuvres de Diea étoient parfaites: croyez-moi, lui dit-il, elle eft en l'ame plus droite, plus belle & mieux faite, & contentez-vous que je le fçai bien, & la fit ainsi taire.

Une autre fois on fe rioit devant lui d'un homme abfent qui avoit la taille toute gâtée, étant boffu devant & derriere ; il prit auffi-tôt fa défenfe, & allégua le même mot de l'Ecriture, que les œuvres de Dieu étoient parfaites; comment parfaites, dit l'autre, en une taille fi imparfaite à Le Bienheureux reprit de fort bonne grace, hé ! penfez-vous qu'il n'y ait pas de parfaits boffus, auffi-bien que des perfonnes parfaitement droites. Comme on le vouloit faire expliquer de quelle perfection il entendoir parler, de l'interieure ou de l'exterieure: fuffit, dit-il que ce que j'ai dit eft vrai, parlons de quelque chofe de meilleur.

[ocr errors]

CHAPITRE VII.

Ne juger autrui.

ne voit le dehors, & Dieu feul 1. Reg. 16.

que

L'le dedans. Il n'appartient qu'à lui feul de fonder

les cœurs, & de connoître les penfées, Notre Bienheureux difoit à ce propos que l'ame du prochain étoit l'arbre de la fcience du bien & du mal, auquel il est défendu de toucher fous peine d'être châtié, parce que Dieu s'en eft refervé le jugement.

Le Bienheureux remarquoit une inégalité d'efprit fort ordinaire parmi les hommes, portés natu rellement à juger ce qu'ils ne connoiffent pas, qui eft l'intérieur d'autrui, & qui fuient de juger ce qu'ils connoiffent, ou du moins ce qu'ils doivent connoître, qui eft leur intérieur. Le premier leur eft défendu, & le fecond leur eft ordonné.

7.

1.Paral.28.9.

En cela ils font femblables à cette femme, la- .' quelle ayant toujours fait durant la vie tout le contraire de ce que fon mari lui commandoit, s'étant noyée dans une riviere: fon mari étant repris de ce qu'il cherchoit fon corps contre le fil de l'eau; estimez-vous, dit-il, dit-il, que la mort lui ait fait perdre fon efprit de contradiction.

On demande s'il eft défendu d'avoir des foupçons fondés fur de bonnes & fortes conjectures? On répond que non, parce que foupçonner n'eft pas juger, mais feulement un acheminement à juger. Mais il faut bien prendre garde à ne fe pas laiffer furprendre par de faux indices, & là-deffus précipiter fon jugement, & c'est ici l'écueil, où tant de gens font naufrage dans le jugement temeraire.

« 이전계속 »