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» Les Ifraëlites avoient raison, dit-il, de s'excu »fer aux Babyloniens, qui les preffoient de chanter » les facrés Cantiques de Sion ; mais ne voyez-vous » pas auffi que ces pauvres gens étoient non-feule»ment parmi les Babyloniens, mais encore captifs » des Babyloniens. Quiconque eft efclave des fa» veurs de la Cour, du fuccès du Palais, de l'honneur de la Guerre, ô Dieu, c'en eft fait, il ne fçauroit chanter le Cantique de l'amour divin : » mais celui qui n'eft en Cour, en Guerre, au Pa»lais que par devoir, Dieu l'affifte, & la douceur » célefte lui fert d'épithême fur le cœur, pour le pré» ferver de la contagion qui regne en ces lieux.

11 y a des poiffons qui au lieu d'empirer, se rendent meilleurs & de plus favoureux goût, quand ils quittent les eaux falées de la mer, pour entrer dans les eaux douces des rivieres, comme les faumons, les alofes & femblables; & de même que les rofes redoublent leur odeur plantées auprès des aulx, il y a auffi des ames qui redoublent leur piété dans les lieux où le libertinage & l'indévotion femblent traîner la vertu en triomphe.

Tel étoit celle de notre Bienheureux; car fçachant que celui qui étoit confacré à Dieu ne doit,.Tim. 3.4. 1.4.Epift. 82. point s'embarraffer dans les intrigues du fiécle, voici comment il parle à une ame confidente: Il faut avouer qu'en matiere de négociations & d'affai- « res, fur-tout mondaines, je fuis plus pauvre Prêtre « que je ne fus jamais, ayant, graces à Dieu, appris à la Cour à être plus fimple & moins mondain «

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A plus lâche de toutes les tentations, avoit coutume de dire notre Bienheureux, eft celle du découragement. Quand l'ennemi nous a fait perdre le courage de faire progrès en la vertu, il a bon marché de nous, & nous pouffe bien-tôt après dans le précipice du vice.

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Pour corriger ce défaut, notre Bienheureux difoit 1.5. Epift. s. un jour à une ame.» Ayez patience avec tous, mais principalement avec vous-même ; je veux dire que » vous ne vous troubliez point de vos imperfections, » & que vous ayez toujours le courage de vous en re» lever. Je fuis bien-aise de ce que vous recommen» cez tous les jours. Il n'y a point de meilleur moyen pour bien achever la vie fpirituelle que de toujours » recommencer, & ne penfer jamais avoir affez fait. En effet, comment fouffrirons-nous patiemment les défauts du prochain, fi nous fommes impatiens fur les nôtres propres.

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2. Comment reprendrons-nous les autres en ef prit de douceur, fi nous nous corrigeons avec dépit, aigreur & chagrin.

3. Qui fe trouble de fes imperfections ne sçauroit s'en corriger; car la correction, pour être utile, doit fortir d'un efprit tranquille & repofé.

CHAPITRE

MON

De la fouffrance.

I V..

N fils, dit le Sage, si vous prétendez vous ran- Eccli. 2. z. ger au fervice de Dieu, préparez votre cœur à la tentation; car celui qui n'eft pas tenté que fçait-il ? Eccli. 34».9% Comment peut-il, fans cela, prétendre à la couron- Jac. 1. 12. ne de vie. Ignorons-nous que c'est par les tribulations A&t. 14. 21. qu'il faut fe frayer le chemin à l'éternité ? Le Fils de Dieu étant entré dans fa gloire par la fouffrance, fi Luc. 24. 26. nous ne voulons porter notre croix, il ne faut pas

efperer d'être du nombre de fes Difciples. Si nous Luc. 14. 27ne fouffrons avec Jefus-Chrift, nous ne régnerons 2. Tim. 2.12 point avec lui.

Il nous faut, difoit notre Bienheureux, immo- « L. 5. Epift. 6. ler fouvent notre cœur à l'amour de Jefus fur l'Aue « tel même de la Croix, en laquelle il immola le fien « pour l'amour de nous. La Croix eft la porte royale pour entrer au Temple de la fainteté. Qui en cher-« che ailleurs n'en trouvera jamais un feul brin «.

Aimer Dieu parmi les profperités eft un bon amour, pourvû qu'on n'aime pas les profperités autant ou plus que Dieu; car Dieu ne veut avoir en notre cœur ni compagnon ni maître. Pour aimer Dieu comme il faut, il eft néceffaire de rapporter à fon amour les profperités qu'il nous envoie, & qu'il ne nous envoye que pour en être mieux fervi & glo.

rifié.

Le chemin eft bien plus court & moins embarras par les croix & les adverfités, & on y est moins fujet à prendre le change ou à s'amufer à la créature, au lieu d'aller jufqu'au Créateur; car l'amour de

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Dieu qui s'exerce dans la fouffrance, ne s'arrête point à la fouffrance qui n'a rien d'agréable que la feule main de Dieu qui l'envoye.

Qui aime Dieu dans les aifes & les profperités, a de la peine à épurer fon amour de toute attache & de toute complaifance en la profperité; mais en l'adverfité le vin de l'amour de Dieu n'a point de lie; c'est par une charité toute pure que l'on s'attache au Crucifié. La vraie marque d'un vrai, fincere & folide amour, eft de fouffrir volontiers & gaiement pour l'objet aimé mourir même pour lui, est une chose douce, & une preuve de parfaite dilection.

CHAPITRE V.

Des ames trop tendres fur elles-mêmes.

UOIQUE notre Bienheureux fût d'un naturel extrêmement doux & compâtiffant, néanmoins fa douceur étoit accompagnée de vigueur & de force, cela femblable à l'acier, qui eft d'autant plus fort, que fa trempe eft plus douce & pliable. ro Une marque de la vigueur & de la force de fon efprit, eft qu'il n'aimoit pas les ames molles & trop 'tendres fur elles-mêmes, combattant fans miféricorde cette molleffe & cette tendreffe, par-tout où il la rencontroit. Il faifoit une grande différence de la foibleffe & infirmité, ou de cette tendreffe ; car la foibleffe nous eft comme naturelle, c'eft pourquoi il étoit fi compâtiffant aux pauvres pécheurs, principalement à ceux qui tomboient par furprise & fragilité humaine, & fans grande malice; mais aux ames qui étoient trop tendres fur elles-mêmes, il étoit comme févere & rigoureux.

Il eftimoit cette tendreffe fur foi, tant fpirituelle que corporelle, une qualité non moins contraire à la folide & ferme dévotion, que l'empreffement; l'un & l'autre étant de grands fignes d'amour propre.

Il pratiquoit cette même féverité envers lui-même; & comme il fe plaignoit peu ou point des traverfes qui lui arrivoient, foit au corps, foit à l'efprit, jufques-là qu'en la maladie dont il mourut, à peine pouffa-t-il un léger soupir à la douleur violente qu'on lui fit, en lui appliquant le fer rouge pour le réveiller de fa létargie.

Il avoit tellement infpiré cet efprit à fes filles de la Vifitation, que plufieurs tomberent dans l'extrêmité, fouffrant toutes fortes de douleurs interieures & exterieures, fpirituelles & corporelles fans fe plaindre, s'imaginant que toute plainte étoit une marque de tendreffe fur elles-mêmes, & regardant cette tendreffe comme indigne de filles qui font profeffion de ne refpirer qu'au pied de la Croix de Jefus-Chrift: témoin cette bonne Sœur, laquelle v. p. 5. une heure avant que de mourir, fentant les douleurs de la mort, non-feulement qui l'environnoient, mais qui la ferroient de près, n'ofoit pourtant dire qu'elle fentoit bien du mal, se perfuadant qu'elle auroit commis une infidélité contre notre Sauveur, fans confiderer que Notre-Seigneut même

étant attaché à la Croix s'écria: Mon Dieu, mon Matt. 27. 46. Dieu, pourquoi m'avez-vous délaiffé ? & étant en fon

agonie dit à fes Difciples, que fon ame étoit trifte Matt. 26. 33. jufqu'à la mort.

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Notre Bienheureux enfeignoit aux malades à dire tout fimplement & naïvement leur mal, fans le diminuer par un faux courage, & fans l'augmenter par tendreffe ou lâcheté. Il vouloit en cela non-feulement la verité, mais la rondeur & fincerité. Après E e iiij

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