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5. S'il m'arrive de converfer avec des perfonnés infolentes, libres & mélancoliques, j'uferai de cette précaution: aux infolens je me cacherai tout-à-fait aux libres, pourvû qu'ils foient craignans Dieu, je me découvrirai tout-à-fait, je leur parlerai à cœur ouvert ; aux fombres & mélancoliques, je me montrerai feulement, comme on dit en commun proverbe, de la fenêtre, c'est-à-dire, qu'en partie je me découvrirai à eux, parce qu'ils font curieux de voir les cœurs des hommes ; & fi on fait trop le rencheri, ils entrent incontinent en foupçon: en partie auffi je me cacherai à eux, parce qu'ils font fujets, comme nous avons dit, à philofopher & remarquer de trop près les conditions de ceux qui les fréquentent.

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6. Si je converse avec des Superieurs, c'est alors que je me tiendrai foigneufement fur mes gardes; car il faut être avec eux comme avec le feu, c'està-dire, qu'il eft bien bon quelquefois de s'en approcher, mais il ne faut pas auffi que ce ce foit de trop près partant je me comporterai en leur préfence avec beaucoup de modeftie, mêlée néanmoins d'une honnête liberté. Ordinairement les grands Seigneurs fe plaifent d'être aimés & refpectés : l'amour certainement engendre la liberté, & le refpect la modeftie. Il n'y a donc point de mal d'être en leur compagnie un peu libre, pourvû qu'on ne s'oublie point du refpect, & que le refpect foit plus grand que la liberté. Entre les égaux il faut être également libre & respectueux. Avec les inferieurs il faut être plus libre que refpectueux: mais avec les Grands & Superieurs il faut être plus refpectueux que libre. Et eft figné, FRANÇOIS DE SALES, étudiant aux Loix Padouë.

EXERCICE POUR LE MATIN.

1. Profterné à genoux, & profondément humilié devant l'incompréhenfible Majefté de Dieu, vous adorerez fa fouveraine bonté, laquelle de toute éternité vous nomma par votre nom & fit deffein de vous fauver, vous deftinant entr'autres chofes ce jour préfent, afin qu'en icelui vous vinffiez à exercer les œuvres de vie & de falut, fuivant ce qui eft dit par le Prophete: Je t'ai aimé d'une charité éternelle, Jerem. 31. 3. c'est pourquoi je t'ai attiré ayant pitié de toi.

2. Sur cette penfée, vous unirez votre volonté à celle de ce très-bon & miféricordieux Pere célefte par telles ou femblables paroles cordialement prononcées: O très-douce volonté de mon Dieu, qu'à jamais foyez-vous faite ! O deffeins éternels de la volonté de mon Dieu je vous adore, confacre & dédie ma volonté, pour vouloir à jamais éternellement ce qu'éternellement vous avez voulu ! O que je faffe donc aujourd'hui & toujours & en toutes chofes la volonté de mon Dieu ! O mon doux Créateur ! Oui, Pere célefte, car tel fut votre bon plaifir de toute éternité ! Ainfi soit-il. O bonté très-agréable, foit fait comme vous avez voulu! O volonté éternelle vivez & regnez en toutes mes volontés, & fur toutes mes volontés, maintenant & à jamais.

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3. Invoquez enfuite le fecours & l'affiftance divine avec telles ou femblables exclamations, interieurement & du fond du cœur : O Dieu foyez à mon aide, que votre main fecourable foit fur ce pauvre & foible courage. Voilà, ô Seigneur, ce pauvre & miférable cœur qui a conçu par votre bonté plufieurs faintes affections: mais hélas! il eft trop foible pour Kk iiij

effectuer fans votre aide le bien qu'il defire. J'invoque la très-fainte Vierge Marie, mon bon Ange & toute la Cour célefte, que leur faveur me foit maintenant propice, s'il vous plaît.

4. Faites-donc ainfi une vive & puiffante union amoureuse de votre volonté avec celle de Dieu ; & puis parmi toutes les actions de la journée tant fpirituelles que corporelles, faites encore de fréquentes réunions, c'est-à-dire, renouvellez & confirmez de nouveau l'union faite le matin, jettant un fimple regard interieur fur la divine bonté, & difant par maniere d'acquiefcement: Oui, Seigneur, je le veux; ou bien feulement : oui, Seigneur ; oüi, mon Pere; oui, toujours oui. Si vous voulez auffi, vous pourrez faire le figne de la Croix, ou baifer celle que vous portez, ou quelqu'Image, car tout cela fignifiera fouverainement vous voulez la Providence de Dieu, que vous l'acceptez, que vous l'adorez & aimez de tout votre cœur, & que vous uniffez inféparablement votre volonté à cette fuprême volonté.

que

S Mais ces traits de coeur, ces paroles interieures doivent être prononcées doucement,tranquillement & fermement, mais paifiblement & par maniere de dire; elles doivent être diftilées & filées tout bellement en la pointe de l'Efprit, comme on prononce à l'oreille d'un ami une parole qu'on lui veut jetter bien avant dans le cœur fans que perfonne s'en apperçoive; car ainfi ces facrées paroles filées, coulées & diftilées par la pointe de notre efprit, le pénétreront & détremperont plus intimement, qu'elles ne feroient fi elles étoient dites par maniere d'élans, d'oraifons jaculatoires & de faillies d'efprit. L'expérience vous le fera connoître, pourvû que vous foyez humble & fimple. Dieu foit béni. Ainfi foit-il.

LETTRE

DE LA VENERABLE

MERE DE CHANTAL,

'AU REVEREND PERE D. JEAN de S. François, de l'Ordre des Feuillans, où elle décrit admirablement l'efprit de fon Bienheureux Pere S. François de Sales.

Elas! mon Révérend Pere, que vous me com

Hmandez une chofe qui eft bien au-deffus de

ma capacité; non certes que Dieu ne m'ait donné une plus grande connoiffance de l'intérieur de mon Bienheureux Pere que mon indignité ne méritoit ; & fur tout, depuis fon décès, Dieu m'en a favorifée. Car l'objet m'étant préfent, l'admiration & le contentement que je recevois, m'offufquoient un peu, au moins il me le femble: mais je confeffe tout fimplement à votre cœur paternel, que je n'ai point de fuffifance pour m'en exprimer : néanmoins pour obéir à votre Révérence, & pour l'amour & le refpect que je dois à l'autorité par laquelle vous me commandez, je vais écrire fimplement en la préfence de Dieu, ce qui me viendra en vûë.

Premiérement, mon très-cher Pere, je vous dirai que j'ai reconnu en mon Bienheureux Pere, & Seigneur, un don de très-parfaite foi, laquelle étoit accompagnée de grande clarté, de certitude, de

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goût & de fuavité extrême; il m'en a fait des dif cours admirables, & me dit une fois que Dieu l'avoit gratifié de beaucoup de lumieres & connoiffance pour l'intelligence des Myfteres de notre fainte foi, & qu'il penfoit bien poffèder le fens & l'intention de l'Eglife, en ce qu'elle enseigne à ses enfans: mais de ceci, fa vie & fes œuvres rendent témoignage. Dieu avoit répandu au centre de cette très-fainte ame, ou comme il dit en la cime de fon efprit, une lumiere, mais fi claire, qu'il voyoit d'u ne fimple vûë les vérités de la foi & leur excellence; ce qui lui caufoit de grandes ardeurs, des extâfes, & des raviffemens de volonté, & il fe foumertoit à ces vérités qui lui étoient montrées, par un fimple acquiefcement & fentiment de fa volonté. Il appelloit le lieu où fe faifoient ces clartés, le fanctuaire de Dieu, où rien n'entre que la feule ame avec fon Dieu; c'étoit le lieu de fes retraites, & fon plus ordinaire féjour : nonobftant ces continuelles Occupations extérieures, il tenoit fon esprit en cette folitude intérieure tant qu'il pouvoit. J'ai toujours vû ce Bienheureux afpirer & ne refpirer que le feul defir de vivre felon les vérités de la foi & les maximes de l'Evangile : cela fe verra ès Mémoires. Il difoit que la vraie maniere de fervir Dieu étoit de le fuivre, & marcher après lui fur la fine pointe de l'ame, fans aucun appui de confolation, de fentiment ou de lumiere, que celles de la foi nuë & fimple; c'eft pourquoi il aimoit les délaiffemens, les abandonnemens & défolations intérieures.

Il me dit une fois qu'il ne prenoit point garde s'il étoit en confolation ou défolation ; & quand Notre-Seigneur lui donnoit de bons fentimens, il les recevoit en fimplicité; s'il ne lui en donnoit point, il n'y penfoit pas : mais c'est la vérité, que

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