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CHAPITRE XI.

Des Miracles.

AINT Bernard qui avoit reçû du Ciel le don des miracles à un fi haut degré, en faifoit néanmoins d'état, qu'il eftimoit beaucoup plus de crucifier fa chair avec toutes fes convoitifes, & fon efprit avec toutes ses volontés, que de reffufciter les morts.

fi peu

Notre Bienheureux étoit dans ce même fentiment; & quand on parloit d'un acte de vertu fait en la charité & par la charité, il l'appelloit un miracle de la grace. Sa raifon étoit, que comme le miracle eft une œuvre de Dieu, qui furpaffe les loix & les regles ordinaires de la nature; auffi l'œuvre méritoire faite par la grace furnaturelle en nous & par nous, étoit une opération comme miraculeufe. Notre Bienheureux ajoutoit qu'une once de grace fan&tifiante, valoit mieux que cent livres de celles que les Théologiens appellent gratuitement données, entre lefquelles eft le don de faire des miracles; car celles-ci peuvent fubfifter avec le péché mortel, & ne font pas néceffaires à falut, plufieurs les ayant eûës qui ne feront pas fauvés, au lieu que quiconque meurt avec le moindre degré de grace juftifiante, ne peut être damné, & il a part à l'héritage du falut.

Ajoutez que les graces que l'on appelle gratuitement données, ne font pas ordinairement pour le fujet qui les poffede, mais pour l'édification du prochain; au lieu que la grace juftifiante & fanctifiante eft pour le fujer où elle eft répandue par le S. Efprit, & y forme le caractere des enfans de Dieu.

Ce

P

CHAPITRE XII.

que le Bienheureux répondit au confeil
qu'on lui donna, au fujet du Livre
de l'Introduction.

Lufieurs de fes amis prudens de la prudence du
fiécle,
, ayant vû le grand accueil que
le public
avoit fait à fon Livre de l'Introduction, que l'uni-
vers a lû en toute forte de langues, lui confeillerent
de ne plus écrire, n'étant pas poffible qu'il pût ja-
mais rien faire qui eût un pareil fuccès.

Il me dit un jour à ce fujet que l'efprit de la prudence divine & chrétienne, étoit bien différent de l'efprit de la prudence humaine & du fiécle, & que les maximes du Crucifix étoient bien oppofées à celles du monde. Voyez-vous, difoit-il, ces difoit-il, ces bonnes gens m'aiment, & c'est l'amour qu'ils me portent qui les fait parler ainfi : mais s'il leur plaifoit de détourner tant foit peu leurs yeux de moi, homme vil & pauvre, & les arrêter fur Dieu, ils parleroient bien un autre langage.

*Car fi Dieu a voulu donner bénédiction à ce petit ouvrage, pourquoi la dénieroit-il à un fecond; & fi de ce premier il a tiré fa gloire, comme autrefois il

2

fit fortir la lumiere du milieu des ténebres, & le feu 2. Mach. 117 facré du milieu de la boue: fon bras eft-il racourci & Isa. 50. 2. fa puiffance diminuée ? & ne peut-il pas faire encore fortir l'eau vive & défaltérante de la machoire d'un Judic.15. 19. Afne.

Mais ce n'eft pas à cela que penfent ces bons perfonnages, mais à ma gloire, à moi ; comme fi nous la devions defirer pour nous, & non pas la la rapporter à Dieu qui opere en nous tout ce qui en fort de bon.

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Or felon l'efprit de l'Evangile, tant s'en faut que nous devions nous arrêter à l'applaudiffement du Gal. 1. 10. monde, qu'au contraire S. Paul déclare que plaire aux hommes eft une mauvaise marque de ferviteur Jac. 4. 4. de Dieu : l'amitié du monde étant ennemie de Dieu.

Sur ce fondement, fi ce Livre m'avoit acquis quelque vaine eftime, je devrois en faire quelqu'autre de moindre prix pour rabattre ces fumées, & pour acquerir ce bienheureux mépris des hommes, qui nous rend d'autant plus agréables à Dieu, que nous fommes plus crucifiés au monde.

CHAPITRE

XIII.

Conduites différentes de deux notables
Directeurs.

L

E Bienheureux étant à Paris en 1619. plufieurs ames pieufes l'aborderent pour le confulter fur ce qui regardoit leur interieur & le bien de leur falut. Il eut le moyen par-là de confiderer la variété des traits dont Dieu fe fert pour attirer & conduire les ames à lui, & auffi de remarquer les différentes conduites desferviteurs de Dieu en la direction des ames.

la

Entr'autres il me dit un jour, qu'il avoit pris gar de à deux notables perfonnages, célebres pour prédication, & qui s'appliquoient à la direction, tous deux fort fideles ferviteurs de Dieu & d'une vie très-exemplaire, mais pourtant fi différens en leurs conduites, qu'elles fembloient prefqu'oppofées, bien qu'elles vifaffent à même but, qui étoit de faire fervir & glorifier Dieu fort parfaitement.

L'un, difoit-il, extrêmement févere & terrible, tant en fes prédications qu'en fa conduite fur les ames, où il ne parle que de mortifications, aufteri

:

tés, examens continuels & autres exercices rigoureux, & par cette crainte dont il remplit les efprits, il les porte à une exacte obfervance de la loi de Dieu & à un extrême foin de leur falut, fans néanmoins les gêner par aucuns fcrupules, mais les tenant dans une fujettion merveilleufe. L'effet de fa conduite eft tel que Dieu en eft fort craint & redouté, le péché fui comme le ferpent,& les vertus pon&tuellement pratiquées.

L'autre par le contrepied mene les ames à Dieu. Ses prédications ne font que d'amour de Dieu. Il fait plus aimer la vertu que haïr le vice, & plus aimer celle-là parce qu'elle plaît à Dieu, que parce qu'elle eft agréable en elle-même ; & plus haïr celui-ci parce qu'il déplaît à Dieu, que pour le dommage qu'il caufe à celui qui s'y livre. L'effet de cette conduite eft, que les ames en les ames en conçoivent un grand amour pour Dieu, mais amour pur & fort, & une grande dilection du prochain pour l'amour de Dieu.

Je ne pus en entendant ce récit m'empêcher d'admirer les voies de Dieu, & fes divines inventions pour le bien des ames qu'il appelle à fon service, & comme par diverfes routes on peut arriver au même

terme.

CHAPITRE XIV.

Comment il fe faut comporter dans les
calomnies.

O

N demandoit une fois à notre Bienheureux s'il ne falloit pas repouffer la calomnie avec les armes de la vérité.

Il répondit qu'en femblable occafion plufieurs verrus demandoient à être exercées.

1

La premiere eft la verité, à laquelle l'amour de Dieu & de nous-mêmes en Dieu nous oblige de rendre témoignage ; mais témoignage doux & paifible, fans trouble ni empreffement, & fans fouci de l'évenement. Notre Sauveur étant accufé d'avoir le déJoan. 8. 48. mon, répondit tout fimplement, je n'ai point le démon. Vous blâme-t-on de quelque grand & fcandaleux défaut,fi vous ne le reconnoiffez point en vous, dites tout fimplement & fans émotion, que par la grace de Dieu vous ne l'avez pas.

2. Si l'on continue à vous le reprocher, l'humilité demande ici fa part, & l'occafion est belle de la pratiquer, difant que vous en avez bien de plus grands & qui ne font pas connus, que vous êtes miférable, & que votre mifere doit plûtôt exciter la compaffion que le couroux. Que fi Dieu ne foutenoit votre fragilité, vous commettriez des crimes bien plus énormes. Cette humilité ne préjudicie nullement à la verité; n'eft-ce pas un fentiment de vraie humilité & d'humble verité, que David diJal. 93. 17. foit que fi Dieu ne l'eût affifté, fon ame eût été habitante de l'enfer.

3. Perfevere-t-on à vous perfécuter: voici le filence qui demande fon rang, & qui defire s'y oppofer en pratiquant cet enfeignement du Roi ProphePfal. 37. 15. te: Je fuis devenu comme un homme qui n'a ni oreille, ni bouche pour repartir. Si la replique eft l'huile de la lampe de la calomnie, le filence eft l'eau qui l'éteint. Répondez-vous vous l'irritez: vous taifez-vous? vous l'appaifez.

Jac. I. 4.

4. Le filence eft-il infructueux? voici la patience qui demande fa place, & qui vous préfente un bouclier d'une trempe impénétrable. C'est-elle, dit le Texte Sacré, qui rend notre œuvre parfaite. C'estelle qui, jointe à la charité, nous place dans les

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