étant, de quoi fe plaint-il ? S'il a produit un faux titre, ou s'il recu un bénéfice infuffifant, c'est de fa tromperie ou de fon imprudence qu'il a à fe plaindre, non de la pauvreté. Au fond, qu'il fe fouvienne de ce qu'il a dit à la face de l'Eglife triomphante & Pfal.15.5. militante en recevant la tonfure, que Dieu étoit la part de fon héritage; & qui a Dieu, & fa providence pour fa part, que lui peut-il manquer ? Qui peut fuffire à celui à qui Dieu ne fuffit pas ?

Difference du péché veniel & de
l'imperfection.

OTRE Bienheureux difoit que le péché véniel

Nétoit toujours dans la volonté fans le confente

ment de laquelle il ne peut y avoir de péché.

Mais l'imperfection eft proprement un mouve-. ment défectueux qui prévient le plein confentement de la volonté. Rire démefurément, & immodeftement, avec plaifir déliberé, fans faire grande attention à la mauvaise édification que l'on donne à ceux qui font préfents, eft une faute venielle : mais être furpris de l'envie de rire, & éclater fans délibération, n'eft qu'une imperfection. Un dépit déliberé & qui témoigne du chagrin, eft un péché veniel; mais quand il eft prompt & foudain fans deliberation, comme un éclair qui difparoît auffi-tôt qu'il paroît, ce n'eft qu'une imperfection.

Or ces imperfections ne font pas matiere fuffilante d'abfolution, quoique le péché véniel le foit, mais non néceffaire.

Ce fut fur ce fujet que notre Bienheureux dit un jour à une bonne ame qui ne lui difoit que des im

perfections, qu'elle eftimoit être des péchés véniels, qu'il ne trouvoit point en elle matiere d'abfolution, & prit delà occafion de lui enfeigner la différence de l'un & de l'autre.

UE chacun, dit l'Apôtre, demeure en la voca- 1.Cor. 7. 19. tion où Dieu l'a appellé. Une des félicités de cette vie eft de fe plaire, & d'être content en la condition où l'on fe trouve. Qui en défire une autre, n'eft jamais en repos. Mal-aifément traite-t-on bien un hôte que l'on veut renvoyer. Néanmoins il faut aimer fa vocation, de maniere qu'on n'en foit pas idôlâtre.

L'eftime exceffive de fa condition, n'est jamais fans quelque forte de vanité, laquelle fe découvre par les louanges fréquentes & exceffives qu'on lui donne, & plus encore quand on va jufqu'au mépris des autres vocations. Dire: Je ne fuis pas comme les au- Luc. 18. 11. tres hommes, reffent la vanité de celui qui ne s'en retourna pas justifié en fa maifon au fortir du Temple. Voici comme notre Bienheureux en parloit à fes cheres filles. « Les filles de la Vifitation, dit-il, Entret. » parleront toujours très-humblement de leur petite Congrégation, & lui préfereront toutes les autres » quant à l'honneur & eftime, & néanmoins la pré» fereront auffi à toute autre, quant à l'amour, témoignant volontiers, quand fe présentera l'occa» fion, combien agréablement elles vivent en cette » vocation. Ainfi les femmes doivent préferer leurs » maris à tout autre, non en honneur, mais en af

"

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cinafon.

"fection. Ainfi chacun préfere fon pays aux autres » en amour, non en eftime; & chaque pilote cherit plus le vaiffeau dans lequel il vogue, que les autres, quoique plus riches & mieux fournis. Avoüons » franchement que les autres Congrégations font meilleures, plus riches & plus excellentes, mais » non pas pourtant plus aimables ni désirables pour »nous, puifque Notre-Seigneur a voulu que ce » fût notre patrie, & notre barque, & que notre » cœur fut marié à cet Inftitut.

Je me fouviens que notre Bienheureux loüoit Juvenal An-principalement M. l'Evêque de Saluces fon ami particulier, & Prélat de fainte mémoire, de ce qu'étant Prêtre de l'Oratoire de Rome, où il parloit rarement de fa Congregation, ou en parloit avec des termes très-humbles, quoiqu'en fon cœur il l'honorât & chérît fi fort, qu'il ne la quitta qu'avec larmes, pour embraffer par ordre du Pape la charge Epifcopale.

Mais quand il parloit des autres Ordres, c'étoit avec des éloges fort grands, & fur-tout il parloit du Paftorat en des termes très-relevés. C'est-là le ftile des Saints à qui tout eft grand, excepté euxmêmes & ce qui les touche : bien éloigné du procedé de ceux qui ne fçauroient louer le célibat fans blâmer le mariage; ni la pauvreté volontaire, fans blâmer les richeffes, même celles dont on fait un bon ufage; ni l'obéiffance, fans méprifer les puiffances & les dominations; ni la vie de Communauté, fans ravaler la vie particuliere.

S

QUINZIE' ME PARTIE.

Q

CHAPITRE PREMIER.
Des careffes.

UOIQUE notre Bienheureux fût d'un naturel extrêmement affable, benin & affectif, & par confequent d'un efprit obligeant & careffant, néanmoins il étoit fort ménager de fes careffes, les renfermant fouvent dans une grande modeftie & retenuë, de forte que fi fa douceur donnoit de la -confiance, fa gravité infpiroit, finon de la crainte au moins un refpect qui en étoit mêlé, & qui produifoit le même effet que fi on l'eut appréhendé.

» Et voici l'avis qu'il donnoit à ce fujet : Il ne faut Entrer, 4. » pas, difoit-il, fi frequemment user de caresses, & » à tous propos dire des paroles emmiellées, les jet» tant à pleines mains fur les premiers qu'on rencon »tre; car de même que fi l'on mettoit trop de fucre » fur une viande else tourneroit à dégoût, parce qu'elle feroit trop douce: auffi les careffes trop frequentes feroient rendues dégoutantes, & l'on ne » s'en foucieroit plus, fçachant que cela fe feroit par » coûtume. Et comme les viandes fur lefquelles on met du fel à poignées font défagréables, à caufe de leur acrimonie, & celles où le fel & le fucre »font mis par mefure, font agréables au goût: de » même les careffes, qui font faites avec mesure & » difcretion, font agréables, & profitables à ceux à qui on les fait.

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Pfal. 61. 10.

De l'injuftice des hommes au fujet du falut.

•LE Los enfants us en Es enfans des hommes, dit le Prophete Roi, font menteurs en leurs balances, parce que la vanité de leurs fens les trompe. L'injufte dit en foimême pour ôter la crainte de Dieu de devant fes -yeux, que Dieu eft trop bon pour prendre garde aux fautes des hommes, qui font environnés d'infirmités; un efprit qui va au péché & qui n'en revient point de foi-même : d'autres plus impies diIfa. 47. 10. fent, le Seigneur ne voit pas tout cela, ou n'y prend point de garde.

Les fcrupuleux vont à l'autre extrêmité, fe figurent un Dieu qui ne prend plaifir qu'à punir, & qui n'eft armé que de foudres. Tout leur fait ombre, & Jac. 2. 13. ils ne penfent point que la mifericorde de Dieu, quant à fes effets, eft au-deffus de fa juftice,& qu'elle furpaffe toutes les œuvres, & qu'il ne peut la conBl. 76. 10. tenir même dans fes plus grandes coleres.

De cette inégalité de l'efprit humain, notre Bienheureux prenoit quelquefois occafion de tourner ainfi fes exhortations, & publiques & particulieres.

Il difoit donc que ceux qui font affermis & obftinés dans le mal jufqu'à cette extrémité déplorable, de n'avoir aucun foin de leur falut éternel, ou en font trop, ou en font trop peu.

Trop, s'ils croyent encore un enfer, car encore devroient-ils pour l'amour qu'ils fe portent à euxmêmes, avoir quelque égard à n'agrandir pas tant leurs peines, & à ne pas fe charger de tant de dettes envers la juftice de Dieu, vû que même les plus