ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

4.4. Ep. 15.

Non-feulement ce ne feroit pas bien fait, mais poffible y auroit-il du péché, de celer tellement une douleur corporelle, fous prétexte de fuïr la plainte, que l'on n'eût pas recours au Médecin, nî aux remedes, & qu'ainfi on fe mît en danger de mort. Dieu même qui eft tout parfait, ne laiffe pas de faire réfonner fes plaintes contre les pécheurs en une infinité d'endroits des faintes Ecritures.

Il faut donc ici garder un jufte tempéramment, & bien que quelquefois il faille fouffrir en fe taisant, d'autrefois il faut exprimer fes juftes douleurs, le Fils de Dieu même exemplaire de la montagne de perfection, ayant pleuré & crié hautement à la mort de Lazare & en la Croix. La mefure qu'il faut garder en la plainte eft celle de la difcrétion, que S. Antoine appelloit la régente & gouvernante au royaume des vertus,

[ocr errors]
[ocr errors]

دو

رو

رو

رو

Sur cela nous avons une excellente leçon de notre Bienheureux : » Il faut s'abstenir, dit-il, d'une imperfection infenfible, mais grandement nuisible, de laquelle peu de gens s'abftiennent, qui eft que s'il nous arrive de cenfurer le prochain ou de nous plaindre de lui, ce qui nous devroit rarement arri» ver, nous ne finiffons jamais, mais recommençons toujours, & répetons nos plaintes & doléances » fans fin, qui eft figne d'un cœur piqué & qui n'a » encore point de vraie charité. Les cœurs forts & puiffans ne s'affligent que pour de grands fujets, & » encore pour ces grands fujets ne gardent-ils gueres ນ. » le sentiment, au moins avec trouble & empreffe »ment. Ces dernieres paroles font la vraie pierre de touche qui difcerne les plaintes injuftes de celles qui font juftes; car comme celles-là font toujours inquietes & couroucées, auffi celles-ci font toujours tranquilles, douces, aimables, repofées & sembla

"

bles au gémiffement de la colombe qui n'a point de fiel & qui ne fe plaint qu'avec amour.

CHAPITRE

[ocr errors]

X I.

Des aufterités indiscretes.

'EST un des écueils où donnent affez ordinairement ceux qui commencent à s'adonner à la dévotion. Il leur eft avis qu'ils n'en font jamais affez, comme voulant à force de bras réparer les fautes paffées, & ils ne penfent jamais fi bien faire quand ils gâtent tout. Le mauvais efprit qui contre nous fait fléche de tout bois, fe fert de ces ferveurs immoderées pour les rendre enfuite inhabiles aut fervice de Dieu faute de vigueur corporelle.

que

Il faut avoir l'efprit plus avifé, & fe fouvenir que Dieu veut de nous un fervice raifonnable, & que Rom. 12. 7, fon honneur requiert du jugement. S. Bernard au commencement de fa converfion chopa à cette pierre, & fur la fin de fa vie il fe plaignoit de les aufterités paffées, comme les autres fe plaignent de leurs débauches, & par humilité les appelloit les erreurs Pfal. 24. 70 de fa jeuneffe.

Je connois une perfonne d'infigne doctrine & vertu, qui a ruiné en lui la plus floriffante & vigoureufe complexion que je connus jaunais, & qui ne s'eft avifé que trop tard de cette tentation. Je fis tous mes efforts pour moderer fes ferveurs, mais je lui fus une Caffandre; je lui prédis la verité, mais je ne fus pas crû.

A une Religieufe, qui fous le manteau de pénitence embraffoit plus d'âpretés corporelles que fa délicate & foible complexion ne pouvoit porter, notre Gg. iiij

Bienheureux donne ce confeil digne de fa douceur L.4. Ep. 16. & de fa prudence: » Ne chargez point votre foible » corps d'aucune autre aufterité que de celles de celles que la

1.4. Zp. 30.

[ocr errors]

"

[ocr errors]

» regle vous impofe. Gardez vos forces corporelles pour en fervir Dieu ès pratiques fpirituelles, que fouvent nous fommes contraints de laiffer, quand » nous avons indifcretement furchargé celui qui avec l'ame les doit exercer,

Fort peu de gens, je dis même entre les fpirituels, tiennent la balance égale en ceci. L'efprit qui eft prompt, furchargeant prefque toujours la chair qui eft infirme, fans confiderer que comme l'efprit ne la peut fupporter quand elle eft trop graffe, elle ne peut auffi porter l'efprit quand elle eft trop maigre.

CHAPITRE XII.

La gloire de Dieu eft la fin de notre falut.

N defire que j'explique cette Sentence de notre Bienheureux : » Ce que nous faifons pour notre falut eft fait pour le fervice de Dieu; car »notre Sauveur même n'a fait en ce monde que » notre falut.

J'ai de coutume de vous dire que celui-là n'envifage pas premierement la gloire de Dieu, qui ne fert Dieu que pour la récompense, même celle du

Paradis.

Demandez à la plupart des Chrétiens qui font de bonnes œuvres, pourquoi ils les font ; ils vous répondront que c'eft pour faire leur falut. Mais fi vous pourfuivez à leur demander pourquoi ils defirent fi paffionnément leur falut, vous verrez auffi-tôt que leur bouche parlant de l'abondance de leur cœur,

ils vous confefferont ingénuement que leur principale vûë eft celle des biens honorables, utiles & délectables qu'ils attendent en la céleste félicité. Si vous leur parlez d'y glorifier Dieu, vous vous appercevrez qu'ils n'en font que l'acceffoire.

Cependant la fin derniere pour laquelle Dieu a créé & le Paradis, & toutes chofes, eft fa gloire, non pas la leur qui n'eft que la fin prochaine, & le moyen pour arriver à cette derniere. Le Prophète l'entendoit bien, lorfque parlant de la béatitude céleste, & appellant bienheureux les habitans de cet- Psal. 83. na te céleste demeure, il ne les dit pas tels pour les honneurs, les délices & les richeffes feulement dont ils jouiront, mais parce qu'ils y loüeront Dieu dans les fiécles des fiécles.

Il est donc vrai que ce que nous faifons pour notre falut eft fait pour le fervice de Dieu, pourvû que nous rapportions notre falut à fa gloire en fin derniere. Il eft vrai auffi de dire que notre Sauveur n'a fait en ce monde que notre falut en fin prochaine, mais qu'il l'a rapporté en fin derniere à la gloire de fon Pere, lui-même difant qu'il n'étoit pas venu pour Joan, 3, 50%) chercher fa gloire, mais la gloire de celui qui l'avoit envoyé, même jufqu'à protefter, que s'il cherchoit fa gloire, fa gloire ne feroit rien, c'eft-à-dire, feroit v. 4 vaine, fi la gloire de Dieu n'étoit pas fa principale fin.

C'est ainfi qu'il faut entendre notre Symbole, quand il dit que Jefus-Chrift, pour l'amour de nous & pour notre falut, eft defcendu des Cieux, s'est incarné, s'eft fait homme, & a été crucifié; car ce pour nous ne fe doit point prendre comme fi nous & notre falut étions la derniere fin de l'Incarnation, & de la Paffion de Jefus-Chrift, & non la gloire de fon Pere.

CHAPITRE XIII.

De la bénignité & patience envers foi-même.

P

UISQUE la mefure & le modèle de l'amour que Dieu nous com mande d'avoir le pour pro+ chain fe doit prendre fur l'amour jufte & chrétien que nous nous devons porter à nous-mêmes; comme la charité qui eft patiente& bénigne nous oblige à corriger le prochain de fes défauts en efprit de douceur, il ne trouvoit pas bon que l'on changeât de conduite quand on fe corrigeoit foi-même, ni qu'on fe relevât de fes chûtes en fe gourmandant avec rudeffe & âpreté.

Quoi, dira-t-on, fe faut-il flater foi-même ?

Et qui vous a dit qu'en corrigeant le prochain il Pfal. 140. s. le fallût flater? N'est-ce pas là l'huile du pécheur, dont le Prophete ne veut point qu'on lui graiffe la Zur. 10. 44. tête: ne faut-il pas imiter le bon Samaritain, qui verfa l'huile & le vin dans les playes du bleffé, mêlant la fuavité des paroles avec l'amertume naturelle de la réprehenfion? Reprendre le prochain en l'injuriant & menaçant, n'eft pas le corriger, mais l'irriter, c'est mettre du fiel dans fa viande, & du vinaigre dans fon breuvage.

Que fi nous devons tellement affaifonner les répréhenfions du prochain, qu'il y ait plus d'huile que de vinaigre, pourquoi ferions-nous moins pitoyaphef. 5. 29. bles à nous-mêmes, vû que nul ne hait fa propre chair, Matt. 7.12.& s'il faut faire à autrui ce que nous voudrions nous être fait, pourquoi ne ferons-nous pas envers nous-mêmes, ce que la droite raifon nous dicte devoir être fait à autrui.

Ecoutez cette exquife leçon de notre Bienheu

« ÀÌÀü°è¼Ó »