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parce qu'on le laifferoit long-tems en Purgatoire, faute de prier pour lui, fur l'opinion que l'on auroit qu'il feroit en Paradis.

I

CHAPITRE X 1 I.

Il ne fe refufoit à personne.

L pratiquoit à la lettre cet avis facré : Donnez à Luc. 6. 30. quiconque vous demandera ; & cet autre : Rompez Ifai. 58. 7. votre pain à celui qui en a befoin. Il eft vrai que fon pain temporel étoit fi court, que c'étoit une merveille comment il en pouvoit tant donner, & fouvent il m'eft venu en l'efprit que Dieu multipliant 2. Cor. 9. 10 les fruits de fa justice, faisoit chez lui le miracle de la multiplication des pains, dont les reftes furpaffoient de beaucoup le principal.

Quant au pain fpirituel, il n'en étoit pas fimplement libéral, mais prodigue; car il ne refufoit jamais la confolation fpirituelle à qui que ce fût, foit en particulier, foit en public, tant il avoit peur de ce reproche: Les petits ont demandé du pain, & nui Thren. 4. 4 ne leur en rompoit. Il avoit une fi grande provifion de ce pain de vie & d'intelligence, qu'il étoit toujours prêt de le diftribuer, reffeinblant à ces nourrices qui abondent en lait, & qui ne defirent rien tant que de le communiquer.

J'ai plufieurs fois admiré combien il étoit prompt à prêcher, étant d'un naturel pefant, d'un efprit peu vif & d'une parole lente & tardive.

Etant à Paris, on le vint prier de prêcher à une Fête ; il l'accorda auffi-tôt : & comme un de fes domestiques l'avertit que quelques jours auparavant il avoit promis de prêcher le même jour ailleurs : Laiffez faire, dit-il, Dieu nous fera la grace de

Rom. 1o. 12. multiplier notre pain: Il eft riche en mifericorde fur ceux qui l'invoquent.

On lui dit qu'on ne penfoit qu'à fa fanté, qui en pourroit être intereffée. Si Dieu, reprit-il, fortifie notre efprit pour nous donner de quoi dire, penfezvous qu'il laiffe-là le corps, qui eft l'organe par lePfal. 54. 23. quel on diftribue fa doctrine. Jettons notre penfée en lui, & il nous fortifiera.

On lui répondit que Dieu ne défendoit pas d'avoir foin de fa fanté : Non, dit-il, mais il défend la défiance en fa bonté; & pour arrêter tout-à-fait ce difcours : Je vous affure, ajouta-t-il, que fi l'on me demandoit un troifiéme Sermon pour le même jour, j'aurois à le faire moins de peine d'efprit & de corps, qu'à le refufer. Ne faut-il pas fe fondre corps & ame pour ce cher prochain, que Notre-Seigneur a tant aimé qu'il eft mort d'amour pour lui.

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Le Bienheureux convertit un Eccléfiaftique fcandaleux, puis fe confeffe à cet Ecclefiaftique.

C

OMME il faifoit la vifite de fon Diocèfe, il reçut de grandes plaintes contre un Eccléfiaftique dont la vie étoit scandaleuse, & dont les déportemens ne répondoient pas à la fcience dont il étoit

orné.

Cet Eccléfiaftique fe préfente au Bienheureux avec une hardieffe auffi grande que s'il eût été innocent de tout ce dont on l'avoit accufé devant le faint Prélat, & crie hautement à la calomnie.

Le Saint le reçut avec un accueil fort favorable & plein de fa bénignité ordinaire ; mais voyant sa

hardieffe à se défendre, il rougiffoit devant lui. Cette feule contenance, fans autre correction, toucha le cœur de cet impénitent. Il fe réfout de prévenir la face de fon Juge par la confeffion; il demande au faint Evêque de l'entendre au tribunal de la Pénitence. L'oreille lui eft auffi-tôt ouverte, & encore plus le cœur, & il fort de cette Piscine falutaire, comme Naaman des eaux du Jourdain, & au fortir 4. Reg. 5. 14. de-là le vifage tout couvert de cette fainte honte Eccli. 4. 25o qui mene à la gloire.

Il lui dit : Hé bien, Monfeigneur, que penfezvous du plus grand pécheur de la terre? Que Dieu a répandu fur vous, ô mon frere, fa grande miféricorde, dit le Bienheureux : vous êtes à mes yeux tout reluifant de grace.

Mais, lui dit-il, vous fçavez quel je fuis. Vous êtes tel que je dis, reprit le Saint. Je voulois dire ce que j'ai été. C'eft de quoi, répond le Bienheureux, il ne me fouvient plus ; & pourquoi garderois-je en ma mémoire ce que Dieu a mis en oubli. Me pren- Luc. 7. 393 driez-vous pour ce Pharifien, qui prenoit Magdeleine pour ce qu'elle avoit été, non pour ce qu'elle étoit, quand elle arrofoit de fes larmes les pieds de fon Sauveur..

Et pour vous témoigner, ajouta-t-il, que je vous vois tout rempli de gracés céleftes, dont vous avez reçu dans votre cœur une mefure pleine comble, & répandante de toute part, je vous prie de m'en faire part en me donnant votre bénédiction ; & en difant cela il fe jetta à fes pieds, dont l'autre demeura tout confus. Non, dit le Saint, c'eft fans feinte, je vous fupplie de me rendre le même office que vous venez de recevoir de moi, & de m'entendre en confeffion. L'autre le refufant, il l'oblige d'acquiescer, de quoi il reçut une édification inexpri

mable. Et pour lui montrer que c'étoit tout de bon qu'il l'avoit en bonne eftime, il fe confessa encore à lui deux ou trois fois de fuite à la vûë du monde, qui ne fçavoit ce qu'il devoit admirer davantage, ou l'humilité prodigieufe du faint Evêque, ou la converfion miraculeufe de cet Eccléfiaftique.

I

CHAPITRE XIV.

Pauvreté contente.

pau

L difoit quelquefois ce mot de Seneque : ô vreté que tu es un grand bien, mais peu connu. Je l'aime bien, difoit-il, & qui n'aimeroit celle que Notre-Seigneur a tant chérie, & qui lui a tenu fi fidele compagnie durant les jours de fa chair & de fa demeure parmi les hommes ; mais à dire le vrai, je ne la connois pas trop bien, car je ne la vis jamais de bien près, je n'en parle qu'à vûë de pays & en clerc d'armes.

Il vous fiéroit encore plus mal, lui difois-je, de parler des richeffes ayant fi peu de bien. Il me répondit par ce beau mot du même Seneque : Heureufe la pauvreté quand elle eft joyeuse: mais elle n'est pas pauvreté fi elle n'eft gaie. Telle étoit la pauvreté des Apôtres, fe réjoüiffant dans les néceffités & les fouffrances pour Jefus-Christ.

1. Tim. 6. 8. Un Eccléfiaftique, difoit-il, (& S. Paul le dit de chaque Chrétien qui a la nourriture & le vêtement & n'eft pas content, ne mérite pas le nom d'Eccléfiaftique, ni que Dieu foit la part de fon héritage & de fon calice. Mon Evêché, difoit-il, me vaut aul'Archevêché de Tolede, car il me vaut le Paradis ou l'Enfer, auffi-bien que celui de Tolede à

tant que

fon

fon Archevêque, felon que l'un & l'autre nous nous comportons en nos charges.

C'est un grand revenu que la pieté qui a ce qui fuffit. 1. Tim, 6,6. Mon revenu fuffit à mes néceffités; ce qui feroit de plus, feroit trop. Ceux qui ont plus, n'ont ce plus, que pour avoir un plus grand train. Ce n'eft donc pas pour eux, mais pour des valets, qui mangent fouvent fans rien faire le bien du Crucifix. Qui a moins, a moins de compte à rendre. Qui a moins de fuperflu, a moins à donner, & moins de fouci à penfer à qui il faut donner. Car le Roi de gloire veut être fervi & honoré avec jugement. Ceux qui ont de grands revenus, dépenfent quelquefois tant, qu'ils n'ont pas plus de refte que moi au bout de l'an, fi encore ils ne s'endettent. J'établis la grande richeffe à ne devoir rien.

Comme c'est un bon reméde contre l'ambition de confiderer ceux qui font au deffous de nous, non ceux qui font au-deffus, c'en eft un bon contre l'avarice, de regarder ceux qui font plus pauvres, & non pas ceux qui font plus riches. D'ordinaire nous ne fommes pauvres que comparativement, non pofitivement. Si nous ne voulons que ce qui eft néceffaire à la nature, nous ne ferons jamais pauvres ; fi nous voulons felon l'opinion, nous ne ferons jamais riches. Pour s'enrichir en peu de tems & à petits frais, il ne faut pas entaffer des biens, mais diminuer la cupidité, imiter les Sculpteurs qui font leur ouvrage en retranchant, & non les Peintres qui le font en ajoutant. Celui-là n'aura jamais affez, à qui ce qui fuffit, ne suffit pas.

Sur tout il ne pouvoit fouffrir qu'un Ecclefiaftique fe plaignît de la pauvreté ; car, difoit-il, il s'eft engagé dans les ordres avec un bénéfice, ou avec un titre patrimonial, capable de l'entretenir. Cela

A a

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