ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

Le plus grand effet de la charité eft de nous faire aimer nos ennemis; un autre effet qui n'est gueres inférieur au premier, eft de nous faire fupporter de bon cœur les imperfections du prochain.

Il eft aifé de l'aimer quand il eft agréable & complaifant; quelles mouches ne volent pas au fucre & au miel? mais de l'aimer quand il eft fâcheux, têtu, chagrin, c'est chofe auffi déplaifante que de mâcher des pillules. C'eft néanmoins la pierre de touche de la vraye charité envers le prochain.

[ocr errors]

Pour la pratiquer il eft bon de nous mettre en la place de ce prochain qui nous eft à contre- cœur & de penfer comme nous voudrions qu'il nous traitât fi nous avions fes défauts. Il fe faut faire vendeur en achetant, & acheteur en vendant, fi nous voulons faire un trafic qui foit jufte.

En tout cas il faut pratiquer ce fupport, comme l'on avale les médecines les yeux fermés: fermés fur la créature défagréable, mais ouverts fur Dieu en qui, & pour qui tout eft beau, puifque tout ce qu'il a fait eft bon & que fes œuvres font parfaites. La baguette de Moyfe en fa main eft miraculeuse, & hors de fa main eft un ferpent : le prochain en luimême est un ver de terre, un ferpent : en la main de Dieu c'eft un inftrument pour nous conduire au Ciel.

[ocr errors]
[ocr errors]

Ecoutons notre Bienheureux. » O Dieu ! dit-il, L. 6. Ep. 38. quand fera-ce que le fupport du prochain aura fa » force dans nos cœurs? C'eft la plus excellente le» çon de la doctrine des Saints. Bienheureux celui qui la fçait. Nous défirons du fupport en nos mife»res, que nous trouvons toujours dignes d'être tolerées. Celles du prochain nous femblent tou»jours plus grandes & pefantes? & par conféquent plus intolérables & infupportables.

[ocr errors]
[ocr errors]

1

Eccle. 3.1.

En matiere de biens, l'envie nous fait toujours pa roître celui du prochain plus grand que le nôtre. En matière de maux, l'amour de nous-mêmes nous fait toujours paroître le nôtre plus pefant que celui d'au trui. Et en fait d'imperfections, nous fommes des aigles fur celle d'autrui, & des taupes fur les nôtres.

CHAPITRE XXVI. Des malades qui ne peuvent prier.

pas au

Outes chofes ont leur tems. Autre est le tems de fouffrir, autre celui de prier. Ce n'est printems ni durant l'hyver qu'il faut chercher du Job, 6. 12. fruit fur les arbres. Il faudroit avoir une chair d'ai rain pour agir en souffrant, & fouffrir en agiffant. Quand Dieu nous appelle aux fouffrances, il nous décharge de l'action.

Il y a des malades qui fe voyant étendus fur un lit ne fe plaignent pas tant de leurs douleurs, que de leur impuiffance à rendre à Notre-Seigneur les fervices qu'ils lui rendoient en fanté. En quoi ils fe trompent grandement, puifqu'une heure de fouffrance par amour, & par foumiffion à la volonté de Dieu, vaut mieux que plufieurs jours de travail fait avec moins d'amour.

Mais voici l'encloüeure, c'est que nous voulons toujours fervir Dieu à notre mode, non à la fienne; felon notre volonté, non felon la fienne; & nous aimons fa volonté, quand elle eft conforme à la nôtre, au lieu que nous ne devrions aimer la nôtre qu'en tant & qu'autant qu'elle eft conforme à la fienne.

Quand il veut que nous foyons malades nous voulons être fains. Quand il défire que nous le fervions

par

[ocr errors]

par la fouffrance, nous defirons le fervir par l'action. Quand il veut que nous exercions la patience, nous voulons exercer l'humilité, la dévotion, l'oraifon ou quelqu'autre vertu, non parce qu'elle eft plus à fon gré, mais au nôtre. Nous aimons la vertu à la fauce douce, non avec le fiel & le vinaigre. Le Calvaire ne nous agrée pas tant que le Thabor: ce n'est pas en cette montagne-là, mais en celle-ci, que nous voudrions faire nos tabernacles.

C'eft en un mot, què nous aimons mieux lasanté que la maladie, & ainfi nous aimons Dieu inégalement en la maladie & en la fanté. Nous l'aimons mieux quand il nous careffe que quand il nous frappe, & ainfi nous prenons le change, & au lieu d'aimer l'amour de Dieu, nous aimons la douceur de cet amour; car qui n'aime que Dieu l'aime également en tout tems, de maladie & de fanté, de profperité & d'adverfité, de fouffrance & de joüiffance, parce que Dieu étant toujours égal à lui-même, l'inégalité de notre amour envers lui ne peut venir que de quelque chofe qui n'eft pas lui.

c

A une ame qui durant une longue maladie fe plaignoit à notre Bienheureux de ne pouvoir vacquer à l'oraifon mentale, exercice qu'elle aimoit délicieufement, & fans lequel fon efprit étoit comme en langueur, il lui dit : Ne vous fâchez pas de demeurer « z. 5. au lit fans pouvoir faire la méditation : car endu- «< rer les verges de notre Sauveur n'est un moinpas dre bien que méditer ; non fans doute : car il eft « mieux d'être fur la Croix avec notre Sauveur, que de le regarder feulement. Mais je fçai bien que fur « le lit vous jettez mille fois le jour votre cœur ès « mains de Dieu, & c'eft affez. Obéïffez bien aux « Médecins ; & quand ils vous défendront quelque exercice, ou de jeûne, ou d'oraison mentale, vo- »

c

[ocr errors]

Ep. 45.

"

»cale, ou même l'Office, hormis l'oraifon jacula»toire, je vous prie tant que je puis, & par le refpect & par l'amour que vous me voulez porter, » d'être fort obéïffante; car Dieu l'a ainfi ordonné. Quand vous ferez guérie & bien fortifiée, repre» nez tout bellement votre chemin, & vous verrez » que nous irons bien loin, Dieu aidant.

[ocr errors]
[ocr errors]

CHAPITRE XXVII.

Combien il révéroit les Malades.

I les pauvres font membres de Jefus-Chrift en qualité de pauvres, les malades le font auffi en qualité de malades. Le Sauveur le dit lui-même en Matt. 25. 36. ces termes : J'ai été malade, & vous m'avez vifué. Le grand Roi S. Louis fervoit les malades à ge noux & tête nuë, par cette confidération qu'ils étoient membres de Jesus-Chrift, & attachés avec lui à la Croix.

Notre Bienheureux exprimoit ainfi fon fentiment de refpect & d'honneur à une perfonne malade: L. s. Ep. 44. » Pendant que je vous penferai affligée dans le lit, »je vous porterai (mais c'eft à bon efcient que je

رو

parle) je vous porterai une révérence particuliere

» & un honneur extraordinaire, comme à une créa-
»ture vifitée de Dieu, habillée de fes habits, & fon
époufe fpéciale. Quand Notre-Seigneur fut à la
Croix, il fut déclaré Roi, même par fes ennemis,
& les ames qui font en croix font déclarées Reines.
"Vous ne fçavez pas de quoi les Anges nous portent
"envie, certes de nulle autre chofe, que de ce que
"nous pouvons
fouffrir Notre-Seigneur,

[ocr errors]

pour

&

de ce qu'ils n'ont jamais rien fouffert pour lui.

>

S. Paul qui avoit été au Ciel, & parmi les félici- « 2. Cor.12, 1. tés du Paradis, ne fe tenoit pour heureux qu'en « Galat, 6. 14. fes infirmités & en la Croix de Notre-Seigneur «.

Et enfuite il lui recommande une affaire d'importance: Je vous fupplie, lui dit-il, de recommander « à Dieu une bonne œuvre que je fouhaite fort de « voir accomplie, & fur-tout pendant vos tour-«. mens; car en ce tems-là vos priéres, quoiq e courtes & du cœur, feront infiniment bien reçues. Demandez auffi en ce tems-là à Dieu les vertus qui « vous font les plus néceffaires «.

CHAPITRE

XX VIII.

Ce qu'il penfoit des Monafteres.

[ocr errors]
[ocr errors]

AVEZ-VOUS, difoit-il, ce que c'eft le Mo- t. 6. Ëp. ¡àù

[ocr errors]

que

naftere ? C'est l'Académie de la correction « exacte, où chaque ame doit apprendre à fe laiffer traiter, tailler & polir, afin qu'étant bien taillée « & polie, elle puiffe être jointe, unie & collée « plus justement à la volonté de Dieu. C'eft le figne évident de la perfection de vouloir être corrigée ; « car c'est le principal fruit de l'humilité, qui nous fait connoître que nous en avons befoin cs.

[ocr errors]

Le Monaftere, continuoit-il, eft un Hôpital de « malades fpirituels qui veulent être guéris, & pour « l'être s'expofent à fouffrir la faignée, la lancette, « le rafoir, la fonde, le fer, le feu & toute l'amer-« tume des médicamens. Et au commencement de « l'Eglife on appelloit les Religieux d'un nom qui veut dire guériffeurs. O ma fille, foyez bien cela, « & ne tenez compte de tout ce que l'amour propre vous dit au contraire, mais prenez doucement, «

[ocr errors]
« ÀÌÀü°è¼Ó »