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Philot.part.3. cb. 28.

Pour éviter ce défordre notre Bienheureux donnoit une excellente régle, qui eft, que fi une action pouvoit avoir cent vifages, on la regardât toujours par celui qui eft le plus beau. Si on ne peut excufer une action, on peut l'adoucir, en excufant l'intention: fi même on ne peut excufer l'intention, il faut accufer la violence de la tentation, ou la rejetter fur l'ignorance ou fur la furprise, ou fur la foibleffe humaine, pour tâcher d'en diminuer au moins le fcandale.

Enfin ceux qui ont bien foin de leurs confciences, dit notre Bienheureux, tombent rarement en des jugemens téméraires. C'est le fait d'une ame oifive, & qui n'eft gueres occupée en elle-même, de s'arrêter à éplucher les actions d'autrui. Ce que dit excellemment un Ancien, que le genre d'hommes qui eft curieux à s'enquerit de la vie des autres, eft fort négligent à corriger fes propres défauts.

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OTRE Bienheureux avoit coutume de dire que qui ôteroit la médifance du monde, en ôteroit une grande partie des péchés, & avec raison; car tous les péchés fe rapportant à ceux de pensée, de parole & d'action, les plus frequens, & quelquefois les plus dangereux font ceux de parole, pour plufieurs raifons.

La premiere, que les péchés de penfée ne font nuifibles qu'à celui qui les commet, & ne donnentà autrui ni scandale, ni fâcherie, ni mauvais exemple, Dieufeul les connoiffant, & en étant of

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fenfé; & puis un retour vers Dieu par une amoureuse repentance les efface: mais ceux de parole paffent plus avant; car le mot lâché ne peut être rappellé que par une humble rétractation: & cependant le cœur du prochain en demeure infecté, & empoifonné par l'oreille.

La feconde, que les péchés d'action quand ils font notables, font fujets à la punition publique ; mais la médisance, fi elle n'eft extrêmement atroce & infamante n'y eft point fujette, ce qui fait que tant de perfonnes tombent dans ce péché.

La troifiéme, eft le peu de reftitution & de réparation que l'on en fait ; ceux qui conduifent les ames étant trop indulgens, pour ne pas dire lâches fur cet article.

I

CHAPITRE IX.

Des Equivoques.

Lavoit en horreur la doctrine des équivoques, & difoit quelquefois que par cet artifice on tâchoit de canonifer le menfonge. Il n'y a nulle fi bonne & désirable fineffe, difoit-il, que la fimplicité. Les prudences mondaines, & les artifices charnels, appartiennent aux enfans de ce fiécle, mais les enfans de Dieu marchent fans détours, & ont le cœur fans replis. Qui marche fimplement, dit le Sage, marche confidemment. Le menfonge, la duplicité, la fimulation, témoigneront toûjours un efprit foible & bas.

Prov. 10.9.

Si la bouche qui ment, dit le Sage, tuë l'ame, que ne fera point la langue trompeufe, qui parle en Pf. 11. ^3.

un cœur, & un cœur.

Il disoit, de cette doctrine fabriquée dans la bou

1.

Matt. 23.15. tique du pere de menfonge, ce que Notre-Seigneur difoie des Scribes & des Pharifiens, qui couroient les mers pour faire un profelite, & le rendoient enfuite beaucoup plus mauvais qu'eux; car ceux qui penfent fauver la vérité par cet artifice, la tuent & fuffoquent doublement; puifque rien n'outrage tant la vérité & la fimplicité, comme fait la duplicité ; & y a-t-il rien de plus double qu'un équivoque, dit notre Bienheureux ?

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V. Philothée part. 3, ch. 30.

CHAPITRE X.

Ne contredire perfonne fans raison.

I humaine que ceux qui font opiniâtres, tétus &
L n'y a point d'efprits plus ennemis de la focieté

fujets à contredire les autres : ce font les peftes des
converfations, le fleau des compagnies, & des
femeurs de querelles. Les efprits doux au contraire,
condefcendans & fléxibles, pliables & traitables,
qui cédent aifément, font des charmes vivans qui
attirent & gagnent tout le monde.

Notre Bienheureux loüoit beaucoup l'avis de S. Louis qui étoit de ne contredire jamais perfonne, finon qu'il y eût du péché ou un dommage notable à ne le pas faire. Ĉe faint Roi ne difoit pas cela par prudence humaine de laquelle il étoit ennemi, ni felon la maxime de cet Empereur Payen, qu'il ne falloit que perfonne fe retirât mal content de devant le Prince: mais par un fentiment vraiment chrétien, pour éviter tout débat & toute contesta1.Cor. 12.20. tion felon le confeil de l'Apôtre, qui veut que l'on les fuye avec foin.

3.

Philip. 2.

Mais ne fera-ce point une connivence, & par

:

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conféquent une participation à l'erreur ou au péché d'autrui, fi on ne s'y oppofe pas le pouvant faire ? » Voici la réponse de notre Bienheureux. Quand »il importe, dit-il, de contredire quelqu'un, & "d'oppofer fon opinion à celle d'autrui, il faut user de grande douceur & dextérité, fans vouloir violenter l'efprit de perfonne, car auffi bien ne ga"gne-t-on rien prenant les chofes âprement.

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Quand vous défefperez un cheval à force de le tourmenter, s'il a de la fougue, il prendra le mords aux dents, & emportera le cavalier malgré qu'il en ait, où il voudra lui lâche-t-il la bride, ceffe-t-il de le battre & de le piquer il s'arrête, & ferend traitable.

Il en eft de même de l'efprit humain : fi vous le preffez, vous l'opprimez: fi vous l'opprimez vous le cabrez? fi vous le cabrez vous le boulleverfez tout-à-fait ; il peut être perfuadé, non pas contraint: le contraindre, c'est le revolter; la douceur eft-elle arrivée, dit le Prophête, le voila corrigé, Pfal. 89. 1ơn & il fe rend.

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Ly a des perfonnes qui font taciturnes de leur naturel, d'autres par orgueil, d'autres par ftupi dité, & d'autres par chagrin. Il y en a fort peu qui le foient par vertu, c'est-à-dire, par jugement, & modération.

On parloit un jour devant notre Bienheureux. d'un certain perfonnage qui vouloit paffer pour un grand-homme à force de fe taire. Si cela eft,dit notre Bienheureux, il a trouvé le fecret pour acquerir de

la réputation à bon marché; & puis s'étant un peu tu, il reprit, il n'y a rien qui reffemble tant à un homme fage, qu'un fou, quand il se taît.

Ce n'eft pas fageffe de ne dire mot, mais c'eft fageffe de parler quand il faut, & comme il faut, & de fe taire auffi en tems & lieu.

Afin la taciturnité foit une vertu,

que

il faut que

comme toutes les autres, elle confifte en une certaine médiocrité, & qu'elle évite les deux extrêmités.

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IL y en a qui à vive force, & par le fecours de

la grace arrachent de leur cœur le péché de la haine qu'ils avoient conçue contre ceux qui les avoient offensés; mais de même qu'après que l'on a coupé un arbre par le pied, les racines ne laiffent pas de demeurer en terre, & qu'il faut du tems pour les arracher, auffi à la haine fuccede l'averfion, d'autant plus mal-aifé à détruire qu'elle paroît moins blâmable que l'autre.

On fçait bien qu'il faut pardonner à fon ennemi, quelque grand outrage qu'il nous ait fait, fi nous voulons que Dieu nous pardonne, & c'est ce que nous demandons tous les jours au Pere célefte dans l'oraifon que fon Fils Notre-Seigneur nous a dictée de fa propre bouche; mais comme enfuite d'une furieufe tempête, après que les vents ont ceffé, les flots de la mer ne laiffent pas d'être émus quelque-tems après; auffi après que pour l'amour de Dieu l'on a renoncé à la haine que l'on portoit à fon ennemi, il y en a qui pensent faire beaucoup de

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