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jet: Il ne faut rien demander à Dieu plus inftamment que le pur & faint amour de notre Sauveur. « O qu'il nous faut defirer cet amour, & qu'il nous « faut aimer ce defir! puifque la raifon veut que « nous defirions d'aimer ce qui ne peut jamais être « affez aimé, & que nous aimions à defirer ce qui ne peut jamais être affez defiré «.

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Ous appellons en notre langue ceux qui font morts, trépaffés, comme fi nous voulions dire qu'il font paffés de cette vie à une meilleure ; & à dire le vrai, ce féjour que nous faifons fur la terre aux jours de notre chair, & à qui nous donnons le nom de vie, eft plûtôt une mort qu'une vie, puisque chaque moment nous mene au tombeau.

Ce qui faifoit dire à cet ancien Philofophe, que nous mourons tous les jours, & que tous les jours eft ôtée quelque portion de notre être. Delà ce beau mot de la fage Thécuite : nous mourrons tous, & nous 3. Reg. 14. 14. fommes fur la terre comme le décours des eaux, qui se vont toutes engouffrer dans la mer.

La nature a empreint en tous les hommes l'hor reur de la mort : le Sauveur même époufant notre Hebr. 4. 15 chair & fe rendant femblable à fes freres, excepté le péché, n'a pas voulu s'exempter de cette infirmité, quoiqu'il fçût que ce paffage le devoit exempter des miferes humaines, & le transferer dans une gloire qu'il poffédoit déja, quant à son ame.

Un Ancien difoit que la mort ne doit point être Mala mors estimée un mal, ni être regardée comme fâcheufe, eft quam bonn pulanda non

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cit malam

vita præceffit: quand elle a été précédée par une bonne vie : can neque enim fa- rien ne la rend fi redoutable que ce qui la fuit. mortem, nifi Mais contre ces frayeurs qui naiffent de l'appréquod fequitur henfion des jugemens divins, nous avons le bou

mortem.

clier de la bienheureufe efperance, laquelle nous

faifant jetter toute notre confiance, non en notre vertu, mais en la feule miféricorde de Dieu, nous Pfal. 24. 3. affure que ceux qui efperent en fa bonté, ne font jamais confondus en leur attente.

Mais j'ai commis beaucoup de fautes, il est vrai : mais qui feroit le fou qui pensât en pouvoir commettre plus que Dieu n'en fçauroit pardonner, & qui oferoit mefurer la grandeur de fes crimes à l'immenfité de cette miféricorde infinie qui les noye dans le profond de la mer de l'oubli, quand nous nous en repentons pour fon amour. Il n'appartient Gen. 4. 13. qu'aux défefperés, comme Cain, de dire que leur péché eft fi extrême qu'il n'y a point de pardon; car Pf. 129. 7. il y a une mifericorde en Dieu & une rédemption abondante: c'est lui qui rachete Ifraël de toutes fes iniquités.

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Ecoutez une belle confolation que donnoit notre Bienheureux à une ame environnée & affaillie des frayeurs de la mort & de la terreur des jugemens qui 2. 4. Ep. 29. la fuivent. » O, dit-il, cette mort eft hideuse, il est » bien vrai, mais la vie qui eft au-delà & que Dieu » nous donnera, eft bien fort defirable auffi, & fi » il ne faut nullement entrer en défiance; car bien que nous foyons miférables, fi ne le fommes-nous "pas à beaucoup près de ce que Dieu eft miféricor»dieux à ceux qui ont volonté de l'aimer, & qui » ont logé en lui leurs efperances. Quand le Bienheureux Cardinal Borromée étoit fur le point de » la mort, il fit apporter l'Image de Notre-Seigneur mort, afin d'adoucir fa mort par celle de fon Sau»veur. C'eft le meilleur remede de tous contre l'ap

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préhenfion de notre trépas, que la pensée de celui qui eft notre vie, & de ne jamais penfer à l'un, qu'on n'ajoute la penfée de l'autre «.

Il est vrai, certes, que dans la vûë de nos péchés paffés, nous devons toujours être en crainte & en amertume, mais il n'en faut pas demeurer là ; il faut paffer outre & appeller à notre fecours la foi, l'efperance & l'amour de la divine & infinie bonté t ainfi notre amertume très-amere fe convertira en paix, notre crainte de fervile deviendra chafte & filiale, & la défiance de nous-mêmes, qui eft un aloës fort amer, fera adoucie par le fucre de la con

fiance en Dieu.

Celui qui s'arrête à la feule défiance & crainte, fans paffer à l'efperance & à la confiance, reffemble à celui qui en un rofier ne cueilleroit que les épines & laifferoit les rofes. Il faut imiter les Chirurgiens, qui n'ouvrent point la veine que les bandages ne foient tous prêts pour arrêter le fang. Celui qui fe Pfal. 194. to confie en Dieu fera comme le mont de Sion, qui ne s'ébranle par aucun orage.

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OMME en la vie corporelle les beaux jours font bien plus rares que les ténébreux, pluvieux & fâcheux, cette vie étant ainfi faite que les épines y furpaffent de beaucoup les rofes; de même en la vie fpirituelle les abandonnemens, les fechereffes & obfcurités y font bien plus fréquentes que les confo lations & lumieres céleftes. Sous certe angoiffe fou piroit David, quand il disoit à Dieu qu'il lui rendît

Pf. 50. 13. la joie de fon falutaire, & le confirmât de fon efprit principal.

Cependant c'est parmi ces détreffes interieures, comme fous l'étreinte de la clef d'un preffoir, que coule le plus pur vin du faint amour ; c'eft-là que la Jac. 1. 4. patience, entée fur la dilection, produit fon œuvre parfaite.

Plufieurs ont tort de s'imaginer alors que Dieu foit 1. Joan. 3.20. Couroucé, quoique leur cœur ne les reprenne point, 2. Cor. 1. 13. & que leur confcience leur donne bon témoignage; Pfal. 99. 15. car il a dit qu'il eft avec nous en la tribulation, & Luc. 14. 27. que fans porter la croix on eft indigne de fa fuite. Ezech. 9. 4. Le Tau, c'est-à-dire, la Croix, n'eft-elle pas la marque des élûs.

Luc. 9. 33.

En la naiffance de Jefus, tandis tandis que les Bergers étoient parmi les mufiques & les lumiéres céleftes, Marie & Jofeph étoient dans l'étable parmi les larmes du petit Enfant & dans les obfcurités de la nuit. Cependant, qui préferera la condition de ceux-là à la condition de ceux-ci, & qui n'aimera mieux être avec Jefus, Marie & Jofeph parmi les obfcurités, que dans les raviffemens des Bergers, leurs joies fuffent-elles angéliques?

S. Pierre difoit parmi les triomphes du Thabor: Il eft bon d'être ici, faifons-y trois Tabernacles ; & pourtant il ne fçavoit ce qu'il difoit : mais l'ame fidelle aime autant Jefus défiguré fur le Calvaire parmi les ténébres, le fang, les croix, les clous, les épines & l'horreur de la mort, & dit de tout fon cœur parmi ces abandonnemens, faifons ici trois demeures, l'une pour Jefus, l'autre pour fa fainte Mere, l'autre pour le Disciple bien-aimé. Cette pensée eft de L.4. Ep. 45. notre Bienheureux, ce que je vous dis afin qu'elle vous foit en plus grande vénération.

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'ETOIT l'opinion de notre Bienheureux, que nulle plainte ne fe pouvoit faire, quelque juste qu'elle fût, fans quelque forte d'amour propre, & que les grandes & longues plaintes étoient une marque évidente de trop de tendreffe fur foi, ou pour mieux dire, d'une lâcheté manifeste.

Car enfin, à quoi fervent les plaintes, finon à battre l'air, & pour témoigner à tout le monde que fi l'on fouffre le tort dont on fe plaint, c'eft à regret, avec tristeffe, & non fans quelque defir de vengeance. La rouë la plus mal graiffée eft celle qui fait le plus de bruit; & celui qui a le moins de l'onction de la patience, eft celui qui fait fonner fes plaintes plus

haut.

Cependant tous les enfans des hommes fe trom- Pfal. 6t. 19. pent en leurs balances; car ce n'est pas l'intention de ceux qui fe plaignent d'être tenus pour impatiens au contraire, ils difent que fi ce n'étoit ceci ou cela, qu'ils diroient, qu'ils feroient, & que fi Dieu ne défendoit la vengeance, ils en prendroient une fignalée.

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Certes, cette foibleffe d'efprit eft digne de compaffion, & tout-à-fait indigne d'un courage qui fe dit confacré au fervice de la Croix de Jefus-Chrift.

Ce n'eft pas qu'il foit défendu abfolument de se plaindre parmi les grandes douleurs du corps ou de l'efprit, ou parmi les grandes pertes. Job, ce miroir de patience, en a exalé plufieurs fans préjudice de cette vertu, qui l'a rendu fi fameux en la mémoire de la pofterité, & tant eftimé de Dieu.

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