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ble poitrine, & même dans le cœur amoureux de l'amoureux Sauveur. Or, de même que par le fommeil corporel toutes les opérations corporelles fe refferrent tellement dans le corps qu'elles ne s'étendent point au-delà, auffi donnerai-je ordre que mon ame, en ce tems-là, fe retire tout-à-fait en foi-même, & qu'elle ne faffe autre fonction que celle-là, obéiffant humblement à cette parole du al 126.2. Prophete: Surgite poftquam federitis... ô vous qui mangez volontiers le pain de douleur en vous affligeant de vos fautes, & en compatiffant à celles du prochain, ne vous levez pas, n'allez pas aux occupa tions de ce fiecle laborieux que vous ne vous foyiez fuffifamment repofés en la contemplation des choLes éternelles.

4. Que fi, comme il arrive fouvent, je ne puis trouver autre heure pour ce repos fpirituel, à tout le moins déroberai-je une partie du repos corporel, pour l'employer fidelement & courageufement en un fi vigilant fommeil : voici donc comme je ferai, ou je veillerai quelque peu après les autres, fi autrement je ne puis faire, ou je m'éveillerai après le premier fommeil, ou bien le matin je me leverai devant les autres, & je me souviendrai de ce que Matt, 26. 41. Notre-Seigneur dit à ce propos: Vigilate & orate... Veillez & faites oraifon, de peur que vous ne foyez vaincus par la tentation.

5. Si Dieu me fait la grace de m'éveiller pendant la nuit, je réveillerai incontinent mon cœur avec Matth. 25. 6. ces paroles, media nocte clamor.... fur le minuit on a crié: voilà l'Epoux qui vient, allez au devant de lui: puis par la confideration des ténébres extérieures, entrant dans la confideration de celle de mon ame, & de tous les pécheurs, je formerai cette priere: Luc. 1.79. Illuminare his qui in tenebris: Hé, Seigneur, puifque

les entrailles de votre mifericorde vous ont fait def-
cendre du Ciel en terre pour nous venir vifiter, de
grace éclairez ceux qui font affis dans les ténébres
de l'ignorance, & dans l'ombre de la mort éternelle
qui eft le péché mortel: conduifez-les auffi, s'il vous
plaît, au chemin de la paix intérieure. Je tâcherai
encore de m'exciter par ces paroles du Prophete:
In noctibus extollite manus veftras in fancta; Elevez & Pfal. 133.
étendez dans la nuit vos mains vers le Ciel, & be-
niffez le Seigneur. Je ferai auffi mes efforts pour ef-
fectuer fon commandement. Que dicitis in cordibus Pfal 4. 5-
veftris: Ayez repentance, même dans le lit, des pé-

chés
que vous commettez avec la feule penfée, ce
que pour duement accomplir à l'imitation du faint
Roi pénitent: Je baignerai mon lit de mes larmes;
lacrymis meis ftratum meum rigabo..

Pfal. 6. fo

6. D'autres fois je me retournerai à mon Dieu mon Sauveur, & je lui dirai: Ecce non do: mitabis... Non, Pfal. 120. 3d vous ne dormez ni ne fommeillez point, ô vous

qui gardez l'Ifrael de nos ames. Dum medium filen- Sap. 18. 14 tium.... Les plus fombres ténébres de la nuit ne peuvent donner aucun obftacle à vos divins effets. A cette heure-là vous naquites de la Vierge facrée votre Mere à cette heure-là auffi vous pouvez faire naître vos céleftes graces dans nos ames, & nous combler de vos chéres faveurs. Ha! Redempteur charitable, illumina oculos meos... éclairez tel- Pfal 12. 4 lement mon pauvre cœur aveuglé des beaux rayons de votre grace, que jamais il ne s'arrête en façon quelconque en la mort du péché: hé ne permettez pas, je vous prie, que mes ennemis invifibles puiffent dire, nous avons eû pied fur lui. Enfin après avoir confidéré les ténébres & les imperfections de mon ame, je pourrai dire avec le Prophete Ifaïe: Cuftos quid de nocte... c'est-à-dire, ô furveillant, ch. 21, 1ân

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refte-t-il encore beaucoup de la nuit de nos imperfections; j'entendrai qu'il me répondra: venit mane... le matin des bonnes infpirations eft venu, pourquoi aimes-tu les ténebres plus que la lumiere?

7. D'autant que les frayeurs nocturnes ont accoûtumé d'empêcher telle dévotion; fi par hazard je m'en fentois faifi, je m'en délivrerai avec la confiPjal. 15. 8. deration de mon bon Ange gardien, disant : Dominus à dextris eft miht, ne commovear; mon Seigneur eft à mon côté droit, afin que je ne craigne rien, ce que quelques Docteurs ont expliqué du bon Ange. Pfal. 90. 5. Je me fouviendrai encore de ce verfet: Scuto cir cumdabit te... l'écu de la foi & d'une ferme con fiance me couvrira, c'est pourquoi je ne dois avoir peur de chofe quelconque. De plus je me servirai Pfal. 16. 1. de ces paroles de David: Dominus illuminatio mea.... Le foleil ni fes rayons ne font pas ma lumiere principale, ni la compagnie ne me fauve pas, mais Dieu feul, lequel m'eft auffi propice la nuit que le jour.

L'Oraison mentale.

1. Ayant pris le tems commode pour ce facré fommeil & repos, avant toute autre chose je tâcherai de rafraîchir ma mémoire de tous les bons defirs, mouvemens, affections, réfolutions, projets, fentimens & douceurs qu'autrefois la divine Majefté m'a infpirés, & fait expérimenter en la confideration de fes faints Myfteres, de la beauté de la vertu, de la nobleffe de fon service, & d'une infinité de bien-faits qu'elle m'a très-liberalement départis. J'aurai foin auffi de me reffouvenir de l'obligation que je lui ai, de ce que par fa fainte grace elle a quelquefois débilité mes fens en m'envoyant certaines maladies & infirmités, lesquelles m'ont

grandement profité: après cela je conforterai & confirmerai le plus qu'il me fera poffible ma volonté dans le bien, & dans la résolution de ne jamais of = fenfer mon Créateur.

2. Cela fait, je me reposerai tout bellement en la confidération de la vanité des grandeurs, des richeffes, des honneurs, des commodités & des voluprés de ce monde immonde. Je m'arrêterai à voir I le peu de durée de toutes ces chofes, leur incertitude, leur fin, & l'incompatibilité qu'elles ont avec les vrais & folides contentemens. Enfuite mon cœur les dédaignera, les méprifera, les aura en horreur & dira: allez ô diaboliques appas, retirez-vous loin = de moi, cherchez fortune ailleurs, je ne veux point de vous, puifque les plaifirs que vous me promet tez appartiennent auffi-bien aux fous & abominables, qu'aux fages &vertueux.

3, Je me repoferai tout doucement en la confidération de la laideur, de l'abjection, & de la déplorable mifere qui fe trouve au vice & au péché, & aux miférables ames qui en font obfédées & poffédées : puis, je dirai, fans me troubler & inquiéter aucunement; le vice, le péché eft chofe indigne d'une perfonne bien née, & qui fait profeffion de vertu; jamais il n'apporte contentement qui foit véritablement folide, mais feulement en imagination: mais quelles épines, quels fcrupules, quels regrets, quelles amertumes, quelles inquiétudes, & quel fupplice ne traîne-t'il pas avec foi: Et même quand tout cela ne feroit pas, ne vous doit-il pas fuffire, mon cœur, qu'il eft défagréable à Dieu ? O cela doit être plus que fuffifant pour vous le faire détester de toutes vos forces.

Je fommeillerai fuavement en la connoiffance de l'excellence de la vertu qui eft fi belle, fi

gra

cieuse, fi noble, fi généreuse, fi attrayante, si puif fante. C'eft elle qui rend l'homme intérieurement & encore extérieurement beau. Elle le rend incomparablement agréable à son Créateur. Elle lui fied extrêmement bien comme propre qu'elle lui eft. Mais quelles confolations, quels délices, quels honnêtes plaifirs ne lui donne-t'elle pas en tout tems? Ha! c'eft la chrétienne vertu qui le fanctifie, qui le change en Ange, qui le fait un petit Dieu, qui lui donne dès ici-bas le Paradis.

5. Je m'arrêterai en l'admiration de la beauté de la raifon que Dieu a donnée à l'homme, afin qu'éclairé & enfeigné par fa merveilleufe fplendeur, il laiffe le vice, & aime la vertu. Hé que ne fuivonsnous la brillante lumiere de ce divin flambeau, puifque l'ufage nous en eft donné pour voir où nous devons mettre le pied. Ha! fi nous nous laiffions conduire par fa lumiere aidée de celle de la grace, rarement choperions-nous, difficilement ferions-nous jamais mal.

6.Je peferai attentivement la rigueur de la divine justice, laquelle fans doute ne pardonnera pas à ceux qui fe trouveront avoir abuse des dons de nature & de grace. Tels gens doivent concevoir une trèsgrande appréhenfion des divins jugemens, de la mort, du purgatoire, de l'enfer. Je feraien forte de m'exciter, & de me réveiller de ma pareffe en répétant fouvent fes paroles: En morior... Voilà que tous les jours je m'en vais mourir, de quoi me ferviront les chofes préfentes, & tout ce qui eft d'éclatant & de fpectacles au monde : il vaut beaucoup mieux que je les méprife courageufement, & que vivant en crainte filiale fous l'obfervance des Commandemens de mon Dieu, j'attende avec tranquillité d'efprit les biens de la vie future.

7.

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