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I. Cer. 13.

CHAPITRE VIII.

L'amour donne le prix à nos œuvres.

OTRE Bienheureux fe tenoit invariablement

Na cette régle de vérité, que l'amour de Dieu

étoit notre poids, & que plus il y en avoit dans nos œuvres, plus elles étoient de prix. Il n'en eft pas de nos actions comme d'une pièce d'or dont les plus pefantes font les plus précieuses; mais plûtôt comme de la flamme, dont la plus pure, eft la plus éloignée de la matiere.

Il y en a qui ne mefurent la bonté & l'excellence des actions de vertu, que par leur excellence naturelle, ou leur difficulté, & qui ne chériffent que les vertus d'éclat & de montre, fans confiderer qu'en fait de vertus chrétiennes & infufes, il ne faut pas prendre leur mesure du côté de la nature, mais de la grace.

Il eft vrai que quant à la gloire que l'on appelle accidentelle, la dignité ou difficulté de l'action bonne, faite en grace, eft de quelque confidération : mais quant à la gloire effentielle, toute la mesure se tire de la charité.

Comme on trouvoit à redire à la Congrégation que notre Bienheureux venoit d'inftituer, la trouvant trop douce & trop commode; il ne répondit autre chofe,finon que qui plus aimera fera plus aimé, & qui fera plus aimé fera plus glorifié ; & encore, le prix eft donné à l'amour. Ceci eft bien conforme à la doctrine du S. Efprit, dictée au S. Apôtre, qui n'eftíme rien, ni la foi, ni l'aumône, ni le martyre même du feu, fans la charité. C'eft-là le lien de la perfection, fans lequel toutes les vertus font im

parfaites, & incapables de nous introduire en la

gloire.

CHAPITRE I X.

Patience notable.

un homme de condition vint lui de

Umander un Bénéfice pour un Eccléfiaftique

qu'il favorifoit.

Le Bienheureux lui répondit que pour la collation des bénéfices il s'étoit volontairement lié les mains, les ayant tous remis au concours, & qu'il n'avoit fa feule voix entre les Juges, quoiqu'il fût le Préfident, lui promettant d'avoir égard à fa recommandation, au cas que celui qu'il propofoit fe préfentât parmi les autres à l'examen.

que

Ce Seigneur, d'humeur brufque & prompte, s'imagina que c'étoit une défaite, & accufa notre Bienheureux de duplicité, même d'hypocrifie ; & comme la colere ne fçait point garder de médiocrité, mais paffe les bornes comme un torrent qui fe déborde lorfqu'il rencontre quelque opposition, en vint aux menaces contre le Bienheureux.

Notre Saint n'ayant rien de meilleur que le filence pour répondre à ces menaces, demeuroit ferme comme un rocher battu des vagues qui fe brifent contre lui, & ne font que le blanchir de leur écume.

S'il lui difoit quelque parole de douceur pour l'appaifer, il lui répondoit que de tels difcours étoient bons à endormir des femmelettes, qu'il ne fe paiffoit pas de boüillie.

Il le pria d'agréer qu'il examinât en particulier le Prêtre qu'il lui recommandoit ; mais l'Éccléfiaftique

qui avoit peu de capacité n'y voulut point entendre. Quoi, dit le Bienheureux au Gentilhomme, est-ce donc à yeux bandés que vous voulez que je lui commette le foin des ames dont je fuis chargé. Voyez, Monfieur, s'il y a de la juftice en ce procedé. Ce Seigneur fe mit à crier plus haut & à vomir des injures contre le Bienheureux, dont je ne veux point noircir ce papier.

Un Eccléfiaftique de grande vertu qui fe trouva préfent, lui demanda, quand l'autre le fut retiré, comment il avoit pû fouffrir toutes ces indignités fans feulement s'émouvoir.

Voyez-vous, reprit le Bienheureux, ce n'étoit pas lui qui parloit, c'étoit la paffion. Hors de là il eft de mes meilleurs amis, & vous verrez que mon filence fera caufe que je ferai encore plus avant dans ses bonnes graces.

Et puis relevant fa penfée plus haut. Hé! ne voyezvous pas que Dieu a vû de toute éternité qu'il me feroit la grace d'endurer joyeusement cet opprobre? Ce calice qui nous vient de la main d'un fi bon pere, Pfal. 22. 5. ne voulez-vous pas que je le boive? O! que ce calice qui a la force d'enyvrer, m'eft agréable, venant d'une telle main, laquelle j'ai appris à adorer dès mon enfance.

Jean. 11. 51.

Mais, lui dit cet Eccléfiaftique, avez-vous été tout-à-fait fans sentiment ?

J'ai ufé de diverfion, reprit le Saint, car je me fuis mis à penfer aux bonnes qualités du perfonnage, duquel j'ai autrefois favouré l'amitié avec tant de douceur, & j'efpere, quand cette humeur fera paffée & ces brouillards diffipés, que le jour reviendra, & qu'il me verra avec férénité.

Comme il étoit Pontife cette année-là, il prophé tifa; car ce Gentilhomme étant revenu à lui, &

faifant réflexion fur fon emportement & fur les termes indifcrets dont fa colere avoit indignement traité le faint Evêque, il en conçut un tel déplaifir qu'il le vint trouver, & les larmes aux yeux lui en témoigna tant de regret, que le Bienheureux eut bien de la peine, non à lui pardonner, mais à le confoler, & depuis il en fut aimé au double.

CHAPITRE X.

Sa Béatitude favorite.

N lui demanda un jour laquelle des huit béatitudes lui fembloit la plus excellente, & étoit, le plus de fon goût. Celui qui lui fit cette demande eftimoit, comme il a dit depuis, qu'il choifiroit la feconde, qui eft celle de la douceur.

Mais il répondit que c'étoit la huitiéme : Bienheureux font ceux qui fouffrent perfécution pour la justice.

Rom. 8.29.

Et comme on lui demanda la raifon de ce choix il dit, parce que la vie de ceux qui font perfécutés pour la juftice eft toute cachée en Dieu avec Jefus- Coloff. 3. 3. Chrift, & rendue conforme à fon image, parce que ce divin Sauveur a été toute fa vie perfécuté pour la justice, laquelle néanmoins il accompliffoit de toute façon. Ceux-là, ajoute-t-il, font cachés dans le fe- Pfal. 30. 21. cret du vifage de Dieu. Ils paroiffent méchans & ils font bons; morts, & ils font vivans; pauvres, & ils font riches; fous, & ils font fages; enfin ils font en mépris devant les hommes & en bénédiction devant Dieu, à qui ils font odeur de vie à la vie.

Surquoi il fit ce fouhait digne de fa charité. Si la grace de Dieu avoit mis quelque juftice en moi, & qu'elle eût operé quelque bien en moi &

par

moi,

je fouhaiterois qu'au jour du jugement, lorfque feront manifeftés les fecrets des cœurs, il n'y eût que Dieu feul qui fçût ma juftice, & que toutes les créatures connuffent mes injuftices.

O que vous êtes admirable dans les ames que vous rempliffez de votre grace, & que les inventions du faint amour font merveilleufes!

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AINT Bernard avoit le don de faire des miracles

,

la

Savec un tel avantage qu'il fembloit toute que nature lui obéît; & lorfque le monde lui applaudiffoit & lui donnoit des louanges à caufe de cette grace, il pleuroit amerement; & lorfqu'on lui demandoit la caufe de fes larmes : Voyez-vous, répondoitMatt. 7. 22. il, je lis dans l'Ecriture que plufieurs de ceux qui auront fait des miracles au nom de Dieu feront réprouPfal. 33. 19. vés, tandis que les humbles d'efprit feront fauvés; & parce que ce don expofe ceux qui en font favorifés aux acclamations des peuples, & par conféquent aux tentations de la vaine gloire, ennemie de l'humilité du cœur ; c'eft pour cela que je pleure de me voir dans un tel péril.

Notre Bienheureux participoit à l'efprit de ce grand Saint, auquel il avoit une dévotion particuliere; car voyant qu'on lui amenoit des malades de divers lieux & des poffedés, afin qu'il les touchât & priât pour eux, & que fouvent il en arrivoit des guérifons extraordinaires; & connoiffant en même-tems la grande eftime de fainteté dans laquelle il étoit, il foupiroit quelquefois, & difoit que cette réputation de fainteté lui feroit un jour cherement venduë,

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