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méchans ne font pas ici-bas tout le mal que leur fuggere leur malignité, de peur des fupplices temporels. Trop peu s'ils ont effacé toute créance des peines de l'autre vie, & que la lumiere de la foi foit entierement éteinte dans leur cœur.

Mais pour ceux qui ont encore quelque foin de leur falut, & qui difent, je veux me fauver : certes, difoit notre Bienheureux, la plupart en font trop, ou n'en font pas allez.

Trop, c'est-à-dire, qu'ils ne prennent pas affez garde à leurs voyes, s'imaginant qu'il n'eft pas befoin d'être fi ponctuel ni fi exact pour fe fauver, & Dieu étant riche en mifericorde remet facilement dix mille talens.

que

Pas affez faifant peu de bien, & faifant encore ce peu fi imparfaitement, & avec tant de non-chalance, qu'il reffemblent aux traits lâchés de la main d'un enfant, qui ne peuvent arriver au blanc.

Et combien y en a-t-il peu, même parmi ceux qui font profeffion de mener une vie devote, qui agiffent en vertu de la fin derniere, & qui rappor tent à la gloire de Dieu toutes leurs actions.

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E veux vous raconter une hiftoire que j'ai oui de la bouche de notre Bienheureux.

Un Prélat de grande naiffance, étoit fi facile à recevoir des gens à fon fervice, qu'il en avoit trois fois plus qu'il ne lui en falloit, & quoiqu'il en eût ce grand nombre il n'en étoit pas mieux fervi, mais mieux mangé. Cela l'engageoit dans des dépenfes A a iiij

qui furpaffoient de beaucoup fon revenu, quoiqu'il fût confiderablement riche, de maniere qu'il s'endetta beaucoup, & jufques-là que fes Les gens d'affaires avoient bien de la peine à fournir à la table du com

mun.

Ses parens gens de grande confideration, voïant fa fituation, lui confeillerent de congédier au moins la moitié de fon train. Dure parole pour ce bon Maître, à laquelle néanmoins il acquiefça, tant il étoit facile & condefcendant.

On lui dreffe une lifte de ceux qui lui étoient inutiles, il les fait venir, & leur ayant demandé s'ils n'avoient que faire de lui: La plupart qui avoient eu vent de leur congé, fe mirent à pleurer, & l'un deux parlant pour tous, lui dit : Monfeigneur, il faudroit fortir hors du monde pour trouver un meilleur Maître que vous, il n'y en a pas un de nous qui ne voulût mourir à votre fervice: nous pouvons bien dire en vous quittant que nous avons tout perdu.

Quoi, dit le Prélat, je vous fuis donc néceffaire: Helas, dit l'autre, Monfeigneur, fi néceffaire que fi vous nous abandonnés, nous fommes tous miferables.

Sur mon ame, dit le bon Prélat, il n'en ira pas comme on me confeille. Hé bien demeurez tous avec moi mes enfans, les uns parce qu'ils me font nécessaires, & que je ne m'en puis paffer, & vous autres parce que je vous fuis néceffaire, & que vous ne pouvez vous paffer de moi. Tant que j'aurai du pain vous y aurez part, quand il n'y en aura plus, nous mourrons tous de faim enfemble: il dit. cela mêlant fes larmes avec celles de ces pauvres ferviteurs.

Il s'en défit néanmoins peu à peu les plaçant chez fes amis, & plufieurs à fa confidération & recommandation rencontrerent de bonnes fortunes.

- Bienheureux font les débonnaires & les miféri- Matt, şi cordieux, parce qu'ils trouveront miféricorde.

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Des Prédications éloquentes.

UAND on parloit de Prédicateurs qui faifoient merveilles: Combien de gens, difoit-il, fe font convertis par leur prédication? car la converfion des ames, ajoutoit-il, eft une œuvre plus miraculeufe que la résurrection des morts, puifque c'est un paffage de la mort du péché à la vie de la grace.

Si on répondoit que par ces merveilles on entendoit l'éloquence, la science, la mémoire, la beauté de l'action & autres qualités de l'orateur : ces qualités, repliquoit-il, font celles d'un orateur prophane, & que l'industrie humaine peut acquerir; mais non de ceux dans qui le Saint-Efprit, qui leur eft donné, a répandu la fcience de la voix du Ciel, qui eft la science du falut & des Saints.

Quand vous fortez du fermon, ne vous amufez pas à recueillir ces vains applaudiffemens populaires: ô, qu'il a bien fait, ô la belle langue, ô l'abîme de fçavoir, ô l'admirable mémoire, ô l'élégant perfonnage, ô qu'il y a de plaifir d'entendre cet homme, je ne me trouvai jamais à telles nôces ! Ce n'est qu'un vain babil qui fort de têtes fans jugement.

* Non fecta. Les Prédicateurs Chrétiens, difoit S. Jerôme *, mur lenocinia ne doivent pas chercher les artifices des Rheteurs, eritates PifRhetorum,fed mais les fimples paroles des pêcheurs, c'est-à-dire, catorum. des Apôtres. Si S. Paul condamne les auditeurs à 2, Tim. 4. P

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V.1.1. Epift.

31.

qui les oreilles demangent, combien rejette-t-il les Prédicateurs qui les leur grattent par leurs mots choifis, leurs périodes nombreuses, leurs piéces achevées.

Mais fi au fortir de la prédication vous en trouvez quelques-uns qui, frappant leur poitrine comme Matt. 27.54. le Centenier, difent: vraiment cet homme eft de 1. Cor. 1. 23. Dieu, il prêche Jefus-Chrift crucifié, non lui-même; il nous apprend à nous repentir de nos péchés, il ne tiendra pas à lui que nous ne quittions nos mauvaises voies : ce Sermon nous fera réproché au jour du jugement, fi nous n'en faifons bon ufage: ou s'ils difent, ô que la pénitence eft néceffaire à qui fe veut fauver, que la vertu eft belle, que le fardeau de la Croix eft aimable, le joug de la loi léger, que le péché eft laid & haïffable! plûtôt mourir que de pécher : ou fi fans tant de difcours les auditeurs rendent témoignage du fruit des prédical'amendement de leur vie, jugez alors de la bonté & de la fuffifance du Prédicateur, non à fa gloire, mais à la gloire de celui qui l'envoie, qui eft Dieu, lequel parle par fa bouche & le remplit de son efprit.

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par

Il me confirma ceci par cet exemple. Un Prédicateur très-célèbre, me dit-il, me vint un jour voir à Anneffy. Je lui demandai une prédication, ce qu'il m'accorda ; & s'étant mis fur le haut style, étalla de fublimes conceptions avec des termes fi pompeux, & une éloquence fi magnifique, qu'elle étonna tous ces bons montagnards.

A l'iffue de cette prédication ce ne furent que paroles de ravissemens & d'admiration. Jamais tant de parfums de loüanges ne furent offerts à un mortel. C'étoit à qui en diroit de plus belles, & à qui l'élé veroit jufqu'aux étoiles.

Le Bienheureux qui avoit affifté à cette prédica tion, & qui fçavoit de combien elle furpaffoit la capacité de ces admirateurs, en tira quelques-uns à part, & leur demanda quelque particularité de ce qu'ils avoient retenu, & quelle utilité ils en avoient remportée, ce qu'ils ne purent jamais dire.

L'un d'eux plus ingénu que les autres répondit: Si je l'avois compris, & que je puffe le raporter, il n'auroit rien dit que de vulgaire, c'est notre ignorance qui nous porte dans ces admirations; car il a marché en chofes fi hautes & fi fublimes, qu'elles furpaffent notre portée, & c'est ce qui nous fait eftimer davantage la grandeur des Mysteres de notre Religion.

Le Bienheureux loüa fon ingénuité, & trouva qu'il avoit remporté quelque forte de fruit de cette prédication. Ce n'eft pas le tout que le printems foit fleuri, fi l'automne n'a du fruit. Le Prédicateur qui n'a que des feuilles de langage & de belles idées, eft en danger d'être mis au rang de ces arbres infructueux, qui font menacés dans l'Evangile de la coignée & du feu. Je vous ai choifis, difoit Notre-Sei- Matt. 3. 10. gneur à fes Apôtres, afin que vous alliez, que vous Joan. 15. 16. fructifiez, & que votre fruit demeure.

CHAPITRE V.

Des péchés de participation.

Ils croient Ly a des efprits fi foibles que tout leur fait ombre. Ils s'imaginent que les ferpens croiffent fous deurs pas; & ils font fi délicats, qu'ils s'imaginent que tout les bleffe & les empoifonne. Sont-ils en converfation, ils penfent que tout ce qui s'y die

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