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pour l'ordinaire il avoit de grandes fuavités intérieures, & l'on voyoit cela fréquemment ; auffi tiroit-il de bonnes penfées de toutes chofes, conver tiffant tout au profit de l'ame. Mais furtout il recevoit ces grandes lumieres en fe préparant pour fes Sermons, ce qu'il faifoit ordinairement en fe promenant, & m'a dit qu'il tiroit l'oraifon de l'étude, & en fortoit fort éclairé & affectionné. Il y a plufieurs années qu'il me dit qu'il n'avoit pas de goûts fenfibles en l'oraifon, & que ce que Dieu opéroit en lui étoit par des clartés & fentimens infenfibles, qu'il répandoit en la partie intellectuelle de fon ame, & que la partie inférieure n'y avoit aucune part. A l'ordinaire c'étoit des vûës & fentimens de l'unité très fimple, & des émanations divines, aufquels il ne s'enfonçoit pas, mais les recevoir fimplement avec une très-profonde révérence & humilité; car fa méthode étoit de fe tenir trèshumble, très-petit & très-abaiffé devant fon Dieu, avec une finguliere révérence & confiance, comme un enfant d'amour. Souvent il m'a écrit, que quand je le verrois je lui fiffe reffouvenir de me dire ce que Dieu lui avoit donné en la fainte oraifon ; & comme je lui demandois, il me répondit : Ce font des chofes fi minces, fi fimples & fi délicates, qu'on ne les peut dire quand elles font paffées, les effets en demeurent feulement dans l'ame.

Plufieurs années avant fon décès il ne prenoit prefque plus de tems pour faire l'oraison, car les affaires l'accabloient; & un jour je lui demandai s'il l'avoit faite: Non, me dit-il, mais je fais bien ce qui la vaut ; c'est qu'il fe tenoit toujours dans cette union avec Dieu, & difoit qu'en cette vie il faut faire l'oraifon d'œuvre & d'action : mais c'eft la vérité que fa vie étoit une continuelle oraifon. Par

ce qui eft dit, il eft aifé à croire que ce Bienheureus ne fe contentoit pas feulement de jouir de la délicieuse union de fon ame avec fon Dieu dans l'orai-. fon; non certes, car il aimoit également la volonté de Dieu en tout, & affurément je crois qu'en fes dernieres années il étoit parvenu à une telle pureté qu'il ne défiroit ne vouloir, n'aimer & ne voir plus que Dieu en toutes chofes; auffi le voyoit-on ab forbé en Dieu, & difoit qu'il n'y avoit plus rien au monde qui lui pût donner du contentement que Dieu, & ainfi il vivoit; non plus lui certes, mais Jefus Chrift vivoit en lui.

Cet amour général de la volonté de Dieu étoit d'autant plus excellent & pur, que cette ame fainte n'étoit pas fujette à changer ni à fe tromper, à cause de la très-claire lumiere que Dieu y avoit répandue, par laquelle il voyoit naître les mouvemens de l'amour propre, qu'il retranchoit fidélement, afin de s'unir toujours plus purement à Dieu; aufli m'a-t-il dit que quelquefois au fort de fes plus grandes afflictions, il fentoit une douceur cent fois plus douce qu'à l'ordinaire; car par le de cette union intime, les chofes les plus améres lui étoient renduës favoureuses.

moyen

Mais fi votre Révérence veut voir clairement l'état de cette très-fainte ame fur ce fujet, qu'elle life s'il lui plaît, les trois ou quatre derniers chapitres du neuviéme livre de l'Amour divin: il animoit toutes fes actions du feul motif du divin bon-plaifir; & véritablement, comme il eft dit en ce livre facré, il ne demandoit ni au Ciel ni en la terre, que de voir la volonté de Dieu accomplie. Combien de fois a-t-il prononcé d'un fentiment tout extatique Pf. 75. ces paroles de David: O Seigneur, qu'y a-t. il`au Ciel pour moi,& que veux-je en terre, finon vous?

Vous êtes ma part & mon héritage éternellement. Áuffi ee qui n'étoit pas Dieu ne lui étoit rien, & c'étoit fa maxime. De cette union fi parfaite procédoient ces éminentes vertus, que chacun a pû remarquer, cette générale & univerfelle indifférence qu'on voïoit ordinairement en lui; & certes je ne lis point ces chapitres qui en traitent au neuviéme livre de l'Amour divin, que je ne voye clairement qu'il pratiquoit ce qu'il enfeignoit, felon les occafions. Cet enfeignement fi peu connu, & toutefois fi excellent, ne demandez rien, ne defirez rien, ne refufez rien, lequel il a pratiqué fi fidelement jufqu'à l'extrêmité de fa vie, ne pouvoit partir que d'une ame entierement indifférente, & morte à foi-même. Son égalité d'efprit étoit incomparable; car qui l'a jamais vû changer de pofture en nulle forte d'actions: fi lui ai-je vû recevoir de rudes attaques, mais cela fe prouve par les Mémoires; ce n'étoit. pas qu'il n'eût de vifs reffentimens, fur tout quand Dieu en étoit offenfé, & le prochain opprimé: on le voyoit en ces occafions fe taire, & retirer en luimême avec Dieu, & demeuroit là en filence, ne laiffant toutefois de travailler & promptement pour remédier au mal arrivé; car il étoit le réfuge, le fecours & l'appui de tous.

La paix de fon cœur n'étoit-elle pas divine & toutà-fait imperturbable: auffi étoit-elle établie dans la parfaite mortification de fes paffions, & en la totale foumiffion de fon ame à Dieu. Qu'est-ce, me dit-il une fois à Lyon, qui fçauroit ébranler notre paixscertes quand tout bouleverseroit fens deffus deffous, je ne m'en troublerois pas ; car que vaut tout le monde ensemble en comparaison de la paix du cœur.

Cette fermeté procédóit, ce me femble, de fon attentive & vive foi; car il regardoit pattir tous les événemens, grands & petits, de l'ordre de cette di

vine Providence, en laquelle il se reposoit avec plus de tranquillité que jamais ne fit un fils unique dans le fein de fa mere. Il nous difoit auffi que Notre-Sei gneur lui avoit enseigné cette leçon dès sa jeunesse; & que s'il fût venu à renaître, il eût plus méprifé la prudence humaine que jamais, & fe fùt tout-àfait laiffé gouverner à la divine Providence : il avoit des lumieres très-grandes fur ce fujet, & y portoit, fort les ames qu'il confeilloit & gouvernoit. Pour les affaires qu'il entreprenoit, & que Dieu lui avoit commises, il les a toujours toutes ménages & conduites à l'abri de ce fouverain gouvernement; & jamais il n'étoit plus affuré d'une affaire, ni plus content parmi les hazards, que lorfqu'il n'avoit point d'autre appui; quand felon la prudence hu maine il prévoyoit de l'impoffibilité pour l'éxécu tion du deffein que Dieu lui avoit commis, il étoit fi ferme en fa confiance, que rien ne l'ébranloit, & là-deffus il vivoit fans fouci je le remarquai quand il eut réfolu d'établir notre Congrégation, il difoit :Je ne vois point le jour pour cela, mais je m'af fure que Dieu le fera; ce qui arriva en beaucoup moins de tems qu'il ne penfoit. A ce propos il me vient en l'efprit qu'une fois, il y a longues années, il fut attaqué d'une vive paffion qui le travailloit fort, il m'écrivit.Jefuis fort preffe, & me semble que je n'ai nulle force pour refifter, & je fuccomberois fi l'oc cafion m'étoit prefente:mais plus je me fens foible,plusma confiance eft en Dieu, & m'affure qu'en la préfence des objets je ferois revêtu de force, & des vertus de Dieu,& que je dévorerois mes ennemis comme des agnelets.

Notre Saint n'étoit pas exempt de fentimens & émotions des paffions, & ne vouloit pas qu'on défirât d'en être affranchi: il n'en faifoit point d'état que pour les gourmander ; à quoi, difoit-il, il fe plaifoit: il difoit auffi qu'elles nous fervoient à pra

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tiquer les vertus les plus excellentes, & à les établir plus folidement dans l'ame: mais il est vrai qu'il avoit une autorité abfolue fur fes paffions, qu'elles lui obéïffoient comme des esclaves; & fur la fin de fa vie iln'en paroiffoit quafi plus.

Mon très cher Pere, c'étoit l'ame la plus hardie, la plus généreufe, & puiffante à fupporter les charges & travaux, & à pourfuivre les entreprises que Dieu lui infpiroit, que l'on ait fçu voir; jamais il n'en démordoit, & difoit que quand Notre-Seigneur nous commet une affaire, il ne la falloit point abandonner, mais avoir le courage de vaincre toutes les difficultés.

Certes, mon très-cher Pere, c'étoit une grande force d'efprit, que de perfeverer au bien, comme notre Saint a fait : Qui l'a jamais vû se détraquer, ni perdre un feul point de la modestie ? Qui a vû sa patience ébranlée, ni fon ame altérée contre qui que ce foit? Auffi avoit-il un cœur tout-à-fait innocent; jamais il ne fit aucun acte de malice ou amertume de cœur, non certes: jamais a-t-on vû un efprit fi doux, fi humble fi débonnaire, fi gracieux & affable qu'étoit le fien? & avec cela quelle étoit l'excellence & la folidité de fa prudence & fageffe naturelle & furnaturelle que Dieu avoit répandue en fon efprit, qui étoit le plus clair, le plus net & univerfel qu'on ait jamais vû.

Notre-Seigneur n'avoit rien oublié pour la perfection de cet ouvrage, que fa main puiffante & miféricordieufe s'étoit elle-même formé; enfin la divine bonté avoit mis dans cette fainte ame une charité parfaite : & comme il dit que la charité entrant dans une ame, y loge avec elle tout le train des vertus certes elle les avoit placées & rangéesdans fon cœur avec un ordre admirable; chacune y tenoit le rang & l'autorité qui lui appartenoit, l'une n'entrepre

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