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Mais fi je m'y amufe long-tems, foit par inadvertance, foit par engourdiffement, foit par lâcheté de la combattre ou de la repouffer, n'y a-t-il pas quelque forte de complaifance?

Le mal de la tentation ne fe mefure pas par fa durée : elle pourroit nous travailler toute notre vie. Pourvû qu'elle nous déplaife, elle ne peut nous faire tomber dans le péché : au contraire fi elle nous déplaît, outre que ce déplaifir nous préserve de fon venin il nous fert de matiere de vertu, & par conLequent de couronne.

Mais je crains de m'y être plû ?

Cette crainte eft une marque qu'elle vous a déplû; car on ne craint pas ce qui agrée, & on s'effraye du mal: fi vous avez eu le loifir ou le jugement de confiderer la tentation comme un mal, elle n'a pû vous agréer.

Toujours eft-ce mal fait de s'y amuser ?

Si cet amufement précéde le plein ufage de la raifon, il n'eft pas de grande importance; & pour faire que cette délectation, qu'on appelle morofe, foit péché, il faut quelque forte de malice volontaire & de confentement.

Mais à quoi connoîtra-t-on ce confentement?

Il eft malaifé de le definir, & c'eft ici qu'il faut dire avec le Prophete: Qui eft-ce qui connoit le vrai print du péché à raifon de quoi il crie au Seigneur, Pfal. 18. 156 purifiez-moi, & délivrez-moi des fautes cachées ; c'eftà-dire, des péchés qu'il ne pouvoit bien difcerner.

Néanmoins je vous dirai à ce propos ce que j'ai autrefois appris de notre Bienheureux, lui faifant fur cela quelque interrogation: Lorfque vous douterez, me dit-il, d'avoir confenti au mal, prenez toujours ce doute pour une négative. En voici la raison. C'est que pour commettre un péché, il faut un con

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fentement de la volonté, n'y ayant aucun péché s'il n'eft volontaire. Ne croyez pas aisément avoir . Joan. 3. 21. donné le confentement; car fi votre cœur ne vous le reproche pas, vous devez être tranquille.

CHAPITRE X.

De la Vanité.

'EST une vanité dans l'entendement de penCfer être plus que l'on eft; mais c'en eft une plus plus dangereufe dans la volonté, d'afpirer à une condition plus haute que celle que l'on à, & s'ima→ giner qu'on la mérite.

Celui qui croit être plus qu'il n'eft, a quelque image de contentement en fa pensée, & par conféquent une espéce de tranquillité; mais celui qui prétend à une condition plus élevée que celle où il fe trouve, eft dans une inquiétude continuelle, & dédaigne tout ce qui lui eft inférieur ou égal, & n'eftime heureux que ceux qui font audeffus de lui, au rang defquels il aspire. Y eft-il arrivé, il voit que ce n'eft qu'un dégré pourprétendre encore plus haut, & ainfi paffe fa vie en prétentions, comme un voyageur qui ne regarde les hôtelleries que comme un lieu où il paffe, & où il ne fe doit point arrêter.

Notre Bienheureux s'eftimant déja trop haut monté dans les dignités de l'Eglife, penfoit plûtôt à en defcendre qu'à monter plus haut, & à la retraite de la folitude, qu'à de plus grands emplois. Il craignoit même cette grande eftime, en laquelle il fçavoit être, & apprehendoit d'être moins ferviteur Galat. 1. 10 de Dieu, voyant qu'il plaifoit tant aux hommes. Un jour quelque perfonne lui ayant demandé

comment il pouvoit conferver l'humilité franche parmi tant d'applaudiffemens & de louanges? il lui répondit: Vous me faites grand plaifir de me re-L. 4. Epis. 55. » commander la fainte humilité : car fçavez-vous ?

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quand le vent s'enferme dans nos vallées entre nos » montagnes, il ternit les petites fleurs & déracine » les arbres; & moi qui fuis logé un peu bien haut » en cette charge d'Évêque, j'en reçois plus d'in

» commodité.

»O Seigneur, fauvez-nous, commandez à ces Matt. 8. 25. » vents de vanité, & une grande tranquillité fe fera.

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CHAPITRE XI.

De la Sainte Communion.

Es fentimens étoient très-doux & très-fuaves touchant la fainte Communion au Corps & au Sang de Jesus-Christ au très-faint Sacrement de l'Euchariftie, & tellement temperés par le divin amour, que la crainte refpectueufe ne portoit aucun préjudice à la confiance, ni la confiance au refpect.

Il difoit quelquefois que le Sauveur ne pouvoit être confidéré en un Myftere plus doux, plus aimable, plus favoureux, ni plus ravissant. Il défiroit d'un grand defir que l'on s'anéantît en recevant la fainte Euchariftie, en la maniere que le Sauveur s'anéantifoit pour fe communiquer à nous, inclinant les cieux de fa grandeur, pour s'accommoder pfal. 17. 10. & s'unir à notre baffeffe.

Mais vous ferez plus contents d'entendre fon fentiment exprimé par fes propres paroles : En voici qui me femblent plus douces que le fucre & le miel, & que je vous prie de favourer comme elles le mé

ritent: elles font dites à une ame, qui par qui par une fau fle imagination d'humilité n'ofoit approcher de ce divin Myftere, difant avec S. Pierre, mais non pas felon Luc. s. 8. l'efprit de S. Pierre: Retirez-vous de moi, Seigneur ; & il les lui fit fuggerer par une perfonne confidente.

L. 4. Epit. $6.

Tit. 2. 13.

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» Dites lui qu'elle communie hardimenten paix » avec toute humilité, pour correfpondre à cer époux, qui pour s'unir à nous s'est anéanti & sua>vement abaiffé, jufqu'à fe rendre notre viande & pâture, de nous qui fommes la pâture & viande » de vers. O qui communie felon l'efprit de l'E» poux, s'anéantit foi-même, & dit à notre Sei» gneur, mâchez-moi, digerez-moi, anéantissez » moi, & convertiffez-moi en vous. Je ne trouve »rien au monde dequoi nous ayons plus de poffef»sion, & fur quoi nous ayons tant de domination que la viande, que nous anéantiffons pour nous conferver; & notre Seigneur eft venu jusqu'à cet » excès d'amour que de fe rendre viande pour nous. >>Et nous, que ne devons-nous pas faire afin qu'il »nous poffede, qu'il nous mange, qu'il nous mâ» che, qu'il nous avale & ravale, qu'il faffe de nous » à fon gré.

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Attendre & foutenir le Seigneur.

TTENDRE le Seigneur, c'eft attendre en

A tranquillité d'efprit la bienheureuse espérance

de l'effet de fes promesses, au tems qu'il a déterminé de les mettre à exécution. C'est cette bienheureufe efpérance qui rend fi tranquilles & paisibles les ames qui font dans le Purgatoire, & qui rend leur patience tellement triomphante de leurs douleurs, qu'elles ne peuvent former aucune plainte,

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ni produire le moindre acte d'impatience, niavoir la moindre volonté contraire à celle de Dieu.

Pour avoir cette efperance il faut un courage mâle, & nullement lâche & efféminé ; à raifon de quoi le Prophete Ifaïe dit que ceux qui efperent en Dieu cap. 40. vi (d'une efperance animée de charité) changent de 31. force, prenant une vigueur plus que naturelle, & s'élevant fur des ailes d'aigles, oifeau qui s'éleve dans les airs, fans s'abbattre que quand il lui plaît.

Soutenir le Seigneur, c'eft fupporter les afflictions qui nous arrivent de la part de Dieu, avec une fermeté de courage qui nous faffe efperer contre toute Rom. 4. 18. efperance, & qui nous faffe dire avec le faint homme Job: Quand le Seigneur me tuëroit, j'efpererai encore Ch.13. v. 15. en lui.

CHAPITRE XIII.

Ou mourir, ou aimer.

A devife de fainte Therefe étoit, ou fouffrir, on mourir, car l'amour divin avoit tellement attacat ché à la Croix cette fidelle fervante de Jefus crucifié,qu'elle ne vouloit vivre que pour avoir le moyen de fouffrir pour fon amour.

Le grand & féraphique S. François étoit dans ce même fentiment, eftiinant que Dieu l'eût mis en oubli, & même s'en plaignant amoureusement, lorfqu'il avoit paffé quelques jours fans être vifité de quelque douleur ; & comme il appelloit la pauvreté fa maîtreffe, il nommoit la fouffrance fa fœur.

Certes, comme la fouffrance avec l'amour, & par l'amour de Dieu, eft le chemin & la vraie porte du Ciel, auffi fans cet amour c'eft un enfer anticipé. Ff

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