noit rien fans l'autre, car il voyoit clairement ce qui convenoit à chacune, & les dégrés de leurs perfections, & toutes produifoient leurs actions felon les occafions qui fe préfentoient, & à mesure que la charité l'excitoit à cela doucement & fans éclat; car jamais il ne faifoit de mysteres, ni rien qui donnât de l'admiration à ceux qui ne regardent que l'écorce & l'extérieur, point de fingularité, point `d'action, ni de ces verrus éclatantes qui donnent dans les yeux de ceux qui les regardent, & font admirer le vulgaire.

Il fe tenoit dans le train commun, mais d'une maniere fi divine & celefte, qu'il me femble que rien n'étoit fi admirable en fa vie que cela: quand il prioit, quand il étoit à l'Office, ou qu'il disoit la très-fainte Meffe, à laquelle il paroiffoit un Ange, pour la grande fplendeur qui paroiffoit en fon vifage, vous ne lui voyez faire aucune fimagrée, ni même quafi lever ou fermer les yeux, mais il les tenoit abaiffés modeftement, fans faire de mouvemens que ceux qui étoient néceffaires; & cependant on lui voyoit un vifage pacifique, doux & grave, & l'on pouvoit juger qu'il étoit dans une profonde tranquillité: quiconque le voyoit & l'obfervoit en fes actions étoit infailliblement touché, furtout quand il confacroit,cat il prenoit encore une nouvelle fplendeur: on l'a remarqué mille fois : auffi avoit-il un amour fpécial au très-adorable Sacrement, c'étoit fa vie & fa feule force. O Dieu! quelle ardente & favoureufe dévotion avoit-il quand il le portoit aux Proceffions, vous l'euffiez vû comme un Cherubin lumineux, il avoit des atdeurs autour de ce divin Sacrement inexpliquables; mais il en a été parlé ailleurs, & de fa dévotion incomparable à Notre-Dame, c'eft pourquoi je n'en

parlerai

parlerai pas. O Jefus ! que l'ordre que Dieu avoit mis dans cette Bienheureuse ame étoit admirable! tout étoit fi rangé, fi calme, & la lumiere de Dieu fi claire, qu'il voyoit jufqu'aux moindres atômes de fes mouvemens, & il avoit une vue fi pénétrante pour ce qui regardoit la perfection de l'efprit, qu'il difcernoit d'entre les chofes les plus délicates & épurées ; & jamais cette pure ame ne fouffroit volontairement ce qu'elle voyoit de moins parfait, car fon amour plein de zele ne lui eût pas permis ; ce n'eft pas qu'il ne commît quelqu'imperfection, mais c'étoit par pure furprife & infirmité : mais qu'il en eût laiffé attacher une feule à fon cœur, pour petite qu'elle fût, je ne l'ai pas connu : au contraire, cette ame étoit plus pure que le foleil, & plus blanche que la neige en fes actions, en ses réfolutions, en fes deffeins & affections. Enfin, ce n'étoit que pureté, qu'humilité, fimplicité & unité d'efprit avec son Dieu : auffi étoit-ce chofe raviffante de l'oüir parler de Dieu & de la perfection: il avoit des termes fi précis & intelligibles, qu'il faifoit comprendre avec une grande facilité les chofes plus délicates & relevées de la vie fpirituelle.

Il n'avoit pas cette lumiere fi pénétrante pour lui feul, chacun a vû & connu que Dieu lui avoit com muniqué un don fpécial pour la conduite des ames, & qu'il les gouvernoit avec une dexterité toute célefte; il pénétroit le fond des cœurs, & voyoit clairement leur état & par quel mouvement ils agiffoient ; & tout le monde fçait fa charité incomparable pour pour les ames, & que fes délices étoient de travailler autour d'elles, if étoit infatigable en cela, & ne ceffoit jamais qu'il ne leur eût donné la paix, & mis leur confcience en état de falut.

Quant aux pécheurs qui fe vouloient convertir, &qu'il voyoit foibles, qu'eft-ce qu'il ne faifoit pas

autour d'eux? Il fe faifoit pécheur avec eux, & mêloit tellement fon cœur avec celui des pénitens, que jamais aucun ne lui a fçû rien celer.

Or, felon mon jugement, il me femble que le zele du falut des ames étoit la vertu dominante en notre bienheureux Pere ; car en certaine façon vous euffiez quelquefois dit qu'il laiffoit le fervice de Dieu pour préferer celui du prochain. Bon Dieu quelle tendref fe, quel fupport, quelle douceur, quel travail ! Enfin il s'y eft confumé, mais encore faut-il dire ceci, qui eft remarquable: Notre-Seigneur avoit ordonné la charité en cette fainte ame; car autant d'ames qu'il aimoit particulierement qui étoient en ce nombre infini, autant de divers degrés d'amour il avoit pour elles, il les aimoit toutes parfaitement & purement felon leur rang, mais pas une également; il remarquoit en chacune ce qu'il pouvoit connoître de plus eftimable, pour leur donner le rang en fa dilection felon fon devoir, & felon la mesure de la grace en elles.

Il portoit un refpect nompareil à fes prochains, parce qu'il regardoit Dieu en eux, & eux en Dieu. Quant à fa dignité, quel honneur & refpect lui portoit-il? Certes, fon humilité n'empêchoit pas l'exercice de la gravité, majefté & réverence due à fa qualité d'Evêque. Mon Dieu, oferois-je dire, je le dis, s'il fe peut: il me femble naïvement que mon bienheureux Pere étoit une image vivante en laquelle le Fils de Dieu Notre-Seigneur étoit peint ; car véritablement l'ordre & l'economie de cette fainte ame étoit tout-à-fait furnaturelle & divine :je ne fuis pas feule en cette penfée, quantité de gens m'ont dit, que quand ils voyoient ce Bienheureux, il leur fembloit voir Notre-Seigneur en terre:

Je fuis, mon Réverend Pere, &c,

DU CLERGÉ DE FRANCE

AU PAPE,

E T

LA BULLE DU PAPE

POUR LA CANONISATION

DE

S. FRANÇOIS DE SALES, l'une & l'autre Latine, & à côté la traduction Françoife.

Par Meffire P. D. P. D. D.S.

Ut fervatâ unitate fpiritûs, in vinculo pacis, commeantibus hinc inde litteris, quod fanctè agebatur perpetuæ proficeret charitati. S. Leo M. Epift. 89. ad Epifcopos per Vienn. prov. confti

tutos.

Ce commerce de Lettres, écrites dans des vûës faintes conferve l'unité de l'Esprit, entretient la Paix perfectionne & perpétue la Charité. S. Leon le Grand, Ep. 89. aux Evêques de la Province de Vienne.