페이지 이미지
PDF
ePub

SEIZI E' ME PARTIE.

CHAPITRE PREMIER.

Son assurance parmi les périls.

'INSENSIBILITE' des Stoïciens eft une

L'vraie chimere, car il eft impoffible dans cette

vie mortelle de fe défaire tout-à fait de l'homme, c'est-à-dire, de ne fouffrir point les affauts & les impreffions des paffions humaines. Le haut point de la Philofophie pratique, eft de les modérer, & de les ranger fous l'empire de la raison.

Un Philofophe de cette fecte s'étant trouvé fur mer dans un vaiffeau agité d'une furieufe tempête, & le péril préfent le faifant pâlir & fremir comme les autres qui ne faifoient pas profeffion d'une fageffe fi peu fenfible: la tourmente paffée, comme on lui reprochoit qu'il avoit péché contre les maximes de fon école, il ne trouva point de plus ingénieufe défaite, que de dire qu'il avoit tremblé de peur de la mort d'un homme de bien, (il entendoit lui-même tant il étoit humble, ) & que les autres étant méchans avoient eu raifon de ne point craindre leur mort.

Un de la troupe lui répondit, que s'eftimant homme de bien il avoit eu tort d'admettre la crainte en fon cœur, puifqu'après la mort les Champs Elifées ne pouvoient lui manquer; & que les autres qu'il

eftimoit méchans avoient eu raison de craindre, non-feulement la mort, mais encore les tourmens qui fuivent les ames des méchans en l'autre vie.

A dire la vérité, il y a une certaine crainte naturelle, qui d'elle-même eft indifférente, & qui peut être felon les fens dans les perfonnes les plus éminentes en vertu & en fainteté, particulierement la crainte du tonnerre. Saint Thomas d'A

quin, non moins illuftre par fa piété que par fa doctrine y étoit fujet, jufqu'à craindre les éclairs avec quelque forte d'excès. Il avoit en ces occafions en la bouche & au cœur ces paroles facrées, comme Joan. 1. 14. pour lui fervir de bouclier, le Verbe aété fait chair, & il a habité parmi nous.

On dit que Cefar, qui étoit l'image de la valeur, en avoit une telle apprehenfion, qu'étant plus qu'homme dans les périls de la guerre, il fe montroit moins qu'homme quand il tonnoit, & parce qu'il fçavoit que la foudre ne tombe point fur les lauriers, il en faifoit toujours porter après lui, & fe mettoit à l'abri fous ces arbres quand l'air étoit tout gros d'éclairs & de tonnerrés.

[ocr errors]

Il y a peu de perfonnes qui n'ayent de la frayer quand il tonne, principalement quand les éclats font grands & foudains. Il y a néanmoins des ames fi fermes, & qui ont tant de confiance #jal. 124. 1. en Dieu, qu'elles reffemblent à la montagne de Sion, qui ne s'ébranle pour aucun orage.

Pendant les tempêtes & les tourbillons de l'air les autres oifeaux fe cachent dans leurs retraites; mais l'aigle fort alors de la fienne, & prend plaifr à faire des efplanades, & à percer les vents. Les autres poiffons fe coulent au fond de la mer quand la surface en est émuë par la tempête, & il n'y a que le dauphin qui fe plaît dans la tourmente, & c'en

eft un préfage quand on le voit qu'il se joüe audeffus de l'eau, & qu'il s'y égaïe.

Dans les montagnes des Alpes les tonnerres y font frequens & terribles, à caufe des échos qui fe font dans les rochers; de forte qu'il femble quelquefois que ces hauts faîtes aillent tomber & fe détacher de leurs racines. Néanmoins notre Bienheureux étoit fi paisible & fi tranquille durant ces tems-là qu'on en étoit tout émerveillé. Voici comme il s'exprime dans une de ces occa» fions: Hier au foir nous eûmes ici de grands z. 3.Epist,591 » tonnerres & des éclairs extrêmes, & j'étois fi aise » de voir nos gens multiplier les fignes de croix & » le nom de Jefus. Ha ce leur dis-je, fans ces » terreurs nous n'euffions pas tant invoqué NotreSeigneur : fans mentir je recevois une particuliere » confolation pour cela, quoique la violence des »éclats me fit tremouffer, & ne me pouvois contenir de rire.

[ocr errors]

Tant eft véritable cette divine fentence', qu'une Prov. 15. 152 confcience pure & tranquille eft un banquet perpétuel. Certes rien ne lui peut ôter fa joye, ni la chere efpérance de fon falut, qui repofe doucement dans fon fein. Que Bienheureux, Seigneur, eft celui que Pfal. 64. så vous avez élû & reçû entre vos bras, il demeurera ferme dans vos tabernacles.

L

CHAPITRE II.

On ne peut fçavoir fi on eft en grace.

&

A tentation des tentations, felon mon jugement, eft celle de fçavoir fi on eft en grace, je dis le fçavoir d'une certitude plus que morale

1

& de fimple conjecture, qui eft celle dont Dieu veut que nous nous contentions; car celui, dit le Prov. 25. 27. Saint-Efprit, qui voudra fonder la Majefté, fera opprimé de la gloire; & qui voudra foüiller dans les fecrets de Dieu, s'embaraffera dans un labyrinthe dont il ne pourra fortir.

Ecclef. 9. 1.

Car enfin l'arrêt eft prononcé : nul ne fçait, (je veux dire de certitude de foi) s'il eft digne d'amour ou de haine. Car de certitude de confiance, tant qu'il vous plaira. Et qui ne fe confieroit en une bonté infinie, de qui les dons font fans repentir, Rom. 11.29. & qui acheve toujours ce qu'il commence de bien en nous, pourvû que notre malice ne s'oppofe point aux effets de fa miféricorde ?

[ocr errors]

A une ame qui étoit comme une pauvre abeille embaraffée dans des toiles d'araignées de quelques confiderations de défiance à ce fujet, notre Bienheureux donne une confolation fi pleine d'onction, qu'il me femble que c'eft un baume pour de pareil3. Epif.6. les playes: d'examiner, fi votre cœur lui plaît, il ne le faut pas faire : mais oui bien fi fon cœur vous "plaît: & fi vous regardez fon cœur, il fera impoffible qu'il ne vous plaife, car c'est un cœur fi » doux, fi fuave, fi condefcendant, fi amoureux » des chetives créatures, pourvû qu'elles recon» noiffent leur mifere, fi gracieux envers les miferables, fi bon envers les pénitens : & qui n'aime»roit ce cœur royal paternellement maternel envers

دو

دو

دو

» nous ?

Notre Bienheureux nous avertit pour nous guerir de cette fâcheufe maladie, de regarder non fi notre cœur plaît à Dieu, mais fi Dieu plaît à notre cœur, & c'eft un des meilleurs fignes que nous puiffions avoir d'être agréables à Dieu.

[blocks in formation]

Des défolations interieures.

Ly a des ames qui ne connoiffent point de dévotion fielle n'eft fenfible, & qui ont les dents' Intérieures fi foibles, qu'elles ne peuvent manger le pain du Ciel, s'il n'elt tendre & mollet.

Notre Bienheureux étoit fort tendre fur autrui. Combien de fois l'ai-je vû pleurer fur les pécheurs, & fur les infirmes, à l'imitation de notre cher Sauveur, qui pleura fur Jerufalem, & fur le Lazare: mais il ne l'étoit point fur lui-même. Jamais il ne fe plaignoit. Que s'il lui arrivoit de tomber malade, il difoit fimplement fon mal tel qu'il le fentoit, & puis s'en remettoit à la providence, & à l'ordonnance des Médecins.

Pour les afflictions intérieures il en étoit, pour ainfi dire partifan, & difoit que comme le meil leur poiffon eft celui qui fe nourrit dans l'eau falée de la mer, auffi les meilleures ames, & les plus folidement vertueuses, étoient celles qui trouvoient la paix de Dieu, dans l'amertume très-amere des 1. 38, 171 pluspreffantes afflictions.

Il difoit un jour à une ame qui fe plaignoit à L.3.Epift. 614 lui de la privation des goûts fpirituels dans fes "exercices de pieté: l'amour de Dieu ne consiste

» pas en confolation, ni en tendreffe: autrement

[ocr errors]

» Notre-Seigneur n'eût pas aimé fon pere, lorfqu'il

» étoit trifte jufqu'à la mort, & qu'il crioit: Mon Matt. 27.450 Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné?

دو

"c'étoit alors toute fois qu'il faifoit le plus

grand acte d'amour, qu'il eft impoffible d'ima

« 이전계속 »