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CHAPITRE IX.

Des compagnies & des converfations.

UELQUES-UNS par un bon zele, mais pas affez

Qéclairé, aufli tot qu'ils veulent s'adonner à la

dévotion, penfent qu'il faut fuir les compagnies & les converfations, comme les hiboux furent les oifeaux du jour, & par cette maniere fauvage & farouche, donnent de l'éloignement de la dévotion, loin de la rendre aimable & attirante.

Notre Bienheureux ne vouloit point cela, mais fouhaitoit que ceux qui s'adonnent à la dévotion fuffent la lumiere du monde par leur bon exemple, & le fel de la terre pour faire goûter la piété à ceux qui n'en auroient pas le goût.

Mais, dit-on, fi le fel rentre dans la mer d'où il eft forti, il fe fond & fe diffout.

Il est vrai, mais auffi, s'il ne fe mêle avec les viandes, elles feront fans faveur.

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A une bonne ame qui lui demandoit fi ceux qui defirent vivre avec quelque perfection peuvent voir le monde ? Il répond ainfi: » La perfection ne con- « L. 2. Ep. 48 i fifte pas à ne voir point le monde, mais oüi bien à ne le point goûter & favourer. Tout ce que la vûë « nous apporte eft le danger, car qui le voit eft en « quelque péril de l'aimer; mais à qui eft bien réfo- «< lu & déterminé, la vûë ne nuit point. En un mot la perfection de la charité eft la perfection de la « vie, car la vie de notre ame eft la charité. Nos « premiers Chrétiens étoient au monde de corps & « non de cœur, & ne laiffoient pas d'être très-par

faits".

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S. Bernard. Serm. 1. in

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De l'amour de la parole de Dieu.

OMME l'appétit eft une des meilleures marques de la fante corporelle, auffi l'appétit spirituel, & le goût que l'on a de la parole de Dieu, fait juger de la bonté de l'interieur & de la fanté spirituelle. Les chofes faintes & les paroles qui en traitent, font toujours agréables aux Saints.

Une grande marque de prédestination en une Septuag. n. 2, ame, eft l'amour qu'elle a pour la parole de Dieu; & je ne fçai fi ce n'eft point quelque partie de cette faim & de cette foif de la juftice qui eft une des béatitudes; car quiconque travaille à se justifier de plus en plus, prend plaifir à entendre ceux qui lui montrent les moyens de faire du progrès dans les fentiers de la juftice, ce que font les Prédicateurs enfeignant la voie de Dieu.

Mais parmi ceux qui prennent plaifir à entendre la parole de Dieu, il fe gliffe fouvent un défaut qui eft celui de l'acception des perfonnes, comme fi ce pain falutaire & cette eau de la fageffe céleste n'étoit pas auffi utile à l'ame, apportée par un corbeau comme par un Ange, je veux dire par un bon & agréable Prédicateur, que par un mauvais & défagréable.

D'où vient donc, dira-t-on, que les uns sont plus agréables que les autres ?

Cela fouvent n'arrive point par le défaut ou la perfection des Prédicateurs, mais par le jugement des hommes, dont le tribunal eft ordinairement injufte en ces matieres-là. Des trois parties de l'ora

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reur, enseigner, émouvoir, délecter, fouvent le monde, qui est tout plongé dans le plaifir, ne goûte que la derniere, quoique ce foit la moins confidérable & qui doive être la moins recherchée, felon ce qui eft écrit, que Dieu brifera les os de ceux qui Pal. 5. 6. plaifent aux hommes ; & que l'Apôtre dit de lui- Galat. 1. 10. même, que s'il plaifoit aux hommes il ne feroit pas ferviteur de Dieu.

La plupart des auditeurs font du goût de celui qui difoit à un Prophete: Dites-nous des chofes qui nous Ifa. 30. 10. plaifent ; & de ce Roi qui fe plaignoit d'un autre Prophete, parce qu'il ne lui annonçoit que des cho- Num. 23. 2 kq fes fâcheufes. Ils veulent qu'on les flatte, & qu'on ne leur parle que de pardon & de miféricorde, & ils n'entendent qu'avec peine qu'on leur reproche leurs péchés, & qu'on leur repréfente les châtimens qu'ils ont justement mérités par leurs crimes. Ceux qui fe mêlent fimplement d'enseigner, font méprifés; il n'y a que ceux qui s'appliquent à délecter par les ar tifices de la Réthorique, qui font courus.

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Voici comment s'en explique notre Bienheureux : Je remarque, dit-il, que quand j'écris à une «< perfonne fur du mauvais papier, & par conféquent « avec un mauvais caractere, elle me remercie avec « autant d'affection que quand je lui écris fur de « meilleur papier & avec de plus beaux caracteres. « Pourquoi cela finon parce qu'elle ne fait pas at- « tention, ni fur le papier qui n'eft pas bon, ni fur « le caractere qui eft mauvais, mais feulement fur «< moi qui lui écris. De même faut-il faire de la pa- « role de Dieu. Ne point regarder qui eft ce qui nous a l'annonce & nous la déclare. Il nous doit fuffire « Dieu fe fert de ce Prédicateur pour nous l'en- « feigner; & puisque nous voyons que Dieu l'ho- « nore tant que de parler par fa bouche, comment

que

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»eft-ce que nous autres nous pourrions manquer d'honorer & de refpecter fa perfonne.

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CHAPITRE XI.

De l'exercice de l'abandon de foi-même entre les mains de Dieu.

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UISQUE, le veüillions-nous ou non, nous ne pouvons échapper à Dieu, ni nous écarter de fon efprit & de fa vûë, quel meilleur confeil pouvonsnous prendre que de faire volontairement & amoureufement ce qui nous eft de néceffité, en remettant librement notre fort entre fes mains au tems de cette vie & en l'éternité de l'autre.

C'est cet exercice de l'abandon de nous-mêmes que notre Bienheureux recommande fi fort en tous fes écrits, étant comme l'abrégé de la perfection Evangélique, qui ne parle que de renoncement à foi-même pour l'amour de Dieu, & il est à remarquer que cet abandon doit être fait en l'amour & 1. Cor. 13. pour l'amour de Dieu; car fans ce vivant & régnant amour, ni l'abandon de tous fes biens aux pauvres, ni celui de fon propre corps aux flâmes ne serviroit de rien pour la vie éternelle, & ne reffembleroit tout au plus qu'à ces abandons de philofophes, à qui l'amour de la fageffe humaine faifoit tout quitter.

Entret. 2.

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C'eft ainfi qu'en parle notre Bienheureux. » Il faut donc fçavoir, dit-il, qu'abandonner notre ame, » & nous laiffer nous-mêmes, n'eft autre chofe que quitter & nous défaire de notre propre volonté, » pour la donner à Dieu : car il ne nous ferviroit de » gueres de nous renoncer & délaiffer nous-mêmes, »fi ce n'étoit pour nous unir parfaitement à la divine » bonté.

Mais comment cette union fe fait-elle; car c'est- V. Theotim là le grand fruit, & le principal effet de cet aban-1.3.12. don? C'est par une totale foumiffion & conformité & 13. de notre volonté à celle de Dieu, tant fignifiée que de bon plaifir. Or l'application de notre volonté à celle de Dieu, qui nous eft fignifiée, fe fait par la réfignation ou l'indifférence, & à celle de bon plaifir par la fufpenfion ou fimple attente, comme le dit notre Bienheureux; de forte qu'une ame parfaite ment abandonnée, ne veut pas feulement ce que Dieu veut, mais en la maniere qu'il le veut. Son cœur eft comme une cire molle, capable de recevoir toutes les impreffions qu'il plaira à Dieu.

Et c'eft en cela que confifte ce très-aimable trépas de notre volonté, ( non pas que par cette mort il entende que notre libre arbitre nous délaiffe; car ce libre arbitre n'eft jamais plus libre que quand il eft plus conforme à la divine volonté, en l'obéiffance de laquelle confifte la parfaite liberté des enfans de Dieu,) il s'explique lui-même, difant qu'auffi-tôt qu'une ame qui s'eft abandonnée au bon plaifir de Dieu apperçoit en elle quelque volonté particuliere, elle l'a fait incontinent mourir & trépaffer en la volonté de Dieu, en la maniere que la clarté des étoiles paffe tous les matins dans celle du foleil quand il nous ramene le jour.

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