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défiance eft la mere de fureté, d'autant qu'elle fait tenir fur les gardes: c'en eft auffi une en matiere de vie fpirituelle, à raifon de quoi l'Ecriture nous avertit en tant d'endroits d'avoir attention fir -nous & de penfer à nos voyes. Qui néglige fa voye 16. fera tués qui méprise les petites choses tombera peu à peu

Prov. 19.
Eccli. 19.1.

Entret. 16.

Comme ceux qui marchent fur la corde tiennent des contre-poids pour fe conduire en équilibre fur un fr dangereux plancher,de même nous devons en cette vie, (où nous marchons en des lieux fi gliffans', que celui qui eft debout a bien de la peine à fe tenir droit,) marcher entre la crainte & l'efpérance, qui font les deux pieds de la défiance de nous-mêmes, & de notre confiance en Dieu.

Le fouvenir de nos fautes paffées nous doit apprendre combien nous fommes fragiles, & que fans la grace nous retomberions dans notre premier état, & ferions peut-être encore pis, les rechûtes étant ordinairement plus dangereufes que les maladies.

Il ne faut jamais fe confier en fa vertu paffée, ni en la multitude des richeffes fpirituelles, & des bonnes habitudes, que l'on penfent avoir amaffées; car notre infirmité eft fi grande, qu'il ne faut qu'un moment pour perdre ce que l'on a été long-tems à acquérir comme il ne faut qu'un quart d'heure pour voir confumer par un incendie une maifon que l'on aura remplie de biens pendant le cours & par le travail de plufieurs années.

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Je confirmerai ceci par une hiftoire rapportée par notre Bienheureux: » Nous avons befoin, dit-il, »de veiller à toute heure, pour avancés que nous foyons en la perfection, d'autant que nos paffions renaiffent, même quelquefois après avoir vêcu longuement en religion, & après avoir fait un

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grand progrès en la perfection, ainfi qu'il arriva » à un Religieux de S. Pacome nommé Sylvain, lequel étant dans le monde étoit Comédien de pro» feffion, & s'étant converti, & fait Religieux,. paffa l'année de fa probation, & même plufieurs » autres après dans une mortification très-exemplai»re, fans qu'on lui vît jamais faire aucun acte de » fon premier métier: vingt-ans après, il penfa qu'il pouvoit bien faire quelque badinerie, fous pré» texte de recréer les freres, croïant que fes paffions » fuffent déja tellement mortifiées, qu'elles n'euffent plus le pouvoir de le faire paffer au-delà d'une fimple récréation ; mais le pauvre homme fut bien trompé; car la paffion de la joye se réveilla tellement, qu'après les badineries, il parvint aux diffo» lutions, de forte qu'on réfolut de le chaffer du » Monaftere, ce que l'on eût fait fans un de fes fre"res Religieux, lequel fe rendit caution pour Syl» vain, promettant qu'il amanderoit, ce qui arri»va, & fut depuis un grand Saint.

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CHAPITRE XIX.

A quoi l'on peut connoître fi l'on avance dans

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la vertu.

NTRE plufieurs moyens il faifoit beaucoup de cas de celui-ci, fçavoir, d'aimer la correction & repréhenfion; car comme c'eft figne d'un bon eftomac, quand il digere facilement les viandes dures &groffieres, auffi eft-ce une bonne marque de fanté fpirituelle de pouvoir dire avec le Prophête, le jufte me corrigera dans fa mifericorde, mais l'huile Pfal. 140. 5. du pécheur, c'est-à-dire du flateur, n'engraiffera point ma tête.

&

C'eft un grand témoignage que l'on hair le vice, que les fautes que l'on commet procédent plûtôt de furprife, d'inadvertance, & de fragilité, que de malice & de propos déliberé, quand on a agréables les avertiffemens, qui nous font penser à nos voïes. Qui aime la correction, aime la vertu contraire au défaut dont il eft repris, & fait fon profit de ces avertiffemens, pour éviter le vice qui lui eft oppofé,

Le malade defireux de fa fanté prend avec coura ge les remédes qui lui font ordonnés pour âpres, ameres, & douloureux qu'ils puiffent être. Celui qui eft defireux de la vertu, en laquelle confifte la pleine fanté, & la vraïe fainteté de l'ame, ne trouve rien de difficile, pas même les corrections & repréhenfions, pour arriver à ce but.

Un autre moyen pour connoître fi l'on avance dans la vertu, eft de ne laiffer paffer aucune occafion de pratiquer l'humilité, dont il y en a de paffives, & d'autres actives. La plûpart ne veulent tâter que de celles-ci, & ont les autres à contrecœur. Je veux dire que nous prenons bien plaifir à nous humilier nous-mêmes, foit en paroles, foit en œuvres ; mais non pas à être humiliés par autrui. Chacun fe veut payer par fes mains, & de telle monnoïe qu'il lui plaît. Chacun fe veut corriger & reprendre foi-même, & non pas être corrigé ni repris par autrui.

Et cependant il eft certain qu'une once d'humiliation & de correction venant d'autrui, vaut mieux que plufieurs livres qui viennent de nousmêmes. Notre choix, notre goût, gâtent pour l'ordinaire nos meilleures actions, & lorfque nous. penfons qu'elles font pleines de fuc & de folidité, elles fe trouvent pleines de vent & de pouffiere,

comme ces fruits qui croiffent au rivage de la mer morte, qui ont l'écorce belle & vermeille, mais qui font remplis de pouffiere.

L

CHAPITRE

Du parler.

X X. *

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A parole montre l'homme, la langue a fa racine au cœur. Voulez-vous connoître fi un homme a le jugement fain, & la volonté bonne prenez garde à fes difcours, étudiez fes paroles, & quelque caché qu'il foit, vous reconnoîtrez ce qu'il est.

Les Médecins même n'ont point de meilleur moyen pour reconnoitre l'état d'un malade. On juge de la racine de l'arbre par les feuilles & par les fruits,& de la racine de la confcience par les paroles, parce que la bouche parle de l'abondance du cœur.

A quoi j'ajoûterai ce mot de notre Bienheureux, que qui retrancheroit les péchés de la langue, ôteroit du monde la troifiéme partie des péchés. Qui Cap. 3. v. z. ne péche point par la langue, dit S. Jacques, eft un homme parfait.

CHAPITRE XXI.

D'un Prédicateur qui refta tout court.

UN

N certain Religieux qui avoit parmi les fiens une grande réputation de doctrine, y étant Lecteur en Théologie, & qu'ils faifoient paffer partout pour un célébre Prédicateur étant venu à Anneffi, defira avec une extrême paffion de prêcher

en la préfence de notre Bienheureux, & y éraler fon éloquence, afin d'avoir quelque notable ftation d'Avent ou de Carême.

Notre Saint qui ne refufoit ni fa chaire, ni fes oreilles à aucun Prédicateur orthodoxe, condefcendit aifément à son defir, & fè trouva en fon thrône environné de fes chanoines, de fon Clergé & de fon peuple, à cette prédication fi étudiée & à laquelle tous fes freres n'avoient pas manqué de convier toute la Ville.

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Là, ce bon perfonnage s'embaraffant dans fes idées par quelque fecret jugement de Dieu tomba dans une telle confufion, qu'ayant parlé quelque tems à bâtons rompus fans favoir ce qu'il difoit, à la fin il fe tût tout-à-fait, fa mémoire ne lui fuggerant rien de meilleur que le filence,

Il fortit donc de cette façon avec une honte étrange, & il prit cette honte fi à cœur, qu'il entra en une mélancolie, voifine de la frenefie & du defefpoir. Il difoit des chofes qui faifoient frémir à entendre, s'en prenant à Dieu même. Il en vint jufqu'à ce point de vouloir mourir, ne pouvant plus, difoit-il, furvivre à cet afront, ni fermer l'œil ni jour ni nuit.

A la perte du repos il voulut joindre celle des repas, pour fe laiffer mourir de faim. Ils furent contraints d'appeller le S. Evêque pour le confoler, & lui perfuader de manger.

Le Bienheureux qui m'a lui-même raconté cette hiftoire, m'a dit que dans un perfonnage d'un inftitut fi auftere, il n'eût jamais imaginé tant d'immortification.

Enfin avec beaucoup de peine, & après plufieurs menaces de damnation, il le fit réfoudre à manger, mais à condition, qu'on lui promit de le changer,

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