comme la plus courte, que François choifit ; & n'étant muni d'autres armes que de la priere, après avoir invoqué l'affistance du Ciel, il traverfa hardiment cette Ville hérétique, fans user d'aucun déguisement dans ses habits, fans même cacher fon nom, répondant aux Gardes qui le lui demanderent à la porte de la Ville, qu'il étoit l'Evêque du Diocèfe.

XXXVI. Il ne refta qu'une heure à Geneve, & arriva heureufement à Gex. A peine y fut-il arrivé, que les hérétiques, pour faire avorter fes pieux deffeins, l'accuferent à la Cour de Savoye, de n'avoir entrepris ce voyage que pour traiter avec le Roi & lui faire tranfport de fes droits fur la Ville de Geneve. D'abord on rejetta cette calomnie; puis elle trouva créance dans les efprits; enfin le Sénat, foit pour punir, foit pour intimider l'Evêque, fit un Arrêt, qui déclaroit le temporel de l'Evêché de Geneve confifqué au profit du Prince.

XXXVII. A cette nouvelle, François répondit fans s'émouvoir: Cet Arrêt ne me fait pas un aufi grand tort qu'on pourroit se l'imaginer ; & puifque Dieu permet qu'on m'ûte mon temporel, il me donne aßez à connoître qu'il veut que je fois déformais tout fpirituel. Le Sénat fut fi touché de cette réponfe, qu'il fit faire des excufes au faint Evêque, & le rétablit dans tous fes biens. Car tel eft l'ordre de la divine Providence, quelque facrifice que l'on faffe pour Dieu, l'on n'y perd jamais rien, & la Foi n'en devient que plus refpectable.

XXXVIII. Si celle de François fut infenfible aux coups de l'adverfité les plus violens, elle ne le fut pas moins aux attraits de la profpérité les plus féduifans. On lui offrit la dignité de Coadju

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abundaret, ad paupertatem fuftentandam, refpuit, illud oraculum opponens; Dominus regit me, & nihil mihi deerit, in loco pafcua ibi me collocavit.

XXXIX. Cum tale ac tantum Fidei fundamentum jeciffet mirum non fuit, fi perfecif fimam & omnibus virtutibus abfolutam sanditatis molem ad fupremum ufque apicem extulit ; & fi Ecclefia, communi confenfu fanétorum infignia & prærogativas tanto viro attri buere non dubitet.

XL. Pauperum erat eximius amator, eorumque indicem fecum deferebat femper, ad eos præfertim fublevandos maximè intentus, quos pudor ac rubor deterrebant. Abftinentiam verò ac frugalitatem, tàm in victu quàm in veftitu, fevere retinuit ; ut & fibi modum ftatueret, ac largiùs aliorum inopiæ fubveniret.

XLI. Namque hoc vera Charitatis ingenium eft, fibi detrahere, aliis addere. Sic menfa impofita fercula ad pauperes ablegabat ; fubligacula, interulas, fimilefque pannos fibi

teur de Paris: Quoi de plus brillant ? Le motif étoit honnête. François étoit pauvre, & avoit befoin pour fubfifter, d'un revenu plus confidérable que le fien. Tout cela ne fut point capable de le tenter; il n'héfita pas à refufer ces offres obligeantes, & à donner pour raifon de fon refus cet oracle. de l'Ecriture Le Seigneur prend foin de moi, il ne me laiffera manquer de rien; c'eft lui qui m'a placé dans le lieu de pâturages où je fuis.

XXXIX. Telle a été la Foi de François, humble, conftante, intrépide, inébranlable, féconde en toutes fortes de bonnes œuvres ; & c'eft fur un fondement auffi folide, que ce grand homme a élevé jufqu'au comble de la perfection, cet admirable édifice de fainteté, qui a determiné l'Eglife Univerfelle à lui rendre d'un confentement unanime les. honneurs qni ne font dûs qu'aux Saints.

XL. Il avoit un amour tendre & compatiffant pour les pauvres. Comment auroit-il pû les oublier? Puifqu'il en portoit toujours fur lui la lifte exacte. Mais il donnoit fa principale attention à découvrir & à foulager une efpéce de mifere, d'autant plus preffante, que la honte la tient plus cachée. Sobre & frugal dans fon boire & fon manger, fimple & modefte dans fes vêtemens, févére à lui-mêine, il fe comporta en toutes chofes avec grande circonfpection & retenue; afin que par le retranchement de toute fuperfluité, il pût en même-tems & s'ôter matiere à tentation, & groffir le fond deftiné pour le foulagement des pauvres.

XLI. Il alloit même, en certaines occafions, (car tel eft l'efprit de la vraie Charité) jufqu'à par tager avec eux fon néceffaire. En fçavoit-il qui fuffent preffés de la faim? Il leur envoyoit les mer: qu'on venoit de fervir fur fa table: & pour couvrir

deaptos ad aliorum operimentum traducebat: imò fupellectilem argenteam, candelabra,urceolos annulum ipfum Paftoralem oppignoravit, nè pauperes dolerent.

XLII. Dotem puellis, quam poterat amplam, erogabat, ne ipfarum pudicitia periclitaretur: Peregrinos ac Religiofos viros tanquam fratres domi excipiebat, omnes demùm egeftate preffos non contractâ manu folabatur, fed tam copiosè.

XLIII. Ut cum regionem latè fames ac alimentorum inopia invafiffet, neminem ftipe fruftratum prætermiferit, fingulis egenis familiis certa tritici copiâ attributâ: & eo excrevit hæc juvandi cupiditas,ut cum nactus effet hominem mutum ac furdum,omni ope deftitutum,nonmodò eum recreaverit iis fubfidiis,quibus vita fuftentatur ; fed domi fuæ educatum, quà nutibus, quà geftibus, ingeniofa enim quà pietas eft,informarit ad æternam falutem: ficque cætera virtutum genera exercuit charitatis aftu fuccenfus, ut feptuaginta hæreticorum millia Ecclefiæ Catholica fubjeciffe fit famâ vulgatum.

XLIV. Ex hujus charitatis officina volu

eux qui étoient nuds, il s'eft plus d'une fois dépouil lé de les habits de deffous: s'il n'avoit pas de quoi les foulager, il recouroit à l'emprunt; & il a engagé pour cela jufqu'à fa vaiffelle d'argent, fes chandeliers, fes burettes, fon Anneau Pastoral.

XLII. Pour mettre la chasteté des jeunes & pauvres filles hors de danger, il leur procuroit d'honnêtes & avantageux établiffemens, en les dottant le mieux qu'il pouvoit. Les Pélerins & les Religieux, il les recevoit chez lui, avec une cordialité toute fraternelle : fa main ne fut jamais fermée à l'indigent; fes fecours dans les différentes néceffités du prochain, furent toujours abondants & ména gés à propos.

XLIII. Tout le pays & les environs étant affligés d'une cruelle famine, il n'y eut aucun pauvre, qui, par les foins de François, ne fût affifté dans fon befoin particulier, aucune famille néceffiteufe, à qui il ne fît diftribuer une quantité de blé fuffifante. Il étoit naturellement bienfaifant, & fa piété lui fit cultiver fi foigneusement cette heureuse inclination, qu'un jour ayant trouvé un homme fourd & muet, réduit à l'extrême indigence, il le recueillit en fa maifon pour l'y faire élever, & non feulement lui procura tout ce qui étoit néceffaire pour foutenir la vie temporelle; mais encore s'étant chargé luimême de fon inftruction, il parvint, tant la Charité eft ingénieuse, à lui faire entendre par fignes, ce qu'un Chrétien doit croire & pratiquer pour la vie éternelle. Enfin fa charité a été fi ardente, & a fçu employer fi utilement le miniftere des autres vertus, qu'elle a foumis, ce qui eft de notorieté publique, jufqu'à foixante & dix mille hérétiques au joug de la Foi.

XLIV. C'est la même Charité, qui, de fon

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