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19.

contre leurs fens, ou qui s'y paffe contre la bienféance, eft un nouveau péché pour eux, quoiqu'ils ayent ces paroles & ces actions non-feulement en averfion, mais en horreur.

Néanmoins puifque les tentations ne nous peuvent nuire, tant que nous difons, non ; comment pourrions-nous participer aux fautes d'autrui fans y donner notre confentement ou notre agrément ?

Mais la correction fraternelle n'eft-elle pas nonfeulement recommandée, mais commandée ?

Elle eft certes commandée en certains cas & à certaines perfonnes, comme aux Superieurs qui font obligés de reprendre ceux qui font fous leur conduiTim. 4. 2. te, & leurs égaux, toutes fois en toute patience & doctrine ; & même les inferieurs y font obligés, pourque ce foit en toute modeftie & humilité, lorfqu'ils voient qu'il y a efperance d'amendement. Hors de-là la correction fraternelle peut être omise fans péché.

Penfer donc être obligé de reprendre toutes les fois que l'on voit ou que l'on entend quelque chofe qui peut être repris, c'eft un zele peu difcret & dépourvû de la vraie science.

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A une ame qui s'inquiétoit fur ce fujet, notre 1.2. Epif. Bienheureux lui parla en ces termes : » Dans les converfations foyez en paix de tout ce qui s'y dit » & qui s'y fait; car s'il eft bon, vous avez dequoi » louer Dieu ; & s'il eft mauvais, vous avez dequoi » fervir Dieu en détournant votre coeur de cela, fans » faire l'étonnée ni la fâcheufe, puifque vous n'en "pouvez mais, & que vous n'avez pas affez de cré» dit pour divertir les mauvaises paroles de ceux qui » les veulent dire, & qui en diront encore de pires, »fion fait femblant de les vouloir empêcher; car » ainfi faifant, vous demeurerez toute innocente

parmi les fifflemens des ferpens, & comme un ai- « mable fraize, vous ne contracterez aucun venin « par le commerce des langues venimeufes «.

Vous voyez par ces paroles 1. Qu'il n'eft pas toujours néceffaire de faire la correction, 2. ni même quelquefois expedient, de peur d'irriter le mal; 3. joint que ce qui eft differé n'eft pas perdu. 4. Il y a des remedes qui, pris ou donnés mal-à-propos, empirent le mal au lieu de le guérir. 5. Le zele peu judicieux est un médecin qui a plus befoin de fe guérir lui-même, que de s'employer à la guérifon des

autres.

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CHAPITRE VI.

Son zele ardent pour les ames.

E Bienheureux faifant la vifite de fon Diocèfe dans les hautes montagnes de Faucigny, où l'hiver tient fon empire perpétuel fur un thrône de glace, il apprit qu'un pauvre berger étoit tombé dans un grand précipice pour fauver une de ses vaches, & que là il étoit mort gelé de froid. Surquoi il fe fit une merveilleufe leçon touchant le foin qu'il devoit avoir des oüailles que Dieu lui avoit confiées, & qu'il ne devoit point épargner fa vie pour

leur falut.

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37.

J'ai vû, dit-il, ces jours paffés des monts épou L. 2. Epift. ventables, tout couverts d'une glace épaiffe de dix « ou douze piques, & les habitans des vallées voifi- « nes me dirent qu'un Berger allant pour recouvrer « une de fes vaches, tomba dans une fente de douze « piques de haut, en laquelle il mourut gelé. O Dieu, « ce dis-je, & l'ardeur de ce Berger étoit-elle fi chau-«

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» de à la recherche de fa vache, que cette glace ne » l'a point refroidie; & pourquoi donc fuis-je fi lâ» che à la recherche de ines brebis? Certes, cela » m'attendrit le cœur, & mon cœur tout glacé fe » fondit alors. Je vis des merveilles en ces lieux-là, » les vallées étoient toutes pleines de maisons, & les monts tout pleins de glace jufqu'au fonds. Les pe»tites veuves, les petites villageoifes, comme baf» ses vallées, font fi fertiles en vertu ; & les Evêques » fi hautement élevés en l'Eglise de Dieu font tout glacés. Ha! ne fe trouvera-t-il pas un foleil affez fort pour fondre celle qui me tranfit «. Que de zele pour les ames, que d'humilité, que de ferveur, que de piété en ce récit !

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Du dégoût de l'état auquel on eft placé.

Ln'y a rien de fi fréquent dans le fiécle, &

I'être cacore hors le

peut

être encore hors le fiécle, que le dégoût de fon état. Quand l'ennemi ne peut nous porter dans le mal par des tentations de droit front, il nous attaque de côté, & quand il ne peut nous faire trébucher, il fait tout ce qu'il peut pour nous inquiéter ; & entre les inquiétudes, il n'y en a point de plus fâcheufes & qui caufent plus d'amertume, que celles qui nous portent au dégoût de notre état.

Le S. Efprit nous crie dans les faintes Ecritures L. Cor. 7. 20. que chacun demeure en l'état où Dieu l'a appellé, & le malin efprit ne nous fuggere rien tant que de le quitter & changer; c'eft pourquoi le grand fecret eft de fe tenir ferme en la barque où Dieu nous a mis, pour faire heureusement le trajet de cette vie au port de la bienheureufe éternité.

C'étoit le sentiment de notre Bienheureux, qu'il exprime en cette maniere: » Ne vous amufez pas «< à faire autre chofe. Ne femez point vos defirs sur « L.2. Epift.38; le jardin d'autrui. Cultivez feulement bien le vô- “ tre. Ne defirez pas de n'être pas ce que vous êtes, " mais desirez d'être fort bien ce que vous êtes. Oc- " cupez vos pensées à vous perfectionner en cela, & « à porter les croix, ou petites, ou grandes, que «< vous y rencontrerez. Croyez-moi, c'eft ici le grand « mot, & le moins entendu de la conduite fpirituel- « le: chacun aime felon fon goût, peu de gens ai-« ment felon leur devoir & le goût de Notre-S- « gneur. De quoi fert-il de bâtir des châteaux en pagne, puifqu'il nous faut habiter en France?« C'eft ma vieille leçon, & vous l'entendez bien «.

CHAPITRE

VIII.

Le Jufte tombe fept fois le jour.

e

NE bonne ame méditant un jour fur ce paf-Prov. 24. 160

Ufage, & le prenant trop à la lettre, tomba en

des angoiffes merveilleufes, fe difant à elle-même: Moi qui ne fuis pas jufte, combien donc dois-je tomber plus de fois par jour, & cependant en fon examen du foir, quelque diligence qu'elle pût apporter à s'examiner, & quelqu'attention qu'elle eût durant le jour à remarquer fes défauts, elle ne trouvoit pas quelquefois ce nombre, ce qui lui caufoit une peine extrême & un grand embarras d'efprit.

Elle fe détermina à confulter notre Bienheureux fur cette perplexité; & voici de quelle maniere il l'en tira, & comment il lui expliqua ce paffage : Il n'eft pas dit, reprend le Bienheureux, au « L.2. Epist,47.

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paffage que vous m'avez allegué, que le juste se »voit ou fe fent tomber fept fois le jour, mais qu'il » tombe sept fois. Auffi il se releve fans attention à »fes relevées. Ne vous mettez donc point en peine » pour cela, mais allez humblement & franche» ment dire ce que vous aurez remarqué; & pour » ce que vous n'aurez pas remarqué, remettez-le à #fal. 36. 24. „, la douce miféricorde de celui qui met la main au» deffous de ceux qui tombent fans malice afin qu'ils "ne fe froiffent point, & les releve fi prompte»ment & fi doucement, qu'ils ne s'apperçoivent pas » ni d'être tombés, parce que la main de Dieu les a » recueillis en leurs chûtes, ni d'être relevés parce qu'elle les a retirés fi foudain qu'ils n'y ont pas →penfé.

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si

Il y a des ames qui ne penfent point affez, & qui ne réfléchiffent prefque point fur leur conduite ; & d'autres qui y penfent trop, & qui à force de penfer L. z. Ep. 49. s'embarraffent l'efprit. » C'est chose certaine, dit » notre Bienheureux, que tandis que nous fommes >> ici environnés de ce corps fi pefant & corruptible,

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il y a toujours en nous je ne fçai quoi qui manque. » Je ne fçai fi je vous l'ai jamais dit, il nous faut » avoir patience avec tout le monde, & premiere»ment avec nous-mêmes, qui nous fommes plus importuns à nous-mêmes que nul autre, depuis » que nous fçavons difcerner entre le vieil & nouvel "Adam, l'homme interieur & exterieur.

دو

***

CHAPITRE

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