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CHAPITRE XIX.

Des longues maladies.

Es maladies violentes, ou s'en vont bien-tôt, ou nous emportent au tombeau ; les maladies lentes font plus longues, & n'exercent pas moins la patience des malades que de ceux qui les affiftent.

Voici comme en parle notre Bienheureux. Les « L. 4. Ep. 67. maladies longues font de bonnes écoles de miféri- «< corde pour ceux qui affiftent les malades, & d'a- « moureufe patience pour ceux qui les fouffrent : « car les uns font au pied de la Croix avec Notre-«< Dame & S. Jean, dont ils imitent la compaffion; « & les autres font fur la Croix avec Notre-Seigneur, « duquel ils imitent la paffion

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Mais comment peut-on imiter cette compaflion & cette paffion, fi on ne fouffre de part & d'autre avec charité ? car la fainte Vierge & faint Jean ont eu une compaffion d'autant plus douloureuse, que leur amour étoit plus grand envers le cher Crucifié.

Ce fut au pied de la Croix que le glaive de douleur tranfperça l'ame de la fainte Vierge. Ce fut là que lui furent réfervées les tranchées qu'elle ne reffentit point en fon enfantement: & ce fut là que le Disciple bien-aimé but le calice d'amertume que le Sauveur lui avoit prédit après lui avoir communiqué les excès du Thabor.

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Toute la vie du Chrétien n'eft autre chose qu'une

longue fouffrance. Vous êtes époufe, difoit notre « L.. 4 Ep. 620 Bienheureux à une ame qui étoit fur la croix, non « encore de Jefus glorifié, mais de Jefus crucifié : « c'est pourquoi les bagues, les carquans & les en- «

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feignes qu'il vous donne & dont il vous veut parer font des croix, des clous, des épines, & le festin des nôces est de fiel, d'hyffope, de vinaigre. » Là haut nous aurons les rubis, les diamans, les émeraudes, le vin épuré, la manne & le miel.

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Le monde est une carriere en laquelle font piquées & taillées les pierres vivantes, qui doivent fervir à la conftruction de la célefte Jérufalem, comHymne de la me le chante l'Eglife: Tunfionibus pressuris expoliti dicate. lapides, &c.

Fête de la Dé

Rem, 8. 35.

CHAPITRE XX.

Des diftractions inféparables des affaires.

U plaignoit des embarras attachés à la fuperiori

NE Superieure foupiroit après le repos, & fe

té, qui, difoit-elle, la diftrayoient de fon union
avec Dieu; il lui ferma la bouche, en lui remon-
trant que rien ne nous peut féparer de Dieu
péché.

que le

S. Paul fait un défi à toutes les créatures du Ciel & de la terre, & comme les bravant, protefte qu'aucune ne fera capable de le défunir de la charité de fon Dieu.

C'est une erreur manifefte de penfer que les occupations légitimes nous défuniffent du divin amour. Il n'y a point au contraire de plus fort ciment pour nous lier à Dieu que de les faire purement pour fa gloire. Les quitter pour s'unir à Dieu par l'oraison, la folitude, la lecture, le filence, le recueillement, le repos, la contemplation; c'eft plûtôt quitter Dieu pour s'unir à foi-même & à fon amour propre.

Quiconque laiffe les fonctions de fon état pour fe

ni

livrer à des occupations qui lui agréent, quelque pieufes qu'elles paroiffent, ne fait rien qui vaille, & voulant fervir Dieu à sa mode, ne fait rien, pour Dieu, ni pour foi : car Dieu veut être fervi felon fa volonté, non felon la nôtre; & comment pouvons-nous être unis à Dieu, refufant de foumettre notre volonté à la fienne ?

Il y a bien de la différence entre être distrait de Dieu & être diftrait de la douceur qui fe trouve dans le fentiment de fa préfence. Il eft vrai que dans les occupations & les follicitudes inféparables du gouvernement, on ne goûte pas toujours cette fuavité; mais quand on s'en prive pour Dieu, & que c'eft à fa gloire que l'on rapporte tous fes foins, l'on perd pour gagner, & on laiffe le fuave pour le folide. Si Dieu eft avec nous en la tribulation, comme il nous en affure par fon Prophete, comment n'y Pfal. 90. 18, fera-t-il pas, lorfque nous ne travaillons que pour fon fervice & pour la gloire de fon amour?

Pour fortifier cette ame, voici ce que notre Bienheureux lui dit enfuite: A mefure que vous entre- « L. 6. Ep. 34. prendrez fous la force de la fainte obéiffance beau- « coup de chofes pour Dieu, il vous fecondera de « fon fecours, & fera votre befogne avec vous, fi « vous voulez faire la fienne avec lui. Or la fienne « eft la fanctification & perfection des ames. Tra- « vaillez humblement, fimplement & confidem-« ment à cela, vous n'en recevrez jamais aucune dif- « traction qui vous foit nuifible. La paix n'est pas « juste qui fuit le travail requis à la glorification du « nom de Dieu «.

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D'un établissement de Filles pour l'inftruction, qui gagnaffent leur vie de leur travail.

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UE je ferois confolé, fi avant que de mourir je pouvois voir en l'Eglife de Dieu une fociété de filles & de femmes, où l'on ne portât d'autre dot qu'une bonne volonté & l'induftrie de gagner fa vie du travail des mains, & qui pour cela n'eût point d'autre chœur que la falle du travail, où toutes enfemble participaffent à la félicité dont parle le ProPfal. 127. 2.phete: Vous ferez bienheureux fi vous mangez le fruit des travaux de vos mains.

Mon Dieu ! la grande confolation de manger fon pain à la fueur de fon visage & de pouvoir dire avec 4. 20. 34. le grand Apôtre: Voilà des mains qui non-feulement m'ont fourni les chofes néceffaires, mais encore à ceux qui fouffroient la néceffité. Cette pauvreté est plus exquife devant Dieu que tous les trésors de la terre. C'est en cela que confifte la vraie pauproprement vreté évangélique, telle que l'a pratiquée notre Sauveur, & à fon imitation la fainte Vierge, faint Jofeph & les Apôtres, quittant tout pour vivre de leur travail fpirituel ou corporel.

Il faut que je vous avoue qu'entre toutes les Congrégations de Filles, les Hofpitalieres & les Urfulines,avec celles de la Congrégation de Notre-Dame, qui font profeffion d'enfeigner les petites filles, me reviennent extrêmement, parce que vraiment elles vivent de leur travail, ou fpirituel ou corporel.

Ce n'eft pas que je n'eftime les autres qui vivent de leurs rentes, ou de penfions viageres, & qui ne travaillent que pour éviter l'oifiveté, non pour ga

gner leur vie : mais ce qui m'étonne, & quantité de gens de bien, c'eft comment tant de fondations ne diminuent point en bien des endroits, les dotes des filles qui fe font Religieufes; qu'aucontraire, plus un Couvent eft riche, plus il faut donner pour

y entrer.

De maniere que de trois fortes de conditions de filles, il n'y en a plus qu'une qui ait accès dans la plûpart des Cloîtres, car celles de la derniere n'y peuvent arriver, d'autant que pour atteindre à cette efpece de pauvreté, il faut être riche. Celles de condition médiocre ont bien meilleur marché de s'établir dans le monde : de maniere que les Cloîtres ne fervent qu'à décharger de leurs filles les riches qui peuvent leur donner de grandes dotes en mariage.

Encore pour les penfions viageres, elles s'éteignent à la mort de celles à qui elles font affectées; mais peut-être qu'après la mort de celles qui ont apporté de groffes dotes, on reçoit quelques pauvres filles en leur place fans leur demander de dote ? C'est ce qui n'eft point encore venu à ma connoiffance. Que fait-on donc de ces riches dotes? On les employe dira-t-on, en bâtimens : mais ces bâtimens ne finiffent jamais.

Cependant c'étoit l'intention de notre Bienheureux, quand les maisons de fainte Marie feroient fuffifamment rentées, que l'on y reçûr les filles pour rien. Il femble même qu'il recommande le travail; je dis non-feulement pour éviter l'oifiveté ( travail auquel font obligés les plus riches du fiécle) mais encore pour vivre. On fçait ce qu'il en dit en fes Conftitutions. Voici comme il en parle en l'une de fes lettres. Il faut vivre une vie expofée au travail, « puifque nous fommes enfans du travail, & de la « mort de norre Sauveur.

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